C’est alors qu’il réalisa que toute la troupe avait les yeux braqués sur lui. Torya s’approcha de lui.

-Quel est ce plat ? Demanda-t-elle en désignant la préparation du Guerrier-cuistot.

Joshua répondit alors avec un large sourire :

-Un chili de manticore, capitaine !

Après quoi, il reprit son repas comme si de rien n’était, savourant chaque bouchée de ce succulent repas. Sophia s’approcha du feu en se frottant les yeux, elle huma l’odeur du chili et instantanément se mit à saliver. L’estomac de la petite princesse fit un bruyant gargouillis, témoignant de l’immense faim qui l’oppressait.

Joshua sortit un bol et un couvert, servit une bonne portion de chili avant de le tendre à sa nièce sans un mot. La fillette saisit le récipient et la cuillère pour se jeter sur la nourriture comme une louve affamée. À la première bouchée, le visage de Sophia s’illumina et ses yeux se mirent à briller comme des étoiles. Visiblement le chili de manticore était au goût du palais royal de la princesse.

Les militaires et les gardiennes les regardaient s’empiffrer dans un silence de plomb. Finalement Sorya et Torya s’avancèrent pour se servir à leur tour et toujours en silence se mirent à manger le plat tiré de la viande du manticore.

Torya sentit les épices libérer un feu d’artifice de saveurs dans son gosier et la viande rouge fondit sur sa langue, en libérant une graisse succulente. La guerrière dû faire appel à toute sa volonté pour ne pas pleurer de joie. Toutefois elle ne put s’empêcher de complimenter le cuisinier :

-C’est…C’est divin, seigneur Gril !

-Merci. Répondit simplement Joshua, fidèle à sa nature taciturne.

Sorya, de son côté, se contenta de faire un signe de tête approbateur au jeune cuisinier, bien qu’intérieurement, elle rayonnait de plaisir en dévorant le chili. Ce plat dépassait de loin tous ceux que le Guerrier-cuistot lui avait fait déguster jusqu’à présent. De plus, à chaque bouchée de chili, la haute elfe ne pouvait s’empêcher de se remémorer le combat qui avait opposé Joshua au manticore. Jamais dans toute sa longue vie, elle n’avait croisé un humain aussi puissant.

En dépit de la différence d’âge qu’elle avait avec le jeune humain, elle ne pouvait nier l’attirance bestiale qu’il lui inspirait. En plus d’un siècle d’existence, Sorya avait bien entendu eut beaucoup d’amants : des hommes, des femmes, des intellectuels, des guerriers et bien d’autres avaient plu à la haute elfe et avaient partagé sa couche, parfois juste le temps d’une nuit, parfois pendant plusieurs années.

Pourtant toutes ses conquêtes ne l’avaient pas préparée à sa rencontre avec Joshua Gril. N’ayant jamais rencontré d’habitant du royaume Gourmet, elle n’avait par conséquent jamais couché avec une chasseresse ou un chef cuisinier de ce pays mystérieux.

Elle avait bien des critères pour sélectionner ses partenaires, la force, l’intelligence et bien d’autres, mais elle n’avait encore jamais pensé y ajouter le talent culinaire.

Cependant, si Sorya désirait goûter à ce jeune humain, autant qu’elle dégustait sa cuisine, elle n’avait rien perdu de son sens de l’observation et elle avait bien remarqué le malaise que Joshua éprouvait au contact physique d’une représentante de la gente féminine. Elle comprit vite qu’elle ne devait pas se montrer trop brutale si elle voulait lui faire découvrir les délices des bras d’une femme.

À la vue de leurs supérieurs se régalant, le reste de la troupe s’essaya timidement à l’étrange préparation. Très vite tous voulurent en reprendre et en moins d’une demi-heure le faitout fut vidé et les estomacs remplis.

Cela fait, le campement fut levé et la caravane reprit la route vers le royaume de Victa.

Le voyage s’écoula sans autre incident après la nuit d’attaque du manticore. Pour les repas, Joshua alternait entre les réserves du groupe et la viande du manticore, tout en veillant à en garder pour un festin à venir.

