Chapitre 5
Violette émergea d'une nuit agitée. Les rêves de cette nuit s'entremêlaient de manière incompréhensible. Elle tenta de mettre de l'ordre dans ses pensées confuses. Il lui fallut quelques secondes avant de se reconnecter à la réalité. Lorsque les épisodes de la veille au soir lui revinrent enfin en tête, elle souffla, lasse de ces événements qui s'enchainaient depuis ces dernières jours. Elle aurait donné n'importe quoi pour revenir quelques semaines en arrière dans le réconfort que lui offrait cette solitude qu'elle était finalement parvenue à apprivoiser.
Elle ralluma son téléphone pour y découvrir un nouveau message.
« Salut Violette, je t'ai vue t'enfuir du Paradise.
Il faudrait qu'on parle.
Fred »
« S'enfuir ! » Violette ricana. Elle n'avait pas fui. Son rire se transforma en un soupir rauque et elle enfouit sa tête dans l'oreiller, honteuse. Bien sûr qu'elle avait fui. Le voir au bras de cette fille quelques heures à peine après leur rupture alors qu'elle l'imaginait se morfondre. Quelle idiote elle faisait ! Elle avait cru voir en Fred un homme qu'elle espérait sans doute trouver à sa place. Elle s'était laissée guider par son coeur, oubliant qu'il n'était plus fiable depuis qu'il avait été brisé en mille morceaux. Elle s'était de nouveau laissée prendre au jeu de l'amour, en se montrant aussi naïve qu'une adolescente qui découvre ses premiers sentiments.
Un nouveau message l'alerta.
« Je pense à toi. A nous...
Antoine »
De nouveau, la culpabilité l'étreignit. Elle pestait contre Fred mais était-elle plus loyale ? Elle repensa à Antoine, à la chaleur de ses doigts qui avaient caressé son visage noyé de larmes, à la douceur de son baiser qu'elle avait osé accepter, à ses battements de coeur qui avaient tambouriné si fort qu'elle avait été incapable de faire taire les sentiments qui reprenaient place.
Exaspérée par ces deux messages qui venaient l'assaillir de souvenirs et de pensées contradictoires, elle se leva, bien décidée à s'atteler aux dossiers qui s'empilaient sur son bureau pour ne plus avoir à penser à ces deux hommes qui la troublaient tant.
**
« Des vacances entre filles, ça te dirait ?»
La proposition de Pauline ne pouvait pas mieux tomber. Violette lui envoya une réponse pleine d'enthousiasme et elles convinrent de se retrouver au Flore après le travail pour en discuter.
Retenue par une réunion qui avait duré plus longtemps que prévu, Violette ne sortit du cabinet qu'à 18h45. Elle prit par le parc et marcha d'un pas pressé quand un chien lui sauta dessus, et manqua de la faire tomber. Sa jeune maitresse courait derrière lui, la laisse encore en main, ne sachant plus comment rattraper sa bêtise.
— Tonton !
— Tobiii !
À l'appel de son nom, le chien délaissa la jeune femme qui s'était recroquevillée sur elle-même puis retourna auprès de ses maitres. Lorsqu'ils se rapprochèrent d'elle, Violette et Fred se dévisagèrent, aussi surpris l'un que l'autre.
— Tout va bien, il ne t'a pas...
— Ça va ! lui répondit-elle.
— Violette ? C'est vrai que tu boxes ? les interrompit la petite, les yeux écarquillés.
La jeune femme fut surprise de constater que la petite Maya semblait déjà si bien la connaître. Elle jeta un regard à Fred qui se grattait les cheveux, visiblement mal à l'aise.
— Dis, Tonton on peut aller voir Violette à la boxe ?
— Non jeune fille, pas aujourd'hui, maman ne va pas tarder.
La petite garda la tête baissée tout en levant les yeux en l'air pour bien signifier à son oncle qu'elle boudait. Fred semblait aussi désespéré qu'amusé par l'aplomb de sa nièce sur laquelle il posait un regard brillant d'admiration. Violette le trouva attendrissant, à la merci de cette petite qui savait déjà très bien ce qu'elle voulait et comment faire tourner son petit monde. Elle en oublia presque la vision de lui et de cette fille la veille au soir. Lorsqu'elle croisa son regard, le temps s'arrêta, les récents souvenirs passionnés tourbillonnèrent un moment autour d'elle.
- Maman !
La jeune femme reprit possession de la réalité et baissa les yeux, rompant le fil d'espoir que Fred lui tendait. Maya s'élança vers Julia qui se tenait à quelques mètres d'eux. Profitant de cette occasion, le jeune homme prit la parole.
- Pour hier, je... Je ne savais pas que tu serais là.
- Et ? Et, je... Laisse tomber !
La sœur de Fred s'approcha d'eux tandis que Maya revenait déjà pour entrainer son oncle vers le toboggan.
- Dernier tour et on rentre, s'écria Julia en riant.
Les deux jeunes femmes restèrent silencieuses un instant, observant Maya mener Fred par le bout du nez. Puis Violette sentit le regard de Julia peser sur elle, elle se retourna et fut surprise de la voir lui sourire.
- Mon frère m'a tant parlé de toi que j'ai l'impression de te connaître depuis longtemps.
- On ne se connait pourtant pas si bien que ça lui et moi.
- Parfois, un simple regard en dit plus qu'un long discours.
- Mais parfois ça ne suffit pas...
- Il t'aime tu sais ?
- …
- C'est la première fois, il est peut-être maladroit.
- Ce n'est pas lui, c'est moi. Je ne suis pas en mesure de lui apporter ce qu'il attend de moi. Je suis trop abîmée pour ça. Le passé a tout emporté.
Violette soutint le regard de Julia. Elle voyait le reflet de ses yeux briller dans ceux de la jeune femme.
— Je comprends Violette. Le passé peut nous empêcher d'avancer mais je crois que pour le dépasser il faut parvenir à l'accepter...
**
Violette pressa le pas pour rejoindre la café où l'attendait son amie. Celle-ci était déjà installée en compagnie d'une autre femme.
— Sandrine, voici Violette.
— Enchantée, répondit l'inconnue en posant un regard doux sur la jeune femme.
La quarantaine, les cheveux blonds et les yeux vairons, cette femme dégageait un charisme incroyable, une force magnétique qui déstabilisa Violette.
— C'est mon amie Sandrine, je t'en ai déjà parlée, elle est psychothérapeute.
— Ne vous faites pas de soucis Violette, je ne consulte pas en dehors de mon cabinet, dédramatisa Sandrine qui avait remarqué le regard foudroyant qu'avait lancé la jeune boxeuse à son amie. D'ailleurs j'allais y aller ! À bientôt Pauline. Ravie d'avoir fait votre connaissance Violette.
Celle-ci la regarda s'éloigner puis questionna son amie :
— Vous avez parlé de moi ?
— Mais non ! On s'est croisées par hasard, ça fait un bail qu'on ne s'était pas vues. Bon alors ces vacances ?
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