Encore une journée dans ce parc animalier. Toujours la même rengaine dans la petite base estampillée "Ferme Africaine". Enfin, c'est ce qu'ils disent. Toute la sainte journée, les enfants défilent dans notre grand enclos. Ils courent. Ils hurlent. Ils se collent à nous, nous caressent, nous crient dans les oreilles aussi. Nous ne pouvons que leur adresser un regard noir et un faible bellement. La dernière qui a répliqué d'un coup de sabot a passé deux semaines en isolement. Un sort peu enviable...

Nous profitons de notre temps libre comme nous le pouvons. Nous regardons ces gros balourds se promener, photographier tout ce qui bouge. Sales touristes... Après tout, nous sommes là pour ça. Nous savons que nous avons de la chance d'être bien traitées ici. Ce n'est pas le cas de toutes nos camarades. Mais supporter les cris et la bave... Très peu pour moi !

D'un naturel agacé, je n'ai pas la patience des copines. Elles ont grandi ici, pas moi. Je ne compte pas rester toute ma vie dans ce microcosme de toutes façons. J'ai bien repéré le muret qui encercle notre habitat. Il surplombe la porte de notre vaste enclos. C'est d'ailleurs par là que rentrent et sortent ces bêtas. Mais je suis maligne!

Guettant patiemment l'arrivée du soigneur, j'attends qu'il s'occupe de la rebelle de la semaine en isolement. Elle se débat comme un beau diable. Il aura largement de quoi faire, m'offrant ainsi sur un plateau d'argent la fuite tant espérée. Mes oreilles frémissent de bonheur. A moi la liberté ! Je monte sur le petit muret, bien décidée à enjamber la clôture lorsque le prochain humain voudra entrer. Il n'aura pas le temps de comprendre ma manœuvre : je le surplombe d'un bon mètre. Tout est calculé, jusqu'à la touffe de végétation qui amortira ma chute. Qu'il est bon d'être une chèvre rusée !