Raymond
Dans le bus qui me ramène chez moi, je souris comme je ne l’avais jamais fait avant, au chauffeur, aux passagers, aux oiseaux, aux arbres et même aux lampadaires.
Là, c’est sûr vous me prenez pour une folle. Et bien tant pis, j’ai décidé de croquer la vie à pleines dents, de faire table rase du passé et d’écrire mon histoire sur une nouvelle page blanche, immaculée.
En allant chercher mon courrier, je trouve une lettre manuscrite, quelqu’un l’a déposée dans ma boite aux lettres pendant mon absence.
J’ouvre l’enveloppe, elle n’est même pas cachetée.
« Germaine,
Je vous ai attendu pour le café. Puis, j’ai voulu vous parler mais vous n’êtes pas venu chercher votre courrier. J’ai vu le livreur de pizza sonner chez vous, je vous ai vu sortir par la fenêtre.
J’ai l’impression que vous m’évitez. Je vous ai peut-être blessée l’autre jour par ma question stupide ?
Vous savez, j’ai toujours été maladroit lorsqu’il fallait parler aux femmes.
Vous allez sûrement rire lorsque vous lirez la suite de cette lettre, mais cela m’est bien égal.
Pour moi, le plus beau jour de ma vie, ce n’est pas celui de mon mariage, ni celui de la naissance de mes enfants. Le plus beau jour de ma vie, c’est celui où je vous ai vu pour la première fois prendre votre courrier. Vous aviez un regard si triste, Vous ressembliez à un petit oiseau sauvage qui ne veut pas se laisser apprivoiser.
Vous n’avez peut-être pas remarqué, mais si j’étais là chaque matin quand vous alliez à la boite aux lettres, ce n’était pas un hasard.
Bien sûr, vous n’étiez pas très bavarde et c’était chaque jour les mêmes mots « Bjour Raymond », mais vous entendre prononcer mon prénom suffisait à illuminer ma journée. Vous êtes le petit rayon de soleil qui éclaire ma solitude.
Si ces quelques lignes vous ont fait sourire, tant mieux, j’aurai au moins réussi cela.
Votre dévoué voisin,
Raymond »
Je reste là, ébahie, scotchée, incapable de prononcer la moindre parole. « Il se moque de moi », sont les premiers mots qui me viennent à l'esprit.
Comment quelqu'un de sensé pourrait-il écrire une chose pareille ?
Ce n'est pas son style de rire des autres. Et, comment je peux savoir quel est son style ?
Je ne le connais pas du tout le Raymond.
Illusion, désillusion, après tout, je n'ai rien à perdre. Si c'est une blague, je ne serai même pas blessée, je ne l'aime pas, alors !
Je suis allée prendre le café, ce n'est pas si mauvais que ça après tout.
Puis je suis retournée le lendemain et le jour suivant. Raymond est devenu mon ami.
Je ne sais pas si je vous l'ai dit, nous allons nous marier, l'année prochaine.
Je crois que ce sera le plus beau jour de ma vie.
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