La lueur matinale s'infiltrait à travers les interstices des volets. Violette avait passé chaque nuit de cette semaine avec Fred. Elle s'éveilla doucement.

• Alors...vacances à la mer ou à la montagne ?

La jeune femme sourit. Fred avait fait de ce petit jeu un rituel quotidien. Pour le moment, les questions n'étaient pas trop intimes et Violette se laissait prendre au jeu. Ainsi lui avait-elle dévoilé préférer l'été à l'hiver, le café au thé, le miel à la confiture, le sucré au salé, les chats aux chiens, le rugby au foot...

• À la mer, répondit-elle.
• Moi aussi.
• Je m'en serai doutée.
• Pourquoi ?
• Facile ! Les filles à la plage, en bikini... plaisanta Violette.
• Tu ne vas pas recommencer avec ça !
• D'accord, j'arrête. C'est à qui ?
• À toi !
• Câlin du matin ou câlin du soir, chuchota Violette, un sourcil levé d'un air coquin.
• Câlin du matin ET câlin du soir, répondit-il tout en approchant ses lèvres des siennes.

La tentative d'approche de Fred fut interrompue par les deux téléphones qui sonnèrent en même temps l'heure du réveil.

• Allez Monsieur Santon ! Au boulot !
  

**

Violette et Fred avaient prévu de se retrouver le soir même au Green Mill après la séance de boxe de la jeune femme. Arrivée la première au bar, elle se percha sur son tabouret et commanda un martini. Elle aimait particulièrement cet endroit et se réjouissait que Fred l'aime autant lui aussi. Sa vie avait pris une toute autre tournure depuis qu'elle l'avait rencontré. Heureuse et légère, elle plongea dans la lecture du programme de la soirée.

Un homme surgit à ses côtés. Elle jeta instinctivement un œil sur la gauche puis reprit sa lecture, quand tout à coup, l'homme se mit à parler à la barmaid. Son cœur manqua un battement. Elle se retourna cette fois plus vivement ce qui attira le regard de son voisin.

• Violette ?

Un homme vêtu d'un costume sombre sur une chemise blanche, ouverte de deux boutons, les cheveux bruns gominés, la barbe courte, droite et soignée, la regardait, interloqué, derrière sa monture transparente. Visiblement mal à l'aise, il bredouilla quelques mots de politesse tout en jetant des œillades derrière lui. Ne souhaitant pas le laisser filer à si bon compte, Violette demanda sur un air faussement indifférent :

• Tu es rentré ?
• Oui.. enfin je suis de passage pour quelques jours. Je...

Nouveau coup d'œil en arrière.

• ...pour le travail.

Violette se retourna pour comprendre la raison de son attitude. Elle distingua une blonde voluptueuse attablée un peu plus loin dans le fond. « Le travail ! Bien sûr ! » pensa Violette.

• C'est Lynda une collègue. Je lui avais promis de lui montrer le Green Mill. Elle est fan du concept à Chicago alors...
• Pas besoin de te justifier ? répondit-elle dans un sourire forcé.
• Voici vos coupes Monsieur, les interrompit la barmaid.

L'homme saisit les deux coupes de champagne, visiblement heureux d'échapper à cette rencontre fortuite. Violette lui adressa un dernier sourire pincé et plongea le regard dans son verre comme pour y noyer le flot d'images qui remontaient à la surface. Elle ferma les paupières un instant, le bleu du ciel s'était terni. Violette ne voyait plus que du gris-vert. Elle luttait contre l'envie de se retourner quand elle entendit une voix derrière son dos :

• C'était qui lui ? demanda Fred en se penchant pour l'embrasser.