Chapitre VII – Destin sacrificiel
1 000 ans plus tard.
À travers le vaste dôme de Karistal, la passion du soleil effleurait sa peau. Graduellement, ses paupières se soulevèrent. D’un claquement de doigts, Ennigaldi sollicita son petit-déjeuner qu’elle aimait prendre au lit. Heureusement, Kelly lui avait enseigné l’art d’invoquer un café au lait parfait. Sans cela, elle n’aurait pas survécu aux siècles passés. Contentée, elle quitta le confort de sa couche et se rendit à la salle de bain.
Ses besoins corporels assouvis, d’une pensée, Ennigaldi confectionna une sublime robe de dentelle noire cintrée, au dos décolleté, qu’elle associa à une parure d’émeraude. Ses fines lèvres se teintèrent d’un rouge coquelicot. Sa taille, rehaussée d’une ceinture verte et ses pieds chaussée de talons aiguille vermillon, la Reine tendit la main et traversa son vortex.
Du temps où Kelly Darck dirigeait l’ordre, elles avaient pris l’habitude de se retrouver à l’aube sur le sommet du Mont Destinée. Se confiant l’une à l’autre, les amies observaient les rois des cieux se retirer. Malgré son départ, en aucun cas, la Matriarche ne manqua le rendez-vous. Elle vivait depuis si longtemps, et pourtant, l’étourdissant tableau la subjuguait toujours autant. L’image de son royaume l’emplissait d’orgueil. Grâce soit rendue à sa regrettée alliée, qui avait accordé une vie d’exception à sa famille.
Tandis que leur mère flânait dans les hauteurs, ses filles accueillaient les aspirants récemment enrôlés. Ils profiteraient de cent ans d’initiation au sein du temple, puis retourneraient sur le continent. Lillia s’apprêtait à les conduire à l’auditorium afin qu’ils puissent admirer la Pyramide d’Onyx lorsque, tout comme ses sœurs, elle ressentit la détresse d’Ennigaldi. Réactives, elles ouvrirent leur vortex et émergèrent au côté de la Matriarche sans connaissance, en proie à de violentes convulsions. De ses yeux coulait du sang ; dissous par l’écume bordant ses lèvres, le rouge coquelicot bavait.
Bien qu’Ishtar soit la dernière-née, sa puissance colossale l’avait élue meneuse de la sororité. Par le truchement de sa pensée, elle fournit ses directives. Naïla, Nejma et Lillia cernèrent immédiatement leur mère. Imitant Ishtar, elles tendirent les paumes en direction d’Ennigaldi ; s’en extirpèrent des halos violine qui apaisèrent aussitôt ses souffrances.
— Je profane son esprit ; soutenez-moi, ordonna Ishtar, souverainement glaciale.
L’Humelfe attisa ses pupilles pourpres ; un brin mauve s’extrada de son front pour se greffer à celui d’Ennigaldi. Quelques instants suffirent à la benjamine pour cibler la complication. Le filament se détacha et retourna à son point d’origine :
— Elle a une vision. Tant qu’elle n’est pas finalisée, maman restera catatonique. Nous continuerons de l’appuyer afin d’atténuer son tourment, mais, attention, nous devrons anticiper son réveil à la nanoseconde. Absorber l’afflux de nos pouvoirs en état de conscience l’achèverait.
— Ce n’est pas son premier augure, souligna Lillia, aucun ne l’a mis dans cet état.
— Les explications attendront ! Si nous ne voulons pas finir orphelines, nous n’avons pas droit à l’erreur.
Les heures passèrent sans qu’aucune d’elles n’esquisse le moindre battement de cil. Impassible, elles guettaient l’instant propice. Déterminer la résurgence ne présentait rien de surnaturel, mais ce qu’accomplissaient les quadruplés relevait du prodige. Elles analysaient scrupuleusement chaque centimètre du corps. Enfin, elles aperçurent le frisson précurseur ! La déconnexion chakratique s’ensuivit. Ennigaldi expira avec force le souffle salvateur, darda ses prunelles sur ses trésors à la mine inquiète… Et sombra.
