Mettre ou ne pas mettre de couches

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- Telle est la question.

- Ne pas mettre de couches ? Mais pourquoi diable une telle idée, vous demandé-je ? À moins

d’avoir envie de retrouver de la m…., pardon, des excréments de bébé partout ! D’ailleurs, qu’on

appelle ça des excréments, du caca ou de la merde, ça sent la même odeur. Ça jaillit, ça gicle, ça

éclabousse, ça salit, ça tâche, ça pue et ça embaume pour de bon. Et ça dure.

Elle se rendait pas compte, elle !

- Oui, mais, est-ce vraiment la faute des couches ?

- Tiens, tiens ! En voilà une question qu’elle est bonne ! À dire vrai, je ne me la suis jamais posée.

- Eh bien, qu’attendez-vous ?

- Si je ne mets pas de couches à mon bébé, il va se soulager n’importe où ! Dans mes bras, dans le

siège auto, sur sa chaise haute… ça va vite devenir ingérable !

- Ça, c’est quand on ne connaît pas le pouvoir magique des bébés !

- Le pouvoir magique des bébés ? Mais de quoi parlez-vous ?

Elle était complètement folle, ma parole. Pourquoi est-ce que j’écoutais ces conneries ? En réalité,

je devais bien avouer que ça me rendait curieuse, toute cette histoire de bébés sans couches.

Est-ce que ça leur bouchait les fesses ? Non, ça pouvait pas être ça. On n’avait pas de couches, nous

les adultes - bien que ça restait à démontrer - et on y allait quand même tous les jours.

Est-ce que ça sentait la rose, tout-à-coup ? Même réflexion….

Bon, mais alors, c’était quoi ce pouvoir magique, bon sang de bonsoir ?

- Vous donnez votre langue au chat?

- Assurément !

- Et bien, ils n’en ont pas ! Ils sont justes comme nous. Ils savent parler !

- Quoi ?

Là, on touchait le fond. Comment avais-je pu être naïve au point d’attendre d’elle qu’elle me délivre

de cette vilaine curiosité frustrante ? Au lieu de ça elle s’amusait à exercer des actes frustratoires.

C’en était trop ! J’ai pris mes affaires, et j’ai mis les voiles, fissa !

- Où allez-vous ?

- Euh, j’ai autre chose à faire. Changer la couche de mon bébé, par exemple !

- Ne me dites pas que vous n’avez jamais entendu pleurer votre bébé pour une raison inconnue ?

- Si, mais comme tous les bébés…

- À qui le dites-vous ! Allez, j’arrête de vous faire tourner en bourrique. Parfois, ils pleurent car ils

veulent nous annoncer qu’ils veulent faire leurs besoins. Ils peuvent faire plein d’autres choses pour

nous le dire, du reste.

- Jamais entendu parler de ça.

- C’est normal, si vous écoutez les pubs de couches pour bébé, vous ne pouvez pas…

Non, mais, la condescendance maquillée en pédagogie! La mégalomanie de la fille ! J’y crois pas…

Elle s’écoute parler, c’est dingue !

- Bon, et donc, qu’est-ce que je dois faire, au juste ?

Mieux valait l’écouter jusqu’au bout, elle me lâcherait peut-être la grappe, après ?

- Observez-le. Et quand vous pensez qu’il veut y aller, enlevez-lui sa couche et portez-le au-dessus

des toilettes.

- Ah oui, c’est comme les chats qui pissent dans les lieux d’aisance !

- Je sens une pointe de sarcasme dans votre ton. Ne me prendriez-vous pas au sérieux ?

- J’avoue être sceptique…

- Ça tombe bien, mon bébé a justement besoin de… enfin, vous voyez ce que je veux dire !

- …

C’est là qu’elle a soulevé l’espèce de jupe qu’il portait, dévoilant ses fesses nues. Ma parole, depuis

tout ce temps, le petit n’avait pas de couches, et pourtant ses vêtements étaient secs ! Je me suis

écartée pour laisser de l’intimité au bébé, d’instinct. Elle m’a remerciée, puis elle a placé le dos de

son petit contre son abdomen et a relevé ses jambes en mettant ses mains sous ses genoux. Quelques

secondes après, sous mes yeux ébahis, je vous le donne en mille, le marmot s’est lâché dans l’herbe.

Un bon gros colombin. Elle lui a ensuite essuyé les fesses d’un petit geste de haut en bas avec une

lingette lavable.

- Alors là ! Je n’en reviens pas ! Vous lui avez donné quelque chose pour aller à la selle ?

- Comment ça ? Jamais de la vie médication allopathique n’entrera dans sa bouche, ou aucun autre

orifice, de ma main !

- Ben, de l’aloe vera, alors ! Vous m’avez dit qu’il avait des reflux !

- Non, vous dis-je ! C’est un monde, ça !

- Vous y passez votre vie, alors ?

- Et vous ? Ne passez-vous pas votre vie à vous occuper de votre progéniture ?

J’ai fait la moue.

- Touchée.

Je demeurais tout-de-même sceptique.

- Faites ce que vous voulez ! Je vous ai révélé un grand secret, qui est trop secret à mon goût,

d’ailleurs ! D’injonction il n’y a pas ! Point de méthode. Ce mode de vie est modulable à souhait,

ce que ne sauraient faire les couches !

- D’accord, d’accord ! Nul besoin de monter sur vos grands chevaux ! On peut pas parler, avec

vous !

- Si ! C’est juste que vous commencez à me courir avec vos idées toutes faites ! Laissez-le donc

chier dans sa couche, et démerdez-vous ensuite ! Je vous souhaite bien du courage ! Ce n’est plus

mon problème !

- Oh là là, Madame est susceptible !

- Ouais, j’en connais une autre !

Je n’ai pas pu m’empêcher d’éclater de rire. Et elle à ma suite.

Il demeurait pourtant un problème. Maintenant que je savais ça, je ne pouvais plus faire comme si je

l’ignorais. J’étais bien dans la merde.

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