Un Souffle
J'aurai voulu vous raconter la fin d'un homme, mais elle m'a semblé si triste que je n'ai pu l'écrire. À la place, j'aimerais vous proposer un contre-chant du cygne...
Plénitude. S'il pensait, ce serait ce mot qu'il utiliserait pour décrire l'état dans lequel il se sent. Rien ne lui manque, tout à portée de main. Nourri continuellement, ce n'est pour lui même pas une préoccupation. Parfois néanmoins, il sent une gêne, quelque chose qui le presse : un coup de pied, un bras tendu et le souci disparait.
Tout le temps, il rêve. Il rêve seulement du présent, qui continuellement se poursuit. Ses rêves sont des émotions, de la joie, de la tristesse ; jamais d'images ou de son. Ô qu'il aimerait pouvoir toujours rester dans ce paradis...
Voilà qu'un jour, il ressent encore une gêne. Un coup de pied, cela ne l'arrête pas. Un coup de bras alors ? Pas plus d'effet. La gêne amplifie, jusqu'à devenir une douleur ! Il en tremblerait presque de peur et d'étonnement. "Qu'est-on en train de me faire ?" pense-t-il. Pensée anodine qui le terrifie, en fait, car il n'avait jamais pensé jusqu'à maintenant. Insidieusement, la douleur infuse tout son corps. Et voilà qu'il se sent pressé de partout ! Il redouble d'efforts et de coups pour exprimer son mécontentement. Rien y fait, tout autour de lui se rapproche et commence à le pousser hors de son paradis. "Arrêtez tout cela !" pense-t-il encore avec véhémence, dans un langage incompréhensible. Il se sent mouvoir contre son gré hors de cet environnement qui depuis toujours le protégeait. Un instant, il arrête de bouger : un froid horrible vient de s'emparer du bout de son pied. Cela remonte petit à petit jusqu'au genou, puis la deuxième jambe est aussi transie de froid. Il ne se résignera pas, non ! Quitte à en donner sa vie, il veut rester !
Pourtant, rien y fait. Tout semble le pousser hors de son petit paradis. Il faut qu'il se rende à l'évidence : il ne peut plus lutter. Un ultime coup de poing d'insatisfaction, puis il se laisse aller hors de son confortable environnement. Il en pleure, il enrage !
Et puis voilà qu'on se saisit de lui et qu'on dit dans un langage qu'il ne peut encore comprendre :
"C'est un garçon !"
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