Chapitre 37
Antoine eut l’impression que la foudre l’avait frappé. Son regard se figea dans celui de la créature, dont les yeux étaient injectés de sang, presque sortis de leur orbite. La surprise laissa rapidement place à la douleur : ce fut comme une violente brûlure au niveau de son ventre. Par réflexe, il passa sa main sur la plaie, et la leva face à lui : elle était tremblante, ensanglantée.
– Maintenant, tu peux savoir ce que je ressens tous les jours.
Et d’un geste vif, alors qu’Antoine cherchait à s’adosser contre le mur, il lui infligea un second coup de couteau, aussi violent que le premier et à peu près au même endroit.
Antoine s’écroula, les yeux grand ouverts, le souffle saccadé. Sa tête se heurta contre le sol dans sa chute. Il était désormais allongé sur le côté, aux pieds de la Mort. Un bruit assourdissant résonnait dans sa tête, un sifflement horrible qui lui donnait l’impression que son crâne allait exploser.
Mais il restait en lui encore un peu de force. “Je peux pas mourir sans au moins l’avoir frappé”, pensa-t-il.
Alors, puisant dans ses dernières ressources, il posa sa main ensanglantée par terre et poussa de toutes ses forces. La douleur que lui provoquait sa blessure était avait de quoi le faire hurler si fort qu’on l’entendrait à des kilomètres à la ronde. Mais il n’allait pas laisser ce plaisir à ce monstre de l’entendre agoniser. Il serra le poing aussi fort qu’il avait mal, des veines ressortaient sur ses bras, dans son cou et sur son front humide. Son visage était rouge et sa mâchoire était serrée, on pouvait entendre l’air siffler entre ses dents.
Mais soudain, alors qu’il était en train de se relever, la créature se raidit brutalement et se figea. Antoine vit quelques gouttes de sang tomber sur le sol, il releva automatiquement la tête : un trait rouge était apparu au niveau de sa gorge. Et en quelques secondes, ce trait s’épaissit, du sang gicla au dehors. Antoine retomba lourdement par terre, complètement abasourdi.
Puis un deuxième coup, un troisième, un quatrième… Ça ne s’arrêtait plus, le monstre n’était devenu qu’une sorte de pantin couvert de sang.
La Mort tomba aux pieds d’Antoine, les yeux encore ouverts, le regard dirigé vers lui.
Après quelques secondes, le temps de remettre un peu d’ordre dans son esprit et de comprendre ce qui venait de lui arriver, il releva les yeux, et vit en face de lui, comme un mirage, un garçon aux cheveux blonds.
– Tom ? s’écria-t-il.
Un sourire se dessina sur son visage d’ange.
– J’avais installé un truc sur ton portable qui me permettrait de te localiser, j’me disais bien que ça pourrait servir !
– J’avais pas besoin de toi, j’me débrouillais très bien tout seul !
Il posa une main au sol et tenta de se relever, mais il ressentit une violente douleur au niveau de l’abdomen. Il grimaça et tomba violemment par terre.
– Antoine…
– Quoi ?
Le regard de Tom était rivé sur lui, mais il ne le regardait pas dans les yeux… il regardait plus bas. Antoine baissa alors la tête, et vit sur son pull une énorme tache rouge foncé, qui continuait de s’élargir à grande vitesse.
– J’appelle les secours, fit Tom en sortant son portable précipitamment.
– J’ai la tête qui tourne…
La tache ne s’arrêtait pas de grossir, et Antoine se sentait de plus en plus faible. Tom souleva son t-shirt et son visage se décomposa lorsqu’il aperçut l’ampleur de la blessure. Antoine releva la tête pour voir de quoi il s’agissait, mais Tom posa sa main sur son front et le repoussa légèrement en arrière.
– T’inquiète pas, tout va bien se passer. Je vais m’occuper de toi.
Tom l’allongea et le coucha sur le côté, tout en essayant de limiter au maximum l’hémorragie. Antoine comprenait à peine ce qui se passait autour de lui, c’était comme s’il avait presque perdu l’usage de tous ses sens.
– J’ai peur… J’ai peur de mourir, Tom…
Une larme commença à rouler sur sa joue, tandis que Tom était en train de crier quelque chose au téléphone. Puis il s’approcha de son oreille et lui murmura :
– C’est fini Antoine, il pourra plus rien t’arriver de mal… On pourra enfin être heureux tous les deux.
Antoine sourit faiblement, son cœur battait lentement, il sentait ses forces s’évaporer. Mais ça n’avait pas d’importance, parce qu’il était dans les bras de celui qu’il aimait. Il ne sentait plus le froid de la nuit, il ne savait pas si c’était parce qu’il était collé à Tom ou si c’était à cause de sa vie qui le quittait progressivement. Il avait l’impression d’être en train de flotter.
Ses paupières devenaient de plus en plus lourdes, il sentait qu’il était en train de partir.
– Nan, nan, Antoine. Il faut que tu te battes. Juste cette fois, après t’auras plus jamais à lutter, j’te le promets ! Mais garde les yeux ouverts, les secours arrivent bientôt, juste un tout petit peu, s’il te plaît !
Mais Antoine n’entendait rien, il sentait à peine les bras tremblants de Tom. Il avait l’impression d’être juste… vide.
Et ses yeux se fermèrent.
Easy On Me - Adèle
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