Volupté ou bonheur ?
Un feulement, partagé avec l’intensité d’un désir qu’il sentait, sans raison justifiable, comme répréhensible. Un désir tellement espéré, qu’il ne pouvait que se soumettre à l’imparable domination de ses sens. Sur son parcours feutré, il entendait ses pas mesurés et terriblement discrets, une femme s’approchait de lui, et quelle femme ! Il le savait, en dépit de son orgueil de « mâle », que tous ses tourments allaient trouver leurs issues… L’image, pourtant qu’il s’en faisait, ne correspondait pas à ses habitudes. Habitudes qu’il avait entretenues tout au long de sa vie amoureuse. Il sentait l’essentiel de la situation, si tant est que l’on puisse parler de « situation » ! Il décida de s’abandonner, attendant le bruissement de son appel au travers de la porte.
Elle gratta, il lui répondit, avec le sentiment de ne pas être à la hauteur. Encore une appréciation qu’il ne maîtrisait pas. Cet abandon faisait gonfler en lui son sexe jusqu’à la douleur.
Elle ouvrit la porte, en apparence dénuée de tout calcul, et lui offrit un sourire indicible qui laissait transparaître l’étendu de sa générosité. Habillée simplement, d’une courte chemise de nuit, mettant en valeur la tonicité de ses cuisses et ouvrant toutes les imaginations possibles pour ce qui est de l’offrande féminine absolue… sa poitrine. Ils se voulaient, au travers du mince tissus qu’elle n’avait, sans doute pas choisi, être en communion sans restriction, mais toujours en suspens dans cette représentation devant lui, qui apparaissait avec cette liberté immorale d’une femme qui se donne. Face à cette générosité, cet homme qui pouvait se récapituler, en une fraction de seconde, entière confusion de ses sentiments, son abnégation, seulement accéptée dans l'alcôve bourgeoise qui le définisait, faire, tout ce qui fallait pour rattraper tous ses souvenirs et tous ses échecs précédents, et en faire une idée sacrée du moment.
Il sentait que le moment avait quelque chose de sacré. Il eut peur, mais la venue de cet être qui coïncidait, en tous points à la mesure de ses fantasmes solitaires, le fit agir sans aucune conscience. Il l’a reçue, en l’accueillant dans ses bras avec une douceur qui lui était jusque-là étrangère, sentant son odeur, précédemment interdite et qui animait fortement l’énergie qu’il déployait pour elle, pour se laisser agir sans contrainte. Son élan était, cependant, mesuré, même si l’irrépressible désir qu’il éprouvait pour elle, lui faisait mal dans le bas-ventre. Il vit pour la première fois une femme se donner à lui, une femme qui physiquement répondait à toutes ses imaginations intimes et interdites par la morale de son temps, une femme qui laissait présumer d’un total don de soi. Son ambition qui ne s’apparentait plus à une prise de pouvoir, libéra ses sens et lui donna l’initiative qu’il avait toujours voulue, mais qui n’avait jamais été mise en pratique.
Fort de ces sens, une fois assumés, il la mena, avec cette même tendresse inusitée, vers sa couche, n’osant caresser ses cuisses parfaites ni ses seins merveilleux qui laissaient présumer une perfection dont il ne se sentait pas digne. Elle prit les devants, laissant couler son souffle dans l’intimité de son oreille, lui caressant le torse, au travers de sa chemise avec l’impulsion indisciplinée d’une femme qui désire. Ses caresses le laissaient exempt de toutes responsabilités. Il voulait, pour la première fois succomber…
Leurs corps se plaquèrent, comme par naturel, leur souffle, l’érection de l’un et la permission de l’autre, fit que le commencement de ce qui semblait à Simon quelque chose d’onirique, sans relation avec la tenue d’un gentilhomme de son temps, fut un moment sans nom pour sa piètre conscience.
