Chapitre 3
Vendredi, en début d'après-midi, Pauline retrouva Violette chez elle pour prendre un café.
- Alors prête pour ce soir ? À quelle heure tu boxes ?
- La soirée débute à 21h, je pense que je devrais passer vers 22h.
- Pas trop intimidée par la présence de mes collègues ? Ils m'ont harcelée j'te jure.
La boxeuse sourit.
- Je les ai trouvés très sympas. Tu ne dois pas t'ennuyer au boulot.
- On rigole bien. On forme une bonne équipe.
- Et avec Samson ?
- Quoi Samson ? répondit vivement Pauline, piquée au vif.
- Vous formez aussi une bonne équipe tous les deux ? rajouta Violette d'un œil malicieux.
- Je ne vois pas de quoi tu parles !
- J'ai remarqué vos petites oeillades...
- N'importe quoi !
Violette se mit à rire. Elle adorait cette mauvaise foi qui caractérisait son amie et savait qu'elle n'en saurait pas plus pour aujourd'hui. Elle décida de la laisser tranquille. Pour le moment.
**
Le soir venu, l'ambiance électrisait la salle de boxe. La concurrente de Violette était très populaire et réputée pour ne pas ménager ses adversaires, ce qui renforçait l'inquiétude de Pauline serrée entre ses collègues et des spectateurs excités qui criaient et sifflaient de toutes parts.
- Dans le coin bleu, accusant 58 kg, Marjorie Van Peel ! Dans le coin rouge, accusant 56 kg, Violette Delambre ! hurla le présentateur avant de rappeler les règles du combat.
Le gong retentit et le premier round débuta. Violette, offensive alterna directs et croisés. Elle connaissait la réputation de sa concurrente belge et comptait bien ne pas se laisser faire. Elle puisa en elle toutes les émotions qui s'accumulaient depuis des années pour tenter de faire ressortir la hargne qu'elle devait mettre dans ce combat. Cependant, Marjorie, parfaitement à l'aise et pas le moins du monde intimidée, esquiva chaque attaque. Violette allait s'épuiser rapidement, il fallait qu'elle s'économise.
Le second round renversa la tendance : la française, consciente de la stratégie de son adversaire, contrôla davantage ses gestes, tenta quelques feintes puis asséna un direct droit qui ébranla sa rivale. Pourtant celle-ci se ressaisit rapidement et augmenta l'intensité de ses attaques. Le gong retentit de nouveau. Une minute pour récupérer, pour se recentrer mais Violette était déstabilisée. Elle sentait le spectre de ses angoisses reprendre d'assaut ses pensées. Elle tenta tant bien que mal d'enregistrer les conseils des coachs mais ses oreilles bourdonnaient sous les hurlements du public. Elle jeta un œil furtif dans les gradins. Les fantômes rôdaient autour du visage de ses amis, défigurant leurs traits. Violette secoua la tête pour chasser les insectes qui lui brouillaient la vue.
Troisième round ! Marjorie enchaina une série de directs. Violette, surprise par cette offensive, resta un moment prisonnière de ses coups ce qui obligea l'arbitre à intervenir pour les renvoyer chacune dans leur coin. De nouveau autorisées à combattre, la belge réitéra l'attaque. La française, souple dans son jeu de jambes, esquiva mais Marjorie ne céda pas, et, plus offensive que jamais, accéléra le rythme puis enchaina de nouveaux coups. Un ultime direct qui envoya Violette au tapis.
Dans les gradins, Pauline et ses amis se levèrent, pris d'effroi pour la jeune femme allongée sur le ring. Le compte à rebours débuta.
- 1, 2, 3, 4…
- 5, cria Pauline.
- 6, murmura Olivia.
- Allez ma Violette, relève-toi !
La pauvre boxeuse, maintenant à genoux, peinait à reprendre ses esprits. Elle releva le buste, ne touchant plus le tapis que du bout de son gant droit.
- 8, 9...
- Allez Violette, marmotta Fred.
- 10 !
La jeune femme s'écroula de nouveau au sol, incapable de se relever. L'arbitre leva le bras de Marjorie en signe de victoire, tandis que les coachs de Violette lui venaient en aide. Pauline dévala les gradins pour se rendre dans les vestiaires à la poursuite de son amie. Autorisée à entrer, elle constata que celle-ci avait repris ses esprits.
- Tout va bien ! Elle m'a mis K.O, mais c'est tout, c'est fini. Elle était plus forte. Je ferai mieux la fois prochaine ! la rassura-t-elle dans un sourire fatigué.
- Violette Delambre ! Tu ne feras rien du tout ! Tu vas te mettre à la danse classique oui !
- Tout va bien Violette ? intervint l'un des entraineurs.
- Oui je vous assure Coach, ça va.
- Je ne veux pas te voir à la salle de la semaine. Tu te reposes et au moindre signe, tu consultes ! Tu as quelqu'un pour te ramener ?
Violette acquiesça.
- Bien ! Je t'appelle demain. Tâche de te reposer !
Pauline aida son amie à enfiler son jogging et son sweat puis, elles rejoignirent le reste du groupe qui, rassuré de la voir sur ses pieds, exprima son soulagement et son admiration pour ce combat dignement mené.
— Vous rentrez comment ? demanda Olivia.
— J'ai ma voiture, proposa Fred.
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