À son réveil, la nuit avait repris ses privilèges. Installée confortablement au milieu de son lit, la Matriarche savourait la lueur revigorante des sœurs sélène effleurant sa peau. La vision transmise par les Puissances lui revint en mémoire.
— Ishtar, ma chérie, j’ai besoin de te voir. Rejoins-moi secrètement dans ma chambre.
— J’arrive !
Quelques secondes plus tard, sa benjamine apparut par la porte dérobée du dressing.
La pâleur de sa mère la plongea à l’époque où elles se terraient dans les profondeurs de la forêt de Rosarbre. miséreuses, rejetées, en proie aux soucis et à la faim, qui étaient leur quotidien. S’asseyant sur le bord du matelas, elle enserra délicatement la main d’Ennigaldi.
— Connaissant ton penchant pour le repos et l’oisiveté, ta convocation m’inquiète.
— Tu as de quoi, ma fille. Te souviens-tu des Néotolc ?
— Nous avons balancé ces scorpions dans les abysses du temple, me semble-t-il.
— Effectivement ! Ce qui a contrarié les écrits et le Continuum. Cette lignée doit ressusciter.
— Kelly n’a-t-elle pas dit qu’il engrosserait son horrible progéniture ?
— Cela ne s’est pas produit et aucun Néotolc n’arpente ce monde. Tu vas remonter le temps et altérer les événements. Attends que nous les ayons jetés dans les geôles, libère-les et efface leur mémoire. Ensuite, tu les établiras sur une partie isolée du Continent.
— Je ne dispose pas des pouvoirs de notre mentor.
— La vision m’a révélé le procédé…
Lasse, elle ne put continuer. Avec peine, Ennigaldi posa sa paume sur la tête de sa fille, et, par l’esprit, lui transmit le reste des informations.
Ishtar embrassa le front de sa mère. Digne, elle se leva et reprit le passage invisible pour se dirigea vers l’Antre de l’Envers. Elle doutait que l’endroit conçu pour pratiquer la haute sorcellerie suffise à contenir l’explosion de chakra qui ne manquerait de se produire en cas d’échec.
Se soumettant à son autorité, les battants s’écartèrent sans un bruit. La salle inversée, plongée dans la pénombre, s’inonda de la lueur vermeille des flambeaux enchantés. Le pentagramme gravé dans le sol qui se trouvait à la place du plafond regorgeait de l’hémoglobine des soldats, tombés face aux Gogs. Postée au cœur du symbole, la sorcière expédia une étincelle dans le fluide vital, qui s’embrasa. Cernée des flammes sanguinaires, elle entama sa psalmodie :
Écoutez mon chant et mes rimes.
À sa suite l’écho en verlan de l’esprit du lieu retentit :
« sǝɯıɹ sǝɯ ʇǝ ʇuɐɥɔ uoɯ zǝʇnoɔé »
Afin d’annuler mon crime
« ǝɯıɹɔ uoɯ ɹǝlnuuɐ’p uıɟɐ »
Envoyez-moi au temps d’autrefois
« sıoɟǝɹʇnɐ’p sdɯǝʇ nɐ ıoɯ-zǝʎoʌuǝ »
Pour empêcher l’acte d’effroi.
˙ « ıoɹɟɟǝ’p ǝʇɔɐ’l ɹǝɥɔêdɯǝ ɹnod »
La bâtisse trembla ; s’ensuivit une myriade d’éclairs, s’abattant au même endroit. Ancré au plafond-sol, un maelström attira tout ce qui pouvait s’envoler, y compris Ishtar, tandis qu’Ennigaldi, toujours alitée, surveillait la porte de ses appartements avec attention.
**
Ishtar n’était pas spécialement ravie d’exécuter cette mission. Pourtant, elle l’avait acceptée, consciente de n’être qu’un rouage nécessaire à la mécanique du Continuum.
Conformément aux instructions de sa mère, Ishtar, postée entre deux monticules de neige, observait son double et ses compagnons guetter l’arrivée d’Élisior. Revoir sa mentor après tous ces siècles réchauffa le cœur de la sorcière. Durant un bref instant, son regard se tourna dans sa direction.
