Chapitre 33
Trouble’s Coming - Royal Blood
*Quelques mois avant le jour J*
– T’as peur ?
Antoine sursauta, sorti brutalement de ses pensées.
– Euh… de quoi ?
Martin avait ce petit sourire au coin des lèvres, qui annonçait toujours ces discussions désagréables mais nécessaires. Il mit son coude sur le muret derrière lui et posa son menton sur sa main.
– De le dire à Tom.
Antoine détourna le regard et se mit à rougir. Il posa ses mains sur le muret.
– J’vois pas de quoi tu parles…
– Je vois bien que t’as peur, tu le caches très mal. Et j’te comprends parfaitement, après ce qui s’est passé avec Hippolyte.
Antoine poussa un long soupir, des images lui revenaient en tête, il ferma les yeux en grimaçant.
– J’ai juste pas envie de gâcher une amitié. Et de toute façon, je suis à peu près sûr qu’il est hétéro, donc ça m’apporterait rien de bon.
Martin posa alors sa main sur l’épaule de son ami.
– Et moi, je pense que quand il est avec toi, il te regarde souvent. Et puis tu m’as raconté qu’il se comportait différemment. Je sais pas s’il ressent la même chose que toi, mais ce qui est sûr, c’est que t’es spécial pour lui. Donc va lui dire, il pourra pas mal le prendre !
– Je sais vraiment pas… J’suis pas aussi courageux que toi, tu sais.
Martin haussa les sourcils et son sourire s’agrandit.
– Moi ? J’suis pas courageux, tu sais. Juste inconscient !
Antoine souffla du nez et se détendit un peu. Il rangea ses mains dans les poches de son manteau.
— T’as pas tort.
Quelques secondes s’écoulèrent, durant lesquelles aucun des deux garçons ne parla. Antoine ne sentait presque plus son visage à cause du froid, tandis que Martin tapait joyeusement de la main contre le muret. Comment arrivait-il à rester de bonne humeur en toute circonstance ?
– Tu vois, à la guerre, quand les soldats avaient la trouille avant d’aller combattre ?
Antoine se retourna, le front plissé.
– Euh… ouais ?
– Eh bah tu sais ce qu’ils faisaient, pour se donner du courage ?
– Non, dis-moi ?
– Ils se passaient une flasque avec de l’alcool fort à l’intérieur, ils en prenaient quelques gorgées. Après ça, leur peur s’évaporait complètement et ils combattaient avec toute leur force.
– T’insinues qu’il faut que je boie avant de lui dire ?
Martin haussa les épaules avec un grand sourire.
– Faut vraiment être un alcolo pour faire ce genre de raccourci !
***
Antoine sentait son coeur battre la chamade, son front était humide et ses mains étaient moites. Il avait du mal à respirer, tout semblait flou autour de lui et rester debout devenait de plus en plus difficile.
Il grimaça et se força à marcher jusqu’à sa cuisine, où il ouvrit un placard, en sortit une bouteille à moitié vide de vodka et un verre à shot. Sa main tremblait terriblement, il était à deux doigts de lâcher la bouteille, mais il parvint miraculeusement à en verser dans le verre sans en mettre trop à côté.
Il porta le verre à ses lèvres, sembla hésiter une seconde, puis avala la boisson. Il sentit le liquide brûler sa gorge, cela lui fit un peu de bien et l’aida à reprendre un peu ses esprits.
“Un peu de courage”, pensa-t-il.
Alors il se resservit un deuxième verre, puis un troisième, et un quatrième… Il ne les comptait plus, il n’en avait rien à faire. Plus il buvait, plus il se sentait courageux.
Il ferma les yeux et prit une grande inspiration. Il expulsa d’un seul coup tout l’air qu’il venait d’accumuler, prit ses clés et son sac, ouvrit la porte de son appartement, et sortit…
Il jeta un coup d'œil furtif à sa montre, qui indiquait 23:50. Plus que dix minutes, il ne lui restait que très peu de temps. Alors il se dirigea vers le parc le plus proche, escalada les grilles et retomba sur l’herbe en grimaçant. Il se rendit au milieu du parc, où se trouvait une fontaine, un endroit sans arbre où l’ennemi ne pouvait pas se cacher, et avec plusieurs issues tout autour de lui pour s’échapper en courant.
Il savait très bien qu’il était observé en ce moment même. Il ne connaissait pas exactement le pouvoir de la Mort, mais il était à peu près sûr qu’il ne pouvait compter sur personne. Il allait devoir survivre seul pour les prochaines vingt-quatre heures.
“Si Martin était là, il dirait que j’me prends pour Jack Bauer”, pensa-t-il en souriant.
Il se rendit au niveau de la fontaine, marcha dans les quelques centimètres d’eau, et s’assit sur le rebord du socle de la sculpture qui trônait au milieu.
Puis il retira son sac, l’entrouvrit légèrement, juste assez pour pouvoir plonger sa main dedans en cas d’urgence, et pour pouvoir l’enfiler sur lui pour s’enfuir sans que des affaires ne tombent. Il le posa à côté de lui et regarda à nouveau sa montre : 23h59…
Il resta fixé sur celle-ci durant les quelques secondes qui le séparaient du jour fatidique, retenant sa respiration, et les quatre chiffres se changèrent d’un coup.
Minuit, le jour tant redouté était enfin arrivé…
Il se leva alors, et regarda tout autour de lui. Derrière les arbres, il avait une vue sur les grilles qui encerclaient le parc. Donc à moins que des gens ne se soient caché dans les buissons avant son arrivée, il était seul ici, avec une longueur d’avance sur ses adversaires. Et de toute façon, personne n’aurait pu se douter qu’il se rendrait dans ce parc en particulier, car l’idée avait germé dans son esprit le soir même.
Tout ce qu’il lui restait à faire, c’était de tenir la nuit. Ça représentait quand même quelques heures et il allait devoir lutter contre le sommeil, mais l’enjeu était si immense que ça ne l’inquiétait pas. Mais une fois le soleil levé, il n’y aurait pas une seule rue vide dans les alentours, et il serait infiniment plus compliqué pour la Mort d’agir sans être vue.
Il fit plusieurs tours autour de la statue, inspectant chaque recoin du parc avec précaution. L’alcool commençait sérieusement à faire effet sur lui, et il sentait que sa tête commençait à tourner.
Il regardait sa montre sans arrêt, les minutes défilaient horriblement lentement, et la première heure passa sans le moindre bruit suspect. Ce n’était que lui, seul face à la nuit, et quelques rares passants dans la rue qui rentraient chez eux.
Fatigué de tourner en rond, il finit par s’asseoir pour souffler un peu, il sortit une bouteille d’eau de son sac et but quelques gorgées. L’effet de l’alcool était en train de se dissiper, et les rues étaient totalement vides depuis une bonne demie-heure.
Mais alors qu’il rangeait la bouteille dans son sac, il entendit un bruit derrière lui.
Il se releva rapidement et fit le tour de la statue. Il ne vit rien au début et crut à une hallucination, mais il aperçut soudain une, puis deux, puis trois taches noires : des gens étaient cachés derrière les buissons, non loin d’un lampadaire dans la rue, trahis par leurs ombres.
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