Chapitre 11

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Money - Lime Cordiale


Sacha était assis au milieu de la salle, en train de jouer avec sa nouvelle casquette ornée d’une bite en plastique qu’il avait reçue au Père Noël secret, sous le regard blasé du prof.

– En même temps, c’est un cadeau qui lui correspond bien, fit Emma en haussant les épaules.

– C’est vrai ! répondit Antoine en rigolant. D’ailleurs, tu viens à sa soirée, jeudi ?

– Bien sûr ! Qui dirait non à une soirée dans une maison immense avec une piscine et un grand jardin ?

– T’es juste là pour profiter de sa maison. T’en as rien à foutre, de Sacha !

Emma haussa un sourcil et le dévisagea d’un air choqué.

– Ah oui, c’est vrai que t’es son meilleur pote, toi !

– Ta gueule ! Au moins je lui parle, moi, de temps de temps !

– Bref, l’important c’est qu’on va bien s’amuser et que j’vais pouvoir dormir sur un matelas après une soirée !

– C’est clair que c’est plus confortable pour les cervicales que la cuvette de mes chiottes…

Le cours se termina et le prof se barra le plus vite possible en baissant la tête. Tout le monde rangea ses affaires dans son sac, puis sortit de la salle. Emma et Antoine furent les derniers à s’en aller, ils traversèrent la cour et arrivèrent devant les portails de l’entrée, lorsqu’Emma s’arrêta brutalement, et barra la route d’Antoine en tendant son bras sur le côté.

Antoine se prit le bras d’Emma en plein dans le ventre et se mit à grimacer.

– Aïe, putain, qu’est-ce qui te prend ?

– Chut, moins fort ! chuchota-t-elle. Suis-moi.

Elle le tira par le bras et l’emmena sur le côté. Antoine ne comprenait rien à ce comportement étrange.

Une fois qu’ils furent à l’abri, Emma jeta un coup d’oeil inquiet en direction des portails de l’entrée, et elle poussa un soupir de soulagement quand elle était sûre que la situation était sauve.

– Y a un mec qui est devant l’entrée. C’est pas la première fois que j’le vois. L’autre jour, je l’ai croisé dans la rue, et il m’a dit qu’il était passionné par le paranormal et qu’il voulait me poser des questions à propos de toi. J’lui ai gentiment dit que j’avais pas envie de lui répondre, comme j’le fais d’habitude. Mais il a insisté bien lourdement, une, deux, trois, quatre fois… Il m’a même attrapée le bras, j’ai dû lui donner un coup de coude dans la poitrine ! Et ça lui a pas suffi, quand j’ai commencé à m’en aller, il s’est mis à me suivre.

Antoine secoua la tête de gauche à droite.

– Putain, quel connard…

– Attends, j’ai pas fini ! Du coup, je sors ma technique habituelle pour semer les gens qui me suivent, je me fonds dans les foules les plus bondées possibles, je fais des zigzags, et même des demis tours pour le déstabiliser au maximum. Et quand je pense l’avoir semé, je rentre tranquillement chez moi, je monte dans mon immeuble. J’ouvre les volets de ma fenêtre, et je le vois, sur le trottoir en face de l’immeuble. Il est resté là pendant quelques minutes, puis il s’est barré…

– Et comment il a fait pour te retrouver ici ?

– Justement, j’y viens : le lendemain matin, j’me réveille et j’me prépare pour aller en cours. Et quand je sors, devine qui est au même endroit que la veille, sur le trottoir en face de chez moi ?

– C’est pas vrai… souffla Antoine en baissant la tête. Même le matin, carrément ?

– Mais j’te jure, un malade mental, le mec ! J’ai menacé d’appeler les flics, ça a eu l’air de le calmer un peu, mais il avait pas peur non plus. On savait tous les deux qu’il risquait rien, qu’il serait relâché le lendemain dans le meilleur des cas avec un avertissement, et qu’il aurait aucun problème à me retrouver, vu qu’il savait où j’habitais. Et j’crois qu’il m’a suivie jusqu’ici, j’ai essayé de le semer mais il est trop fort !

Antoine serra le poing et la mâchoire. Il sentait de la rage monter en lui, faire palpiter son coeur et accélérer sa respiration. Il était en train de bouillir, et il n’avait qu’une envie : aller voir ce gars et lui infliger la plus grosse patate de sa vie.

– On va aller s’expliquer, lui et moi. Il va te laisser tranquille, après.

– Nan, arrête, ça sert à rien d’être violent ! Surtout devant l’école, avec tous ces gens qui passent à côté, tu vas passer pour le méchant de l’histoire et ça sera encore pire…

– Alors j’vais répondre à ses questions. C’est moi qu’il veut, nan ? Après, il te laissera tranquille.

Emma soupira, l’air complètement désespérée et épuisée par cette histoire.

