Passage à l'acte.
Le soleil luisait toujours, de son œil orangé ; mais plus pour bien longtemps. L’après-midi passa, et voici que le soir tombait, alors dans le quartier des Horrea* peu à peu les discordantes clameurs, les bruits des fabriques, des ateliers se turent. Les chauves-souris aux ailes souples, voltigeaient rapidement, lourdement, poussant de petits cris stridents. Au port, au souk, les ventes, les courtages étaient depuis longtemps finis alors que les habitations, les palais en terrasses constellées de chandelles neuves s’allumaient une à une.
A Tagurxch, c’était maintenant l’heure des tavernes. Du port s’échappaient des cris hospitaliers, des chansons de marins d’eau douce.
Au bout d’un de ces vieux quais oubliés, sur ses dalles disjointes une file de quinze chariots auxquels étaient attelées à chacun une paire d’iŭga finissant leur pitance.
Sous une arcade de briques, un jeune homme faisait le guet. Il avait comme à son habitude choisi cet emplacement, car un peu éloigné de l’égout principal, qui en bas, vomissait une eau noire visqueuse, aux affreuses écumes blanchâtres, roulant des étrons puants, de vieux os, des épluchures, des légumes pourris, des rats, des chiens crevés qu'emportait le courant. Souillure sans effet pour un Fleuve si grand si large, dont les lunes argentées, pailletaient la surface de petits arcs-en-ciel.
Mais, pour lui qui finissait son fromage, qu'importait la vie et de confort de quelques iŭga qui passeraient la nuit sous le joug, à l’intérieur des brancards.
Mais pour elles, plus tout à fait humaines, indifférentes à l'eau qui coulait, aux ordures qui passaient, aux clameurs de la foule qui s’amusait là-bas en ville, seul le repos comptait.
Pour le jeune hale-bouline*, qui était le même méchant gosse vicieux d’à peine 15 ans qui leur avait rendu la vie si dure durant la journée. Il lui restait encore deux heures à faire le planton avant de rejoindre une taverne. C’est alors qu’il vit et entendit, malgré la pénombre du soir qui tombait, Saavati jouait avec elle-même. Elle se masturbait bruyamment, mais cela faisait partie de leur plan. Il fallait qu’elle attire le plus tôt possible l'attention du garde.
Yumi, qui faisait semblant de dormir, ronflait bruyamment. Elle se souvenait de leur conversation plus tôt dans l’après-midi :
- Pourquoi ce serait à moi d’attirer son attention ?
- Tu as une plus grosse poitrine. Et surtout nous sommes sous le harnais, notre cou reste prisonnier du joug, seul nos mains sont libres. Il faut que tu le suces.
- C’est toujours moi qui le fais !
- Ce n’est pas ma faute, si sur le banc de nage tu es la plus proche du payol*.
- Oui, mais pour ce soir, on n’est pas sur la galère ?
- Tu oublies que tu es à ma droite, que son démanilleur il le porte à gauche.
- Justement !
- Oui, justement je n’y ai pas accès, mais il porte son couteau attaché dans son dos, et... et... son épissoir à droite. Tu dois l’allumer, y aller plus fort, sinon il restera sous son arcade sans même te voir. Ne fais pas semblant ! Enfin, essaye de te branler comme une nonne devant une image pieuse.
Maintenant, elle plongeait ses doigts au plus profond de son intimité entreprenant de se tordre autant que ses entraves le permettaient, elle ondulait en gémissant de plus en plus bruyamment. Il n'en fallut pas plus pour attirer l'attention du gaillard.
« Oh ! Mon Dieu, oh ! Messi, je me sens tellement ridicule… j’en oublierais complètement que je suis une Nonce. » pensa amèrement Saavati.
Il arriva en courant sa garcette faisant des moulinets. Déjà de loin, Saavati pouvait voir sa joie sadique illuminer son visage.
- Iŭgum, aux pieds ! mais tu pues plus qu’une truie dans son auge ! Comment, tu souris encore ?
La garcette l’avait frappée à trois reprises marquant un peu plus son dos déjà bien zébré et il lui cria :
- Tu vas arrêter de te branler iŭgum, maudite chienne d’esclave. Des argousins voulaient en fait donner à toi et à ta copine une ration supplémentaire. En fait t’auras que mon foutre !
Du coin de l’œil Yumi regarda le garde pousser du pied Saavati, lui intimant l’ordre de rester à genoux pour le recevoir dans sa bouche. C’est ce que toutes deux attendaient. Pendant les deux heures à venir sur ce quai retiré, ce bâtard serait leur seul surveillant, deux bonnes heures avant la relève.
Elles s’étaient demandé durant leur courte pause ce qu’elles pouvaient faire pour obtenir le démanilleur*. Quant ’à savoir si elles devaient garder en vie celui qui le possédait, la question avait vite été tranchée, de toute façon, si on les reprenait, elles seraient crucifiées. Et elles n’auraient droit qu’à un seul essai.
- Seulement un avertissement, dit le garde en lui mettant sa verge sous le nez.
Les deux filles étaient limitées dans leurs mouvements, leurs pieds étaient libres de toutes chaines, leurs chevilles portaient toujours les bracelets de bronze, leurs poignets étaient enchainés mais avec assez de maillons pour écarter les bras à demi. Assez pour faire un tour de chaine autour du cou du hale-bouline* et c’est ce que commencerait à faire Yumi pendant que Saavati sucerait le jeune garçon, elle attendrait le signal convenu pour l’étrangler.
