Chapitre 3 (partie 1/3)
Le convoi s’enfonça dans le territoire enneigé du col. Le chariot avait troqué ses roues pour des skis de traineau, lui permettant ainsi de glisser sur l’épais manteau neigeux. Les sabots des chevaux avaient été équipés de protections contre le froid mordant. Malgré tout, les équidés avaient du mal à progresser. Le bouquetin de Joshua se déplaçait dans la neige comme si de rien n’était.
Le Guerrier-cuistot était en tête de la colonne, tous ses sens à l’affut. Ils avançaient en territoire hostile à présent, le premier faux-pas pouvait être le dernier. Les gobelins pouvaient les attendre en embuscade n’importe où, sans oublier les monstres sauvages et prédateurs. Secrètement, Joshua espérait rencontrer l’une de ces féroces créatures sur la route afin de pouvoir mettre aussi bien ses talents martiaux que culinaires à l’épreuve.
Le bouquetin escalada un rocher en quelques bonds et se percha à son sommet.
-Tout doux Hortho. Murmura le Guerrier-cuistot à son compagnon cornu.
Depuis ce perchoir, il observa les alentours. À la recherche du plus petit signe de vie et d’activité. Pour l’instant il ne percevait rien, mais il se doutait que cela ne durerait pas. Il redoutait que la tribu des éclaireurs gobelins qu’ils avaient tués finisse par s’inquiéter de leur absence.
Alors, les peaux-vertes se mettraient à arpenter l’étendue de roche et de givre afin de les retrouver. Il y avait très peu de chance pour qu’ils ne tombent pas sur le convoi. À ce moment-là, ils s’exposeraient aux représailles de l’unité Chouette-Blanche.
Un peu en arrière, autour du chariot, les militaires discutaient entre eux. Borbon leur avait conté le combat contre les gobelins, peu de temps après le repas. Tous voulaient en savoir plus sur l’affrontement et le rôle que Joshua y avait joué. Le semi-homme leur avait raconté tout dans les moindres détails.
-Il a vraiment bougé si vite que ça ? Demanda Shilva.
Borbon confirma la véracité de cette information.
-Vous ne devriez plus vous étonner, de ce genre de choses Ombra, dit alors Sorya, sa démonstration à la caserne aurait dû vous suffire.
La drow ne trouva rien à répondre à sa supérieure. La haute-elfe n’avait pas tort, son affrontement avec Joshua était ce que l’on pouvait qualifier d’entretien d’embauche.
-Dites-moi capitaine, êtes-vous déjà allée au royaume Gourmet ? La questionna Gabriel Guadère.
La capitaine Romar lui répondit par la négative.
-Vous pensez que le cuistot accepterait de nous parler de son pays ? Ajouta Mirka Bilouse.
-C’est à lui qu’il faut le demander.
Dans le chariot, les commerçantes parlaient entre elles :
-Torya, demanda la demi-elfe, tu penses vraiment que c’était une bonne idée de partir avec ce type ?
La leadeur du groupe, qui dirigeait le traineau, ne répondit pas tout de suite. Finalement elle dit :
-C’est un ordre de la princesse Sophia, nous ne pouvions refuser, Thara.
-Je partage son inquiétude, dit alors une trentenaire à la tignasse rousse, qu’est-ce qu’il se passera s’il découvre la présence de sa majesté, il est imprévisible.
Torya haussa les épaules.
-Peu importe la façon dont le prince Grill réagira, s’il prend bien la chose tant mieux, mais dans le cas contraire je me chargerai de lui.
En terminant sa phrase, la soi-disant marchande porta sa main à sa taille où, cachée sous sa tunique, une paire de lames attendait.
La nuit tomba et l’on décida d’établir le campement. Comme il l’avait fait plus tôt dans la journée, Joshua fut envoyé en éclaireur, cette fois en quête d’une caverne ou d’un flanc de montagne hospitalisé. Le jeune homme objecta quelque peu, les rares cavernes des environs devaient probablement être l’antre des monstres sauvages et des gobelins.
