Chapitre 6, mords-moi

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Nora fixait Morgane ne sachant que dire. La louve n’avait pas besoin de montrer ses oreilles pour qu’elle comprenne son air préoccupé. Morgane lui avait sobrement raconté la soirée et surtout le fait de l’avoir retenue le matin.

— Tu veux la marquer ?

— Et l’enchainer à moi à vie ? Non. Le marquage est un acte égoïste et malveillant.

— Tu exagères.

— Arrête, un oméga marqué par un alpha n’a plus que lui. À vie ! Et s’il l’abandonne ? Tu t’imagines la vie que c’est pour ces omégas dont les alphas se sont lassés ? Ils ne peuvent pas refaire leur vie.

— C’est vrai, et c’est assez commun, mais toi tu ne l’abandonneras pas.

— Comment peux-tu le savoir ?

— Tu es un loup. La fidélité coule dans tes veines.

Morgane passa un coup de torchon contrarié sur son bar.

— La veste. Elle a dit qu’elle avait l’impression de m’appartenir.

Nora lâcha un sifflement intéressé.

— Tu n’as rien répondu j’imagine.

— Je l’ai serrée dans mes bras.

— Qu’est-ce qui t’embête, Mo ?

— Je ne sais pas.

— Tu sais que le renard est un animal encore plus solitaire que le loup ?

— Et alors ?

— Je veux dire qu’un renard qui dit ça est tout ce qu’il peut y avoir de plus sincère.

— Mmh…

Nora s’apprêtait à la dépecer vivante, mais son air concentré la dissuada.

— Prends quelques jours. Je vais envoyer un message à Sasha. Je ne veux pas vous voir au bureau tant que les esprits ne sont pas clairs.

— Mmh.

— Mo je vais te faire bouffer ton mmh !

Morgane se contenta d’un sourire en coin. Celui-là était fait exprès. Elle reprit son sérieux. Une dernière question devait être posée.

— Comment tu fais ?

— Comment je fais quoi ?

— Les ruts.

— C’est sincèrement une vraie plaie quand elles arrivent pour la première fois. La moindre phéromone t’excite et t’as envie de coucher avec tout ce qui bouge, mais après on grandit. On apprend à se contrôler. Un peu.

Se sentir excitée à la moindre phéromone. C’est à peu près ce que Morgane commençait à ressentir. Au détail près qu’il s’agissait seulement de celles de Sasha.

— Comment on les contrôle ?

Nora la dévisagea. Elles avaient vaguement eu cette conversation, l’une affalée sur un lit, l’autre écoutant d’une oreille devant un jeu quinze ans plus tôt. Morgane semblait à cette époque poser les questions uniquement pour comprendre sa différence.

— Attends, tu ne m’as pas dit que tu étais atteinte d’analphasisme ?

— Je me demande si ce n’est pas une erreur.

— Comment expliquer ton absence de puberté d’alpha alors ?

Morgane l’ignorait. Ou avait plutôt sa petite idée. Très improbable. Nora se méprit sur son silence.

— Mo, tu sais que je t’aimerai quoi que tu me dises.

— Sasha.

— Quoi Sasha ?

— Je suis presque entrée en rut hier soir.

— Non d’un chat…

— Et je sens que mon corps change, que…

— Tu es en pleine puberté ?

Morgane hocha la tête.

— Et tout ça à cause de Sasha ?

L’alpha hocha à nouveau la tête.

— Mince alors… Les âmes sœurs sont des légendes…

Elles restèrent toutes les deux un moment à se regarder sans rien dire. Ce que Nora appelait une âme sœur était le nec plu ultra de la relation entre alphas et omégas, ce dont ils rêvaient tous secrètement. N’avoir qu’une seule personne leur correspondant, et ce jusqu’au plus profond de leur génome. C’était presque un marquage génétique, une impossibilité profonde pour les deux partis d’être attirés ou d’attirer d’autres alphas et omégas que son âme sœur. Des histoires en somme. Des fables que l’on racontait aux jeunes alphas et omégas, de la même manière que les bêtas rêvaient de princes et princesses.

— Tu sais quoi Mo ? Peu importe. Amuse-toi ! C’est la frustration qui rend l’alpha dangereux. Ne cherche pas à contrôler tes pulsions quand tu peux y céder.

Sasha se tournait et se retournait dans son lit, jouait avec ses oreilles. Vieille habitude d’enfance qui la calmait. Il était bientôt 19h. Les mots de Rachelle et Pauline tournaient en boucle dans sa tête. Des âmes sœurs. Ridicule. Mais sa truffe sur son visage. Ses mains dans ses cheveux. Ses longs doigts. Elle les voulait courant sur tout son corps. Elle voulait sa bouche embrassant chaque centimètre de sa peau. Sasha rougit, rabattit la couette sur sa tête. Finit par la faire valser et s’habiller. Ses copines avaient raison. Laisser venir. Morgane ne faisait rien qui lui déplaisait. Et même si elle aurait aimé l’entendre dire les choses avec des mots qui se suivent les uns les autres, ses gestes et ses silences étaient aussi clairs. Il fallait seulement qu’elle se fasse confiance dans sa capacité à les comprendre.

