Episode 2
Alice lève les yeux au ciel excédée.
Sa mère avait bien entendu décidé de parler de son « comportement » à son père qui semblait furieux. Désormais tous les trois, assis autour de la table, se lançaient des regards en chien de faïence.
— Je n’ai rien fait de mal, assure l’adolescence.
Ses parents ne répondent rien et Alice sent son calme voler en éclat quand son père pousse un profond soupir.
— Ce n’était qu’un violon et je l’ai à peine touché ! s’exclame-t-elle en se levant si brusquement que sa chaise manque de tomber.
— Alice ! Change de ton avec nous ! la réprimande sa mère.
Les poings serrés, elle se rassoit et tente de se calmer. Son père se masse le front de son index et son pouce. Finalement, il jette un regard plus désolé qu’en colèr à sa fille. Alice s’en étonne. Lui qui lui avait semblé sur le point d’exploser en apprenant que sa fille était entrée dans un magasin de musique.
— Ma puce… Les choses sont plus compliquées que tu ne le penses. Je suis moi-même passé par ce besoin de musique mais ce ne sera que mauvais pour tout le monde si tu y cèdes, lui explique-t-il d'une voix douce.
— Mais pourquoi ? Ça n’a aucun sens ! Ce n’est que de la musique !
— Alice, la discussion est close. Pas de musique ! coupe sa mère.
Alice se renfrogne. Elle se lève rageuse et sort de la pièce pour rejoindre sa chambre. Ce n’est qu’au prix d’un effort surhumain qu’elle parvient à ne pas claquer la porte et qu’elle ne s’enferme pas à double tours dans son antre d’adolescente.
Pour la deuxième fois de la journée – et la millième fois de sa vie – elle maudit ses parents et leurs règles stupides sur la musique tout en se demandant ce qu’elle pouvait avoir de si horrible. Sa vie presque en autarcie lui avait donné l’impression d’être dans une famille de fous. Pourtant ses parents ne rejetaient pas la technologie. Loin de là. Mais tout ce qui pouvait faire de la musique était banni. Télévision, ordinateur, téléphone et même une sonnette de porte d’entrée.
Alice soupire. Désobéir ne lui ressemble pas mais plus les jours passent et plus son envie de musique s’amplifie. Effleurer les touches d’un piano, gratter les cordes d’une guitare… Faire glisser un archer sur celles d’un violon. De tous les instruments celui-ci l’intéresse plus qu’un autre.
Evidemment elle avait déjà entendu le son d’un violon.
Dans la rue, une fois alors qu’elle était enfant. Alice avait vu un homme qui jouait du violon pour le plaisir des passants. Il avait même laissé un petit garçon essayer. Le son qui en était sorti lui avait brisé les tympans mais il avait renforcé le sentiment d’admiration de l’enfant qu’elle était quand l’homme avait fait s’échapper du petit instrument de bois des notes si douces. Si mélodieuse.
« Comment un instrument pouvait-il crier autant de sons différents ? » s’était demandé Alice.
Un instant on aurait dit le cri d’un animal enragé et l’instant d’après le son du paradis résonnait à ses oreilles.
Bien entendu ses parents avaient accéléré le pas pour échapper à la « terrible musique » et depuis ce jour, Alice rêvait de pouvoir jouer du violon.
Penchant la tête en arrière Alice réfléchit. Loin d’aimer le plan qui lui vient en tête, elle ressent tout de même le besoin de l’exécuter.
— Papa, maman, désolé, murmure-t-elle. Je vais apprendre à jouer du violon.
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