Nuit froide. Un vent glacial essaye de s'engouffrer dans mon petit chez-moi. Tout est calfeutré comme tous les hivers. Seul le bruit du souffle me parvient aux oreilles.

Une cigarette à la main, je bouquine tranquillement installée dans mon fauteuil. Le feu de la cheminée réchauffe le salon.

Toc toc toc !!!

Je sursaute et lâche le livre sous l'effet de surprise.

Toc toc toc !!!

Non je n'ai pas rêvé, quelqu'un vient de frapper à ma porte. Bordel, qui se promène en pleine nuit de tempête ?

Je me lève avec une lenteur affirmée. J'avoue en avoir marre des visites surprises en pleine nuit. Jamais tranquille dans ce village !

Toc...

- Oui, c'est bon, j'arrive.

J'ouvre la porte d'entrée avec brusquerie. Pas aimable pour un sous.

- T'es qui toi ?

J'observe la petite chose en face de moi.

- L'évasion.

- Quoi ?

- Mon nom est Evasion. Je viens te chercher.

- Sérieux ?

Un fou rire me prend.

- Oui, c'est très sérieux.

- Et... pour aller où exactement ?

- Toi seule, le sait.

Je déteste ce genre de réponse. La petite chose reçoit un nuage de fumée en pleine face. Elle toussote un instant, puis reprend :

- N'as-tu pas envie de soleil, la mer, marcher sur du sable chaud ?

- Pas vraiment ! Je déteste la chaleur. Et comme tu peux l'entendre, la mer est à 20 mètres derrière toi.

- N'as-tu pas envie de découvrir d'autres lointaines contrées, d'autres horizons ?

D'un grand geste de la main, je lui montre tous les livres empilés contre les murs, entassés sur les étagères.

- Je pense avoir tout ce qu'il me faut pour voyager ici. Chaque livre me fait pénétrer dans un nouvel univers. J'y rencontre un tas de gens même.

La petite chose ne dit plus rien. Son air penaud me fend le coeur. J'ai peut-être été un peu dure avec lui.

- Tu veux que je t'en donne un ?

Timidement, il hoche la tête.

J'attrape le premier sur la pile la plus proche. En lui tendant, je m'aperçois que c'est un roman d'Elif Shafak "Bonbon Palace".

- Tiens, t'iras faire un tour en Turquie avec celui-ci.

Evasion prend le livre et le serre contre lui. Je pense qu'il en a marre du porte à porte. Il se détourne et part dans la profondeur de la nuit glaciale sans un mot.

Ben voilà, il aura un peu de chaleur lui-aussi.

Et de l'évasion.