Yumi avait appris la prise du sommeil qui empêche le sang de circuler vers le cerveau et qui provoquait par ricochet l’évanouissement de la personne sur laquelle elle était appliquée. C’était une technique redoutable. Mais cette fois elle n’aurait aucune pitié. Si elle appliquait correctement la pression sur les principales artères du cou, il devrait perdre connaissance au bout de 5 à 9 secondes. Cette fois avec ses chaines, elle le garroterait ou elle lui prendrait l’épissoir. De toute façon il n’y avait qu’une issue, c’était un combat jusqu’à ce que mort s’ensuive.
Saavati, en tant que Nonce de l’inquisition Salamandrine, avait pratiqué la torture, puis subie. Mais elle ne savait toujours pas si ce que l’on disait au sujet des pendus était vrai ou non, à savoir, s’ils éjaculaient une dernière fois. Elle sourit, avec un peu de chance… Ce soir elle le saurait.
Sans plus de précaution, le gamin fourra sa verge déjà luisante dans sa gorge, il commença à lui baiser la bouche par de violents mouvement du bassin, ne se souciant pas de la douleur qu’il infligeait car le cou de Saavati était emprisonné dans le carcan du joug. Puis il accéléra jusqu’à ce que cela soit de façon frénétique. « Ce porc ! Il me baise comme s’il était un chien. Il me barbouille la figure de ma bave et de ses crachats. Mais tu vas me prendre la tête connard ? » pensa-t-elle.
Puis enfin il fit ce qu’elles attendaient. Il lui saisit la tête à deux mains pour lui imprimer le mouvement désiré, pour enfoncer et maintenir son sexe tout au fond de la gorge de Saavati.
- T’aimes ça salope ? tu vas bientôt t’étouffer avec mon foutre iŭgum !
C’est à ce moment précis que Saavati lui empoigna fermement les poignets de ses mains calleuses. C’est à ce moment précis que Yumi passa sa chaine de bronze forgée autour de son cou. Mais elle était de côté et non de dos. Il ne se débâtit surement pas assez, mais ce fut suffisant. Yumi en profita pour lui prendre son coutelas. Le jeune homme pâle, les cheveux épars, arrive à libérer ses mains, il a compris, il essaye de cacher sa gorge. Froidement sans que sa main ne tremble, Yumi l'égorge, ainsi qu'un vil pourceau. C’est à ce moment précis que dans un râle il éjacule.
Son front heurte le pavé du quai, son sang coule à longs flots entre les dalles et va se perdre vers un égout de fange.
Pas de hurlements de joie.
- Ouf ! ça a été plus rapide et plus facile que prévu.
- D’après toi, il a joui avant de crever ? ou pendant ? dit-elle en recrachant le sperme. C’est bien la dernière fois que je subis ça !
- Tu crois pas qu’on a autre chose à penser ? On n’en a rien à foutre. Faut pas trainer. Dit Yumi brandissant le démanilleur. Saavati, on suit notre plan. Tiens Prends le démanilleur et libère-nous du joug pendant que je continue de fouiller cette pourriture. On prend tout ce qu’on peut.
- T’as raison, tu le déloques. On enlèvera nos chaines dans l’égout. On a de la chance, il y a trois Porte-falots* à côté du chariot, il voulait voir ce qu’il faisait le bougre. Je regarde vite fait ce qu’il y a dans le chariot. Que dalle ! juste quelques sacs vides, je prends tout. Éteins deux des trois falots, on les rallumera dans l’égout. On camouflera comme on peut l’entrée de l’égout, avec de la chance, ils vont croire qu’on est parties à la nage, ou qu’on a volé une barque.
- On ne pourra pas camoufler l’entrée, elle est trop grande.
- Non suis moi j’ai repéré un conduit plus petit. Beaucoup plus petit.
Elles remplirent les sacs avec tout ce qu’elles trouvèrent, laissant nu le cadavre du hale-bouline*, les autres iŭga n’avaient rien remarqué, toutes dormaient harassées de fatigue.
Alors rapidement et silencieusement, les deux esclaves glissèrent dans les eaux troubles. Le flot, serrait les vieilles piles massives du ponton, et le gré des pierres, se laissait émietter par l'eau.
Sous le ponton, de l’eau jusqu’à la poitrine, elles revenaient vers le quai, puis elles pataugèrent dans la vase le long du quai, sur sa paroi moussue de gros anneaux s'oxydaient en silence. Et vers la petite ouverture puante qui affleurait qu’avait découvert Yumi elles se dirigèrent...
- Ecoute Yumi, c’est un rossignol qu’on entend ?
- Oui, tu as raison.
- Embrassons-nous, cela ne peut que nous porter bonheur.
Avec difficultés, elles s’y faufilèrent et chargées de leurs faibles bagages elles commencèrent en rampant l’exploration du boyau.
Et le Fleuve, insoucieux de l'évasion des deux femmes, continuait à longer la cité. La nuit s'avançait constellée, les lunes brillaient de leurs froides clarté, et c’est avec l’aube naissante que l'air emperlait de rosée les berges du fleuve.
Quant aux fuyardes elles seraient déjà bien loin sous terre.
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