— C’est moi…

Assise devant ses écrans, Morgane bascula la tête en arrière et regarda la petite renarde entrer en catimini. Ses oreilles étaient légèrement tournées vers l’arrière. Un peu de timidité, rien de plus.

— J’ai préparé une quiche. Tu veux ?

Sasha rougit.

— Écoute Morgane…

— Sasha.

Morgane tourna sur sa chaise. Elle tira l’oméga à elle et la serra entre ses cuisses.

— Je me sens bien avec toi.

Sasha risqua une main dans ses cheveux anthracite. Ils étaient si doux.

— Ce que tu dis me fait plaisir.

— Recommence.

Sasha sourit, passa son autre main dans les mèches grises et blanches.

— Recommence.

La renarde s’amusa de son air si sérieux. Elle s’exécuta et caressa le visage de Morgane à nouveau. Ses yeux se fermaient doucement. Sasha continua, passant les doigts sur ses joues, l’arête du nez, les lèvres, recommença. Encore. Un geste hypnotique. Les respirations étaient lentes, synchrones. Sasha attrapa le menton de la louve. Se pencha en avant. Posa ses lèvres sur les siennes. Le toucher à peine perceptible. Morgane se leva alors, saisit Sasha par le visage et l’embrassa avec force. Sa main droite tenait fermement sa nuque tandis que l’autre pressait son bassin contre elle. Sasha se laissa dominer, enivrée par la fougue de Morgane. Elle sentit une chaleur lui monter aux joues.

— Ne te retiens pas, souffla l’alpha entre deux baisers.

Sasha tressaillait de sa bouche la harcelant, sa langue jouant avec la sienne. Elle ne pouvait pas se retenir plus longtemps. Un puissant frisson la traversa et elle se laissa envahir par la délicieuse sensation des phéromones qui se libèrent. Morgane réagit immédiatement. Elle se mit à humer l’air frénétiquement, plongeant le nez dans le cou de Sasha. L’odeur de clémentine. Aliénante. Sa poitrine en devint douloureuse. Ça commençait. Le premier rut était douloureux. Elle ne put retenir un grognement sourd, le corps dévoré par un feu ardant. Elle était un animal affamé et la peau de Sasha sous ses doigts était comme tenir la sucrerie la plus délicieuse.

— Sasha…

Plaquée contre le mur par le corps de Morgane, la renarde plongea dans son regard clair. Des pupilles de loups

— Porte-moi à la chambre…

Morgane la souleva sans ménagement et la laissa retomber sur le lit. Dans un même geste pressé, elle dézippa sa veste et lui retira teeshirt et soutien-gorge. Elle s’arrêta soudain, la main prête à caresser son ventre. Sasha se sentait fondre, immobilisée par ce seul regard animal qui la détaillait. Elle pouvait voir son désir autant que le sentir. Les effluves de ses phéromones la possédaient totalement. Piquantes, envoutantes. Cette seconde d’immobilité lui fut insupportable.

— Dévore-moi !

Cet ordre libéra Morgane de l’équilibre hésitant entre son excitation et la peur du rut. Elle se coula vers Sasha avec le calme du loup guettant sa proie. Le ton avait changé. Il y avait dans sa lenteur la bestialité de l’animal. Du dominant qui garde le contrôle. Ses mains glissèrent des épaules jusqu’à l’aine avec paresse, prenant le temps de dessiner les courbes de son torse nu. Les doigts déboutonnèrent le jean, s’insinuant doucement sous le vêtement révélant les cuisses puis les mollets jusqu’à faire le faire valser loin du lit. Morgane recommença, retirant avec cette même langueur la culotte, ses yeux fendus toujours plantés dans ceux de la renarde. Elle s’avança, la surplombant de son corps, posa tranquillement ses lèvres sur les siennes, dans le cou, sur l’épaule, sur un sein. La peau de Sasha devenait moite. La louve descendait avec une lenteur exaspérante. Sasha ne savait plus si elle devait la supplier d’en finir ou souffrir de ce jeu qui l’excitait terriblement. Son corps n’était que peau brulante et muscles tendus. Les mains harcelant sa peau, la langue traçant des lignes brulantes sur ses cuisses. Un grognement lui échappa lorsque Morgane la mordit.