Toutefois sa mission restait la même, les soldats et les marchands ne pouvaient pas dormir dans la neige. Ils risquaient tous de mourir de froid.
Sur le dos de Hortho, Joshua sillonna le col à la recherche d’un lieu valable où établir un campement. L’attaque qu’il redoutait tant n’avait pas eu lieu, mais il craignait que ce ne soit le calme avant la tempête.
Finalement, le Guerrier-cuistot découvrit un creux dans la paroi rocheuse du col. Un endroit à l’abri du vent et facile à défendre en cas d’attaque ennemie. Hortho fit volteface et retourna vers le campement. Moins d’une demi-heure plus tard, toutes les Chouettes-Blanches et les marchands établissaient leur camp dans le creux de la falaise.
Une fois encore, Joshua assura le feu et entreprit de préparer le repas du soir. Cette fois à la place de viande d’hydre des marais, le jeune cuisinier s’attela à la préparation d’une soupe de tomate de feu des hautes piques de l’ouest.
Ces légumes remarquables, endémiques au royaume Gourmet, ne poussaient étrangement que dans les hauts plateaux des montagnes glacées. Leur étrange capacité à dégager une puissante chaleur permettait aux herbivores de survivre dans cet environnement rude et inhospitalier.
Les cuistots du royaume avaient bien vite compris l’utilité que ces tomates pouvaient apporter dans les circonstances similaires à celle où Joshua et ses compagnons de routes se trouvaient. Une fois cuisinés correctement, les légumes permettaient à celui qui les mangeait de supporter des températures quasi polaires.
Joshua découpa les tomates en rondelles, avant de les broyer, et de les plonger dans l’eau bouillante du chaudron, au-dessus du feu. L’eau se teinta alors d’une couleur vermeille, le cuisinier au teint d’ambre versa des pincées d’épices venues du royaume Gourmet. Encore fois une odeur alléchante se répandit dans le campement et ce ne fut qu’au moment de servir le plat que Joshua réalisa que tous les militaires braquaient leurs regards sur lui.
Borbon Saché le fixait avec de grands yeux, comme un enfant qui regarde un magicien faire un tour. Les yeux de Shilva et Sorya renvoyaient le même éclat que les grands prédateurs lorsqu’il observe une proie. Mirka quant à elle portait sur lui un regard pragmatique, comme lorsqu’un artisan observe un confrère en action.
À contrario, les commerçantes semblaient à se désintéresser totalement des talents culinaires de Joshua, visiblement bien trop occupées à dresser leur partie du campement. Le jeune homme ne s’en souciait guère. Ce n’était nullement le cas de la capitaine Romar. Depuis que ses supérieurs lui avaient confié cette mission, la haute elfe sentait qu’ils lui cachaient quelque chose. Durant sa longue vie, la militaire avait appris à discerner les mensonges et les gens qui dissimulent des informations. Il ne faisait aucun doute pour elle que cette mission d’escorte était bien plus que ce qu’elle semblait être.
L’allure et les manières des membres de la caravane, étaient plus proches de celle d’une équipe de soldats, que d’une troupe de marchands. La haute elfe n’avait aucun doute, sur le fait que leur profession apparente n’était qu’une couverture. Elle ignorait les réelles motivations de ces femmes, et elle n’aimait pas ça. Son escouade était impliquée dans leur histoire et elle en ignorait les tenants et aboutissants.
Sorya espérait, que l’expédition se déroulerait sans que les Chouettes-Blanches, ne souffrent des secrets de cette mission d’escorte. Un instant, elle envisagea de confronter les commerçantes factices, mais elle vit bien que même sous la torture, elles ne piperaient mot.
L’appel de Joshua pour le souper, tira la vétérane de ses réflexions, elle réalisa alors qu’elle était affamée.
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