Chapitre 3

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Xan marchait en silence, perdue dans ses obscures réflexions. Le petit groupe s’était séparé quelques minutes plus tôt dans une atmosphère un peu tendue, chacun prenant la direction de leur chez-soi. La purge. Cette idée l’obnubilait complètement. Elle n’arrivait pas à en détourner ses pensées. Son coeur s’accéléra alors que les souvenirs lui revenaient en tête. 19 ans. C’est l’âge qu’elle avait la dernière fois que cela s’était produit. Les cris résonnaient encore dans ses oreilles. L’odeur du sang et de la chair carbonisée par les tirs de fusil laser lui montèrent au nez comme si elle y était encore, et un haut le coeur lui vint.

Ce dernier la ramena à la réalité à temps pour éviter un véhicule qui passait en sens inverse. La femme s’arrêta de marcher pour regarder sans vraiment le voir le chauffard s’éloigner en l’injuriant. Elle se remit en marche en essayant de rester un peu plus présente d’esprit. Tu te dois te ressaisir, se dit-elle.

La grande purge se produisait normalement à chaque 10 ans. L'événement ne représentait qu’une des nombreuses façons qu’avait trouvé les autorités pour les maintenir sous contrôle. Pour consolider leur pouvoir. Pour leur rappeler leur défaite et que leurs vies ne valaient rien à leurs yeux. En gros, il s’agissait d’une boucherie, une exécution de masse sur la place publique.

105 ans auparavant, la guerre prenait fin. Outre des villes à moitié détruites, les bombardements laissèrent derrière eux des radiations toxiques. Celles-ci perduraient encore aujourd’hui dans certaines zones. Ainsi, certains enfants nés après cela développèrent des difformités et des maladies. D’autres, se retrouvèrent plutôt avec des “habiletés particulières”, qui commencèrent à se transmettre d’une génération à l’autre. Évidemment, cela prit quelques années avant que le nouveau gouvernement se rendent compte de l’existence de ces gens dotés de pouvoirs extraordinaires. Après plusieurs incidents, les autorités comprirent rapidement que ces capacités leur donnaient un avantage certain.

Craignant une rébellion, ils entamèrent une véritable chasse aux sorcières, traquant tous les “surdoués”, comme on les appelait, invoquant comme raison la haute trahison. La plupart furent massacrés sur place. D’autres servirent de cobayes pour assouvir la curiosité des scientifiques. Sort pire que la mort. Découvrant, suite à ces études, que le gène pouvait être récessif et ressurgir en sautant une ou plusieurs générations, le gouvernement décida de recommencer cette opération à tous les 10 ans.

Xanërra découvrit elle-même ses propres pouvoirs à l’âge de 9 ans, quelques mois à peine après une purge. Heureusement pour elle, la méthode de détection mise au point par les autorités ne prenait pas en compte les capacités latentes. Les souvenirs de cette chasse demeuraient flous dans son esprit, grâce à son père. Ce dernier s’était efforcé de protéger comme il pouvait ses enfants de l’horreur qui se déroulait à quelques pas d’eux.

Cependant, la métisse se rappelait parfaitement la terreur l’ayant habité lors de la première manifestation de ses dons. La petite fille avait ravalé sa peur et gardé cette information secrète pour ne pas inquiéter sa famille. Pour les protéger. S’en suivit une longue suite d’entraînements, d’essais, d’erreurs et de blessures qui dura des années. Années éprouvantes, certes, mais qui lui permirent d’acquérir une force de caractère hors du commun lui ayant servi maintes fois, et qui continuait à lui servir.

La « surdouée » regarda sa main qui libéra malgré elle quelques étincelles bleus. Elle l’enfouit prestement dans sa poche de pantalon. Sa concentration faisait cruellement défaut aujourd’hui. Xan jeta un oeil aux alentours, mais personne n’avait pu en être témoin heureusement. Le pouvoir de générer et contrôler l’électricité, ainsi que les champs magnétiques, la servait bien depuis toutes ces années. Elle se demandait d’ailleurs si sa compréhension innée de la mécanique et de l’électronique provenait de ses pouvoirs. Simple coïncidence peut-être, elle ne le saurait surement jamais.