Elle goûta sa bouche avec véhémence, entrecroisant sa langue, sans l’obliger, comme une amante parfaite, descendant ses mains vers l’objet inéluctable d’une communion qui doit se finir par ce que tout le monde souhaite… Il eut envie d’être maître de la situation, et, sans mot dire, il releva son habit, au-delà de sa croupe, découvrant la fermeté de ses seins, tout en sentant le miel qui se répandait sur ses jambes. Il voulut faire un hymne à son corps, il laissa glisser, voluptueusement son visage entre ses jambes et il goûta à ce plaisir sublime qui lui était, jusqu’à présent inaccessible. Elle sentit la volonté sans contrainte de son amant et se fit plus pressante, accordant son bassin au rythme de sa langue. Son émoi devenait sauvage, elle poussa son premier cri, elle en voulait plus. Les mains de Simon pétrissaient sa poitrine tonique, sa langue divaguait dans le sanctuaire qu’il avait tellement désiré, il voulut la posséder. Se détachant avec un naturel qui ne se raisonne pas, il se défit de ses vêtements, mettant en évidence son sexe, roide et totalement volontaire. Maria, quant à elle, avait gardé le mince linge qui ne faisait que suggérer l’érotisme total qu’elle exhalait. Elle prit une attitude lascive, courbant sa croupe et gonflant sa poitrine, tout en suggérant par un regard qui semblait ne plus être le sien, une détermination beaucoup plus ambitieuse…
A ce moment, Simon prit conscience de la dimension éternelle du moment, comme s’il était en présence d’un cadeau de la vie. Il se laissa envahir par ce sentiment maintes fois rêvé, et maintes fois réveillé par un sommeil non conciliant. Il faisait, véritablement, l’amour pour la première fois de sa vie… Il glissa son sexe en elle et elle l’accueillit, plus encore, la douceur de ses entrailles donnait à sa violation consentie, l’impression de se laisser aller à quelque chose qui s’affranchissait du seul plaisir du corps. Le réceptacle voluptueux lui fit comprendre qu’il s’unissait à un être hors du monde.
Il laissa de côté ces considérations freinantes, pour attarder ses mains sur son corps volontaire, allant et venant dans l’hospitalité de son don… Il crut, au loisir de ses caresses être le capitaine de la nef lascive sur laquelle ils naviguaient tous les deux, pourtant c’était elle qui le menait, par ses mouvements de hanches, ses soupirs intensifs, jusqu’à ce qu’elle prît la situation en main. Elle se dégagea, en toute tendresse, du sexe de Simon, le contempla un long moment, faisant glisser ses mains intuitives sur son corps, comme si elle voulait lui interdire le plaisir ultime, puis fit sentir sa chaleur au début de son torse, faisant sentir la pression de ses seins sur son buste, descendant, inéluctablement, passant sur les quelques poils de son ventre, s’attardant, à dessein, pour ensuite s’enfouir dans la grouillance de son pubis en prenant d’une main ferme la raideur d’un sexe en totale adéquation. Elle commença par faire sentir sa bouche, tout autour du gland turgescent, sans jamais fabriquer la chaleur, descendant plus bas pour se s’assurer de l’excitation de son amant, jetant, par ci, par-là, des regards intraduisibles, et enfin mettre dans sa bouche ce gland sans maîtrise, descendre le long de cette verge érigée, et faire en sorte que l’acte lui fut dédié. Pour la première fois Simon ressentit un partage, une référence indiscutable, une cohésion qui ne va pas de pair avec les sens et l’esprit. Il se prit à considérer la « faveur » de Maria comme une offrande que peu d’homme sont appelés à connaître. Son désir s’en trouva intact et, pour la première fois de sa courte mais néanmoins abondante vie sexuelle, il se sentit capable d’aimer un être jusqu’au début du jour… Le sentiment d’un corps vivant en parfait échange mettait son esprit en osmose avec tout ce que la poésie lui avait suggéré. Sa force était sans limite, son appétit anormalement insatiable, ils étaient le mouvement unique d’un désir qui s’affranchit des convenances. La maîtrise de son corps, inhabituelle, le rendait encore plus fou, lui permettait un lâcher prise complet qu’il n’avait encore jamais envisagé avec ses précédentes partenaires. Lui faire l’amour devenait une fin en soi, sa chaleur, ses frémissements, son odeur, ses réflexes, tout lui paraissait familier. Elle se donna à lui sans concession et sans partage, absolument, laissant présager toutes les libertés possibles. Cette transgression l’excitait d’autant plus, il s’en emparait pour rendre hommage à toutes les femmes.