— Je ressens ta colère et ta crainte. Sache que ton destin ne fait que commencer.
— Comment peux-tu en être certaine ? J’ai le pressentiment que je ne reverrai plus les miens.
— Je suis l’une des composantes de ta lignée, car de par ton sang le clan Siriki survivra, révéla Kelly.
Abruptement, le canal télépathique s’estompa, l’attention de la Gardienne s’était reportée sur les événements la concernant.
Semblable à ses souvenirs, Élisior, affolé triompha du pont-levis. Sa mine déconfite à la vue des jumeaux Lagerfeld, planant dans les airs, donna une crise de fou-rire à l’Humelfe. Un long moment plus tard, Ennigaldi sortit du Palais de Karistal. Vengeresse, elle entreprit l’anéantissement de l’édifice et de sa population, bientôt rejointe par l’Ishtar et le reste de la bande.
La besogne terminée, son moi d’autrefois invoqua un vortex, que le groupe franchit. Ishtar rallia le temple en catimini et attendit dans l’une des pièces secrètes que ses habitants s’endorment. Certaine de ne pas se faire remarquer, l’espionne quitta sa cachette. D’une pensée, elle décolla du parquet de bois blanc, se stabilisa à quelques centimètres, et voleta lentement au travers du couloir aux portraits. Face à la représentation du séduisant commandant des forces invisible, sa progression se stoppa. Naps du clan Bonaparte, porté disparu au combat, la gratifia d’un sourire charmeur.
Au loin, des rires retentirent. Nul doute que les aventuriers du futur revenaient de leur virée sur le continent. N’ayant pas le temps d’exécuter le sortilège dévoilant le passage, elle se para de son air le plus irréprochable, recolla ses talons au sol et pivota. Les trois ivrognes la snobèrent superbement.
— Hâte-toi, je sens ta mère et ton paradoxe approcher, l’informa la mentor.
Une pensée effleura Ishtar : « est-ce vraiment Kelly ? » Un je-ne-sais-quoi clochait. Trouvant son idée saugrenue, l’infiltrée se raisonna et retourna à ses activités. Une dague sertie de pierres précieuses apparut dans sa main droite, de laquelle elle entailla le creux de la gauche. Le sang plaqué contre le portrait, il se flouta ; l’Humelfe le traversa.
Sans transition, elle se mit à glisser à une allure folle, qu’elle ne put endiguer. Durant la longue descente, elle maudit à maintes reprises Iblisse et son foutu sortilège anti-vortex appliqué dans les fondations. En fin de parcours, sa vitesse diminua. Ébouriffée, Ishtar resta interdite par le faste des cachots de Karistal translucide, regorgeant de particules chakratiques multicolores. Sous ses pas, le minerai adopta une teinte obscure, représentation indéniable de son ressentiment.
Elle détecta trois signes de vie. Étrange. À sa connaissance, seuls les Néotolc avaient eu le privilège des Geôles enchantées ; personne d’autre n’explora l’endroit, pas même les membres de l’Ordre. Chacun imaginait l’horrible zone que ce n’était pas.
Orientée par les énergies mystiques en présence, Ishtar découvrit une cellule luxueusement aménagée. Curieuse, l’Humelfe y pénétra. Personne ne s’y trouvait. Poursuivant sa visite, elle tomba sur une collection de robes plus sublimes les unes que les autres. Avançant au travers, elle se retrouva face à un long couloir éclairé de torche aux flammes cobalt. Au bout du tunnel, elle aperçut une éblouissante jeune femme à l’interminable crinière rousse ainsi qu’un vieillard, prisonnier d’un cocon de chakra laiteux… en compagnie du Seigneur des djinns.
— Te voici enfin ! Nous n’attendions plus que toi, lâcha pompeusement Iblisse. Je te présente Catin, la fille d’Élisior.
— Impossible ! J’ai rencontré la sorcière en question, elle ne ressemblait en rien à cette plantureuse créature.
— Ho, tu sais… Un vœu peut tout arranger.
— Soit… Que fais-tu là ? lança-t-elle sèchement.