– J’suis désolée de t’infliger ça… J’voulais pas t’en parler au début, je sais que t’as déjà assez eu de problèmes du même type, j’pensais que je pourrais gérer ça toute seule. Mais quand j’ai vu qu’il savait où j’habitais…

– Nan, coupa Antoine en posant ses mains sur les épaules de son amie. C’est moi qui suis désolé, c’est de ma faute si t’en es arrivée là. Et c’est à moi d’aller régler ce problème.

Emma déglutit et se contenta de hocher la tête, la gorge nouée. Elle leva les yeux vers lui et lui fit un signe d’approbation.

– Merci beaucoup…

– Mais c’est normal, t’inquiète pas. Je t’assure qu’il te laissera tranquille après ! Sors deux minutes après moi, je vais l’emmener dans la rue à gauche de l’école où il y a les travaux.

– Ça marche, et bon courage avec lui, il a l’air vraiment coriace.

Antoine lui répondit avec un clin d'œil et un grand sourire, sûr de lui.

– C’est pas le premier malade mental que j’ai à gérer, t’inquiète pas !

Alors il s’avança vers la sortie, prit une grande inspiration et franchit les portails.

A peine se retrouva-t-il dehors que le gars en question se jeta sur lui. Antoine fit un bond en arrière sous l’effet de la surprise.

– C’est toi, Antoine Pélissier ? J’ai quelques questions à te poser, j’ai une chaîne YouTube sur les histoires paranormales et une interview avec toi, ça ferait des millions de vues !

Antoine reçut quelques postillons sur le visage et ferma les yeux en se penchant en arrière, complètement dégoûté.

– Ouais, c’est bien moi. Pas nécessaire, la douche, par contre…

– Super ! Alors déjà, qu’est-ce que ça fait de savoir qu’on va crever aussi tôt ? C’est pas trop rageant de savoir qu’on va rien pouvoir faire de sa vie ?

Antoine le coupa en posant sa main contre la poitrine pour le repousser légèrement.

– Attends, attends. D’abord, on va aller sur le côté pour discuter tranquillement. Et ensuite, tu vas me promettre que tu vas arrêter de suivre ma pote jusqu’à chez elle, d’accord ?

– Ouais ouais, pas de souci !

Alors ils se rendirent dans une rue calme, où Antoine savait que personne ne passait jamais. Le jeune homme avait sortit un calepin et un crayon et avait commencé à gratter quelques mots dessus. Ils s’assirent sur des blocs de béton, l’un en face de l’autre, et ils s’attelèrent à cet éternel jeu de questions-réponses qu’il connaissait par cœur désormais. Les questions n’étaient pas originales, il les avait entendues mille fois. Mais le garçon semblait boire chacune de ses paroles, aussi banales soient elles.

Au bout de dix minutes, Antoine estima que c’en était assez, alors il se leva.

– Bon, j’espère que ça t’a plu, moi je dois rentrer chez moi.

– Nan, attends, j’ai pas fini ! lança le garçon en lui agrippant le bras.

Antoine essaya de se dégager, mais l’autre le serrait fort et ne semblait pas déterminé à le lâcher.

– Tu peux me laisser y aller ? fit-il en essayant d’être le plus calme possible.

– J’ai encore des questions super importantes à te poser.

– Il est tard, là, et je pense que t’en as eu largement assez. T’es un de ceux à qui j’ai accordé le plus de temps, j’ai été sympa !

– Mais il faut qu’on parle encore de tes ancêtres, de la malédiction sur ta famille. Y a forcément des choses que toi, tu sais, et que le grand public et les flics ne savent pas ! Est-ce que vous pratiquez des rites sataniques, est-ce qu’un de tes ancêtres vous a maudit sur plusieurs générations, est-ce que vous êtes victimes d’une vendetta ?

– J’en sais rien, ok ? J’en sais autant que toi et j’ai pas envie d’en savoir plus. J’ai des ancêtres qui ont déjà essayé de mener l’enquête et ils sont devenus complètement fous ou alors dépressifs. Tout c’que je veux, c’est profiter du temps qu’il me reste et essayer d’oublier ce jour ! J’veux juste être comme les autres !

Mais l’homme ne le lâchait pas, au contraire. Il le serrait de plus en plus fort, jusqu’à lui faire mal.

– Tu mens, j’te crois pas. Y a encore plein de choses que tu m’as pas dites ! Rassieds-toi, ça va pas durer longtemps, promis !

– Nan, laisse-moi !

Et il se débattit, mais l’autre le tira violemment en arrière. Alors Antoine lui asséna un violent coup de coude au visage.

Le garçon poussa un cri de douleur et le lâcha immédiatement. Il mit ses deux mains sur son visage et se tordit de douleur.

– Putain ! Tu m’as cassé le nez, enfoiré !

Le cœur d’Antoine battait à cent à la minute. Il ne savait pas quoi faire. Il restait là, figé, les bras ballants, fixant le sol taché de quelques gouttes de sang. Tout ce qu’il savait, c’est qu’il était dans la merde.

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