Dans tous les cas, ce don faillit bien lui coûter la vie lors de la dernière purge, sept ans auparavant. Ironiquement, la femme lui devait surement aussi sa vie. Ceux-ci lui permirent en effet d’échapper à la mort de justesse. Par contre, pas un seul jour ne passait sans qu’elle regrette de ne pas avoir pu sauver les autres. Ceux dont les cris d’effroi hantaient toujours ses nuits...

Xannëra s’arrêta de marcher à une intersection, hésitante. Elle bifurqua finalement pour changer de direction, avançant d’un pas déterminé. Le groupe devait être averti au plus vite. Il fallait tirer au clair le pourquoi de cette inspection. Purge ou non, quelque chose se tramait sans aucun doute. Cette fois...peut-être qu’elle pourrait faire une différence. Sauver des vies innocentes. Ses pas la menèrent rapidement à son refuge, dont elle grimpa l’échelle d’acier en partie rongée par la rouille.

Une fois sur le toît, son regard parcourut les différentes caisses de bric-à-brac qui traînaient. Son sanctuaire regorgeait de pièces électroniques en tout genre, de vieilles machines et de babioles, qui s’apparentaient plus à des détritus qu’autre chose pour un oeil néophyte. De vrais trésors pour l’ingénieure en elle. Tout était rangé de façon à ressembler à une sorte de désordre organisé, question qu’un garde passant par là ne verrai qu’un monticule de déchets inintéressant. Elle mit rapidement la main sur le gadget dissimulé la veille. Xan mit en marche le bracelet, qui pouvait entre autre servir de communicateur, et y entra un message.

“Claustra quaerit ubi sol noctu convenerunt.”

Leur groupe utilisait une ancienne langue oubliée afin de coder leurs messages. En gros, le message signifiait: Claustra demande une rencontre cette nuit là où le soleil brille”. Son nom de code, Claustra, signifiait « clé ». Ce dernier lui fut attribué parce que, les faire entrer quelque part, que ce soit un bâtiment ou n’importe quel système informatique, constituait sa spécialité. Une fois la note envoyée, la femme, plutôt que de ranger à nouveau l’appareil, le mit dans sa poche de jeans. Celui-ci s’avèrerait utile le soir venu. Elle reprit ensuite le chemin de chez elle avant que son père s’inquiète de son retard.

Une fois de retour au sol, Xan accéléra le pas et arriva rapidement en vue de sa résidence. Les quelques minutes nécessaires lui servirent à retrouver son calme. Son père n’avait pas besoin du stress supplémentaire qu’impliquait la menace hypothétique d’une purge. Du moins, tant que ça ne serait pas une certitude. La demi-elaraan passa la porte en cherchant Ewen des yeux. Ce dernier s’affairait dans la cuisine, préparant le souper. Au moins, l’électricité semblait revenue pour l’instant.

  • Bonjour! dit-elle en s’approchant pour l’embrasser sur la joue. Ça sent bon!
  • N’exagère pas trop, répondit son père en lui jetant un oeil amusé.

En effet, l’argent manquait pour préparer des repas un minimum élaborés. Nutritif et mangeable restaient les adjectifs se rapprochant le plus de la réalité. Les rares magasins du coin ne tenaient même pas en inventaire les ingrédients de qualité, personne ici ne pouvant se les permettre.

  • Moi qui essaie de te faire plaisir! s’exclama-t-elle un peu taquine, affichant ensuite un air interrogateur. J’ai le temps de me laver avant, tu crois?
  • Oui vas-y.
  • Merci! Je fais ça vite!

Xan se dirigea donc vers la salle de bain en retrouvant son air préoccupé. Vivement minuit.

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