Un nouvel arrivant
Ce sentiment d’effroi qu’il ressentait était toujours présent ainsi que l’angoisse qu’il ne parvenait à contrôler. Il ne put s’empêcher de mettre sa main sur cette blessure qui saignait de plus en plus. Il essaya de se relever, se souvenant de ces yeux qui paraissaient si réels qu’il était convaincu que cet homme était bien dans cette bibliothèque. Il s’approcha du paravent, s’appuya du meuble où il ouvrit un tiroir, prit un nouveau vêtement. Il enleva sa tunique, se vêtit d’une tenue de teinte grisâtre, tenta de se rasséréner en sentant le liquide rougeâtre devenu sec. Il souleva l’un des seaux remplis d’eau qu’il déversa sur sa main sanglante au-dessus de la large bassine de fer, fut brusquement éloigné du grand récipient de quelques centimètres, le col maintenu contre la paroi rocheuse, le seau tomba à terre avec fracas. À la lueur de la lanterne proche de son visage, il reconnut celui qui l’avait soudainement apostrophé.
- Vous l’avez rencontré, n’est-ce pas ? demande Densetsu d’un murmure.
- Qui était-ce ? dit Argos.
Il eut un silence dans lequel le jeune dieu semblait avoir la réponse à son interrogation. Si ses doutes étaient fondés, il avait croisé son âme infernale.
- Vous le saurez lorsque vous entrerez dans sa maison, dit Densetsu en s’écartant. Celui qui surveille cet endroit.
- Quand l’avez-vous vu pour la première fois ? dit Argos.
- C’était il y a plus d’une décennie et il y avait également la créature qui vous accompagne, dit Densetsu.
- Alfirin ? dit Argos d’un air interrogateur.
- Je ne souhaite interrompre votre charmante conversation mais nous devons nous préparer, dit alors la voix de Tydéus.
Il reporta de nouveau son attention vers son interlocuteur, remarqua qu’il avait subitement pris congé de leur échange. L'hoplite lui tendit l’étui de son épée, le suivit en attachant la ceinture, apercevant l’Amazonide détenant l'arme d'Alfirin. Il sortit de la pièce, les lanternes s’allumèrent, illuminant le corridor. Ils parcoururent le couloir, grimpèrent l’échelle froide de métal puis la lumière lunaire s’infiltra à l’intérieur de l’obscurité ainsi qu’une légère brise provenant de l’extérieur. Lorsqu'Argos se hissa des ténèbres, il s’accroupit au bord de l’entrée du repaire, se releva sans peine. Il remarqua tout à coup une jeune femme tenant une arbalète dans ses mains, un carquois remplis de flèches porté sur l’une de ses épaules. Elle était accoutrée d’une cape sombre évasée à ses jambes dissimulant sa tenue vestimentaire et sa chevelure était de nouveau de teinte dorée.
- Quelle est à présent la suite de cette incursion nocturne ? dit Alfirin à Tydéus qui s’arrêta.
- Il n’y a qu’un chemin qui nous mène à ce palais, dit-il en ayant le regard fixé au loin. Ce sentier qui se situe dans cet espace forestier.
- J'accepte votre proposition de nous mener de l'autre côté de notre destination, dit Alfirin .
Il passa devant le groupe, traversa le port puis lorsqu’ils commencèrent leur ascension dans l'espace boisé en direction du lieu de résidence de l’empereur, ils bifurquèrent afin de n’atteindre le sommet de l’immense colline. Au moment où leur allure diminuait au fur et à mesure de leur pas, ils s’immobilisèrent à quelques mètres de gardes qui surveillaient deux grandes portes d’un bois qui paraissait suffisamment solide pour n’être aisément ouverte.
- Il s’agit probablement de l’accès aux cellules, dit Tydéus.
Le commandant leva les yeux des battants de chêne, observa les tours de guet occupés par plusieurs autres hommes qui scrutaient les alentours puis à la suite d’une réflexion de courte durée, il proposa au garçon de le suivre dans les souterrains du palais mais celui-ci refusa, lui indiquant qu’il devait récupérer une arme qui se situait dans les étages supérieurs. L’hoplite le scrutait un instant à travers l’obscurité environnant avant d’accepter. Ils entendirent brusquement le sifflement de carreaux dans les airs ainsi que la douleur des archers transpercés de la pointe des projectiles avant de tomber les uns à la suite de l’autre. Les gardes entrèrent aussitôt à l'intérieur du palais, referemant entièrement les portes. Argos qui soupira en se disant que cet effort avait mené à un accès moins franchissable qu’auparavant, se retourna au moment où il sentit que le vent était plus dense. Il perçut des craquements et des bruissements qui s’approchait, Tydéus refermant ses doigts sur le manche de son glaive, observait ce qui pouvait les aborder. Il vit alors deux lueurs semblables à des yeux de teintes jaunâtres provenant d'un visage marqué de striures apparaitre dans la pénombre montrant des crocs qui s’avança vivement. Effrayé par la vision de cette sihouette, il s’éloigna de quelque pas, l’esprit s’évapora autour de lui. Il remarqua alors une lame proche de la jugulaire de l’Amazonide qui s’arrêta à temps lorsqu’elle s’en aperçut.
- Puisque nous avons constaté que vous ne vous êtes concertés en ce qui concerne l’intrusion, dit Alfirin d’un rictus. Nous avons supposé que nous devrions appliquer un assaut.
- Comment cela nous ? dit Tydéus décontenancé.
- Nous somme venus seulement avec Barsida, dit Alfirin. Pensez-vous qu’une autre Amazonide de cette contrée puisse être présente ? Si cela est le cas, je souhaiterais le savoir.
Ne pouvant formuler une argumentation convenable, il détourna le regard, posant les mains sur les hanches. À ce moment les portes s’ouvrirent laissant place à une cour dallée, reconnaissable malgré la pénombre de la nuit. Ils marchèrent en direction de l’entrée accessible puis peu à peu les corps des archers effondrés au sol devinrent nettement visibles dans les ténèbres ainsi que de nombreux autres qui avaient été transpercés par une épée. Le jeune dieu porta soudainement son attention vers le tranchant de l’arme que tenait la seconde du clan d'Alfirin, ne percevant aucune coulée de sang sur la lame. Celle-ci ne put s’empêcher de lever les yeux vers lui, les traits de son visage montrant une certaine connaissance de ce qui était survenu.
Annotations
Versions