— Recommence…

L’alpha l’attira un peu plus vers elle glissant les genoux sous son bassin et mordit sa cuisse à nouveau. Pleines dents. La sensation dans sa mâchoire était comme un millier de décharges électriques, obnubilant. Elle était à elle. Elle recommença, galvanisée par Sasha qui tenait fermement ses cheveux en grognant et gémissant. Elle finit par lâcher sa prise, haletante. Lécha le filet de sang. Sourit. Pressa sa bouche contre les grandes lèvres de sa vulve, appréciant les gémissements. Appréciant son odeur délicieuse. Elle agrippa son bassin plus fermement et lécha avidement son sexe. Sasha étouffa un gémissement. Se cambra un peu plus. Enserra la tête de Morgane de se cuisses, les doigts emmêlés dans ses cheveux. Le jeu de langue était aliénant. Un petit cri lui échappa lorsqu’elle sentit à nouveau les dents mordiller tout doucement son clitoris. C’était à la fois douloureux et grisant. Elle retint son souffle. Les picotements devenaient plus intenses. Elle contracta un peu plus son corps tandis que Morgane accélérait. La tension monta encore. Les souffles étaient courts, les phéromones omniprésentes, entêtantes. Une violente suite de contraction secoua Sasha. Morgane ralentit le jeu taquin de sa langue, titillant délicatement le bout du clitoris pour faire durer le plaisir. Sasha finit par relâcher la pression, grognant gentiment, hors d’haleine. Morgane redressa la tête, la toisa, son œil toujours fendu de sa pupille de loup.

— Foutus alphas…

Sasha lui souriait, en extase totale. Elle avait cru avoir déjà fait l’amour. Elle avait cru avoir déjà eu des orgasmes.

Elles firent l’amour jusqu’à ce que leurs corps n’en puissent plus. Les draps étaient en désordres, les cheveux trempés et les muscles épuisés. Il était 4h du matin passé. Sasha reposait sur la poitrine de Morgane, se laissant caresser les cheveux avec plaisir.

— On recommencera ?

Morgane se redressa et s’assit à califourchon sur Sasha. La renarde se ravit de l’immense sourire qu’elle affichait. Se laissa embrasser. Les phéromones de l’alpha avaient perdu de leur piquant, douces comme les baisers.

— Pour l’instant dormons.

Morgane posa quelques baisers coquins sur ses seins avant de s’allonger contre Sasha.

Le lundi, Cléo et Emilie s’étonnèrent de ne pas voir leurs deux collègues préférées. Ce fut une suite d’hypothèses entre deux lignes de code jusqu’à ce que Nora passe à leur bureau et les informe d’un air tout à fait mesquin qu’elle allait certainement perdre le pari. Les deux copines la harcelèrent de questions sans que la cheffe ne daigne en dire plus.

— J’en ai marre d’être célibataire !

— T’as qu’à arrêter de passer ton temps chez moi.

Cléo était étalée sur le lit d’Emilie, un manga au-dessus de sa tête. L’appartement était relativement similaire à celui de Sasha. Un studio d’une pièce auquel était appendue une minuscule salle de bain. Emilie l’avait intelligemment aménagé de meubles pliables et des tiroirs cachés et en bonne geek, on trouvait une déco au ton de films et jeux vidéos. Posters, figurines, tout ce qu’on pouvait attendre d’un fan.

— Genre ça ne te manque pas ?

— Je m’en fiche complètement.

— Sérieux ?

Emilie était concentrée sur un portrait à l’aquarelle. Le papier humidifié, elle n’avait pas vraiment le temps de lever les yeux vers Cléo.

— Moi j’en peux plus, je veux du sexe ! J’ai 30 ans l’année prochaine et je suis sèche comme un pruneau.

— Classe et romantique.

Cléo se contenta de ricaner et reprit son manga pour le poser quelques minutes plus tard.

— Ça te dit, on sort ensemble ?

Cette fois Emilie leva son pinceau, ne cachant pas un petit sourire moqueur.

— C’est comment ça que tu me le demandes après trois ans ?

— Que veux-tu, je suis classe et romantique.

Emilie reprit son aquarelle sans cacher son sourire.

— Pourquoi pas juste couché ensemble si c’est du sexe que tu veux ?

— Parce que je veux aussi des câlins.

— Bah voyons.

— Et des cadeaux.

— Évidemment.

— Alors ?

Emilie termina un ombrage du nez et leva à nouveau les yeux. C’est vrai que Cléo était mignonne. Un carré châtain, des yeux noisette en amandes, des taches de rousseur qui couvraient son nez en trompette et des pommettes hautes. Emilie n’avait absolument aucun état d’âme quand à son sexe, surtout dans un monde où les bêtas étaient tous infertiles.

— Oh puis après tout pourquoi pas, dit-elle en reprenant sa peinture.

— Yes ! Je peux t’appeler chérie ?

— Même pas en rêve.

— Ma bouille d’amour ?

— Non plus.

— Mon Lapin ?

— Je suis une bêta

— Mon amour ?

— Continue et je romps avec toi.

— Tu n’es pas drôle.

Emilie lui lança un clin d’œil moqueur. Tout ça pouvait être amusant.

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