— Pour t’aider à les libérer, pardi ! Ordre direct de la Mère.
— Pourquoi son père est-il en stase ?
— Une entité malfaisante vivant dans ces bas-fonds a tenté d’en prendre possession, nous avons évité le cataclysme de justesse.
— Si tu pouvais intervenir, je ne vois pas l’intérêt de mon exil dans le passé…, souligna Ishtar en colère.
— Les voies de la Créatrice restent impénétrables, ma chère Ishtar, conclut-il, sur un ton professoral.
Digne héritière de Kelly, elle choisit d’ignorer la situation et d’agir à sa guise. L’ancienne laideronne n’avait pas réalisé qu’Ishtar se tenait devant elle que sa mémoire s’envolait, remplacée par les souvenirs d’une extraordinaire existence.
— Pauvre Catin ! Histoire de rendre la conception plus attrayante, tu pourrais doter Élisior d’un physique plus avantageux.
— Tu n’as qu’à le souhaiter, suggéra le démon.
— Je connais le prix d’un marché avec toi, mes années de vie sont désormais précieuses, mets la facture sur le compte de la Créatrice. Après tout, le mandataire n’honore-t-il pas les frais professionnels ?
— Ma gardienne préférée a fait des merveilles. Bon, dépêchons ! Nous sommes attendus.
Il claqua des doigts, son vortex surgit.
— Le tien fonctionne ! Pourquoi ?
— N’oublie pas que cet endroit est né de ma magie.
Iblisse y expédia d’un souffle le cocon de chakra laiteux contenant Élisior, puis Catin et ses pseudo-sauveurs abandonnèrent la prison souterraine, ainsi que l’entité néfaste y logeant.
***
Ils apparurent au milieu d’un champ de fleurs orangées. Pur, comparé à la lourde atmosphère des tréfonds du temple Trinital, l’air fut un baume de bonheur. Les effluves envoûtant des orchidées charmeuses, inspirés à plein poumon, apaisa sa nervosité. Cent mètres plus loin se tenait un campement, duquel provenait une odeur, que l’Humelfe ou Catin ne purent déceler. Contrairement à Iblisse, qui en salivait :
— Grâce te soit rendue, ma Créatrice. Un McDo !
— Pas de quoi, lâcha une voix identifiable entre mille.
— Kelly ! Mais, mais… qu’est-ce que tu fous ici ma belle ? Je te croyais retournée à ton époque.
Elle irradia d’un chakra doré qui engloba tout ce qui se trouvait à cent lieues à la ronde, puis se résorba. Son aspect changea. La Gardienne du Continuum s’effaça, laissant place à une femme au visage dissimulé par un voilage de dentelle noirâtre : la Sainte Mère de l’Univers. Aussitôt, Ishtar courba l’échine. Ne sachant pas trop comment se comporter, l’amnésique l’imita tandis que leur compagnon se précipitait sur les sachets graisseux, estampillés d’un M jaune.
— Êtes-vous vraiment ma mentor ?
— Bien sûr que non ! Relève-toi. Prendre l’apparence de la puissante Kelly Darck m’offre bien des avantages… Moi-même, j’ai longtemps cru être elle.
— Les jumeaux ne sont pas non plus les frères Lagerfeld ?
— Oui et non. Cela est un peu plus compliqué, mais pas à l’ordre du jour. Restaurez-vous, sinon ce glouton ne va rien laisser.
— Des milliards d’années sans un MacDalle, tu parles que je me jette dessus. Vous voyez les filles, ça, c’est de la grande magie.
Intimidée, Ishtar s’installa gracieusement sur la méridienne à son intention, choisit un emballage encore chaud dans le tas proposé et le huma :
— Cette étrange nourriture empeste la carcasse ! Désolée, je passe mon tour.
— Pas de la carcasse, mais du bœuf, lâcha-t-il, la bouche pleine. Les Paramissiens et leur végétalisme, je te jure ! ajouta-t-il, les yeux aux cieux, l’air faussement contrit.
Le débat clos et les reliefs du repas éliminés, la divinité introduisit le sujet :
— Je trouve la réflexion