Mais quand je lève les yeux sur le silence de la chambre, je m’aperçois que je suis seule. Faune s’est tirée. Et moi je suis coincée ici. Elle m’a rendue responsable avant de se faire la malle…solidarité, quand je vous tiens…J’envoie l’adresse à l’amie éplorée et me coule du lit au fauteuil. Yoann n’a pas bougé d’un cil, ignorant totalement que je viens peut-être de laisser s’enfuir l’amour de ma vie. Sans être excessive, évidemment. Mon pied s’agite sur le sol. Tap, tap. Tap, tap. Ma main s’y met, heurtant ma cuisse. Tap, tap, slack. Tap, tap, slack. C’est ma tête qui s’emporte, hochant comme une politicienne en mal de mots.

"Buddy you're a boy make a big noise, Playin' in the street gonna be a big man some day, You got mud on yo' face, You big disgrace, Kickin' your can all over the place, Singin' !"

Emportée par la chanson, je bondis du fauteuil en chantant de façon bien plus sonore :

"WE WILL, WE WILL ROCK YOU !!"

Ma main droite tient le haut d’une guitare pendant que l’autre lui arrache des notes électriques parfaites. Je tourne sur moi-même mais mon ‘SINGIN ‘ se perd dans ma gorge quand je réalise que la petite grosse me fixe dans l’entrée avec l’air d’un crapaud pris dans les phares d’une voiture. Je ramène mes bras devant moi et me racle la gorge.

"Dégage, me siffle-t-elle."

Vu la couleur alarmante que prend son visage, je ne me fais pas prier et me faufile le long du mur, moi aussi plus rouge que je ne voudrais l’admettre. Mais je reste un moment immobile devant la porte. Je voudrais y retourner, mais je ne comprends pas pourquoi. Finalement, je tourne les talons et m’éloigne avec la sensation d’être un zombie. Je me statufie devant l’hôpital. La blonde-fleuve me regarde en fumant une 100s.

Un sourire me prend le visage et contamine le sien.

She's gonna rock me. For sure.