Environ dix jours plus tard, alors qu’ils n’étaient plus qu’à deux jours de la frontière de Victa, Sorya décida de passer à l’acte. Durant tout le voyage elle avait observé et discuté avec Joshua, usant de sa longue expérience des relations pour trouver son angle d’attaque. À présent, elle avait trouvé comment atteindre son but, elle aurait aimé avoir un peu plus de temps, mais c’était justement ce qui lui faisait défaut dans l’immédiat. D’aucuns auraient pu se demander ce qu’une haute elfe comme elle pouvait trouver à un humain tout juste sorti de l’adolescence, la réponse était simple : il lui plaisait, qu’il s’agisse de sa force ou de sa dévotion à rassasier ses compagnons. De plus, elle se sentait responsable vis-à-vis du Guerrier-cuistot : en partie à cause d’elle, il s’était retrouvé mêlé à une histoire qui le dépassait. Mais surtout, il l’avait protégée, elle et l’escouade des Chouettes-Blanches. Pour elle, aider le jeune homme à se délivrer de sa phobie du contact physique relevait autant de la gratitude que d’une forme de devoir féminin et social.

Cette nuit-là, une fois encore Joshua prit le premier tour de garde. Lorsqu’il ne lui resta plus qu’une demi-heure à faire, Sorya s’approcha de lui à pas feutrés pour s’asseoir à ses côtés. Le Guerrier-cuistot ne réagit pas et la haute elfe dit simplement :

-Ce soir je te ferai découvrir les délices du sexe, prépare- toi.

Joshua eut la sensation de se faire frapper par la foudre et sa peau orangée vira au sanguin, il voulut répondre mais Sorya s’était volatilisée.

Lorsque Mirka vint le relever, il se traîna à sa tente en se tenant droit comme un i. Au lieu de s’allonger sur sa couche, il s’assit en tailleur emmitouflé dans sa couverture de fourrure, sa Vorpoêle en main. Il ne sut combien de temps il resta prostré ainsi, mais finalement il s’assoupit, avant de se réveiller en sursaut en sentant un mouvement à l’entrée de sa tente.

Sorya se dressait devant lui dans son armure et son sabre à la ceinture. La haute elfe retira cette dernière et avant même que le ceinturon ne touche le sol, elle se mut, telle un serpent, et se rapprocha de Joshua en un battement de cils.

Sans que le jeune homme ne puisse rien faire, elle se glissa sous la couverture avec lui, s’assit à califourchon sur ses jambes croisées avant d’enrouler les siennes autour du torse du Guerrier-cuistot.

Tétanisé et prisonnier des cuisses d’acier de la haute elfe, Joshua n’osa pas esquisser le moindre geste alors que Sorya lui enlevait le haut de son kimono comme un pansement. Elle fit de même avec son plastron et tous deux se retrouvèrent torse nu. La vue de la poitrine de Sorya manqua de faire éclater le cœur de Joshua, il se mit à transpirer à grosses gouttes et crut s’évanouir pendant un instant.

-Détends-toi, lui murmura Sorya.

Puis elle embrassa le jeune humain à pleine bouche. Joshua perçut les lèvres de sa partenaire comme la pulpe délicate et sucrée d’une orange, quant à elle, ce fut un goût de friture et de viande grillée qu’elle sentit.

-Tu as un goût de nourriture, fit-elle remarquer.

Le jeune homme ne dit mot, mais il rougit davantage. Sans plus de cérémonie, la haute elfe les fit basculer sur la couchette et retira les dernières frusques qui les recouvraient elle et son partenaire. Sorya inonda de caresses et de baisers le corps musculeux du jeune humain.

Très vite, les gestes expérimentés de la haute elfe firent gémir Joshua de plaisir. Un plaisir qui effaça bien vite le stress du jeune homme et il se mit à rendre son plaisir à sa compagne, autant que son inexpérience lui permettait. De ses larges mains il empoigna la poitrine puis les cuisses de Sorya. Le contact de ses paumes presque brûlantes et la rudesse de ses gestes ne déplut pas à la soldate. Voyant que le jeune humain était à l’aise, elle décida de couper court aux préliminaires.

Joshua sentit alors que son corps se fondait dans celui de Sorya. Cette sensation surpassait de loin celle qu’il avait éprouvé la première fois qu’il avait terrassé un monstre avant de le cuisiner lui-même.

Il se mit alors à rugir de plaisir, sa compagne l’imita. Leurs cris d’extase se répandirent dans tout le camp, se réverbérant sur les parois de glace. Durant toute la nuit, les membres de la troupe crurent qu’il s’agissait de fantômes.