Il se sentait enfin Homme !
Les ondulations de son corps jugulaient ce moment, sublime, où l’homme se doit d’accepter un temps-mort, un moment vers lequel il se confie, uniquement dans les bras de la femme qui l’entend. Il avait dans ses bras et ses jambes, uniques vestiges tangibles de sa pensée, ce qui avait nourrit tous les poètes et qui incarnaient le paradoxe de la chair. A cet instant, plus de référence, de modèle, d’apanage, pour l’absolu de son désir, juste une femme qui lui faisait l’amour comme à l’aube de l’humanité, face à face, avec une compréhension tacitement approuvée par leurs différences !
L’imprégnation de leur corps suivit une logique essentielle, oubliant la volonté sublime de Maria, s’oubliant lui-même, il laissa le cheminement lascif qui fait du sourire des hommes une lumière comparable au regard des femmes, totalement convaincu que ce qui se passait en ce moment ne pouvait se concevoir qu’avec une liturgie des premiers âges. Il entrait dans un monde qui lui avait fait la faveur de l’accueillir, trop heureux et justement, trop désireux d’en connaitre la logique, il prit dans ses mains le visage doux et apaisant de Maria, et lui posa une question sans mot, juste avec ses yeux, semblant vouloir dire : « Je suis trop heureux, est-ce normal ? ».
Elle devint alors farouche, comme si elle voulait être chassée, une seconde fois, mais cette fois-ci avec un total acquiescement à sa masculinité. Elle lui demandait, sans formulation savante de devenir le chasseur épargné par la Diane qu’elle avait été jusqu’à présent. Cette « permission » redoubla son besoin, somme toute étranger du bonheur des femmes, de considérer son rôle d’amant comme déterminant. Il s’en suivit un pugilat orgasmique, dans lequel Simon put se concevoir comme l’acteur de son propre bonheur et, par intuition des choses, le souverain des siens… Leur joute sans concession, mais aussi sans domination quelconque, se termina, à l’aurore qui s’introduisait par le rapiècement du rideau de sa chambre, par une supplication de la part de l’amant ; une supplication qui l’autorisait à jouir, de par son corps, de par la communion religieuse qui restait incompatible avec toutes ses constructions morales. En un éclair, par un cillement invisible, un mouvement de bouche, une convulsion non maîtrisée de son vagin, elle comprit qu’il fallait dire la fin de cet oracle.
Elle descendit, comme une danseuse des tropiques, tordant son corps avec une discipline merveilleuse, approcha doucement son jolie visage, gourmand et tellement généreux, vers son sexe qui n’appelait qu’à une seule et unique conclusion… Elle entoura sa langue autour de son gland, laissant attendre, volontairement, l’arrivée de ses lèvres, et aspira une vitalité qui ne savait plus attendre, avec une chaleur sans contrainte, un appétit du désir de l’autre, que Simon n’avait nulle part connue, en sachant très bien qu’elle était la déesse de sa jouissance. La douceur, l’onctuosité, l’amour indéfinissable qu’elle avait su lui apporter trouva son aboutissement, par une saccade de sa bouche et de sa main, conjuguées. Simon se laissa aller, acceptant, marionnette de ses sens qu’il était, son acceptation de femme. Il jouit dans sa bouche, déversant un plaisir qu’il avait sût contenir, en dépit d’un abandon qu’il n’avait jamais octroyé à aucune femme, laissant sa voix, impudique, submerger, comme par défaut, la femme qui avait su le juguler…Elle releva la tête, avec grâce, et avala, droit dans les yeux, la seule obole qu’il avait pu lui donner…
Maria, Maria, Maria…
Ce furent les derniers mots dont il se souvint, s’effondrant dans une manne sans limite de bonheur, dans laquelle, outre le plaisir des corps, il envisageait le plaisir des âmes…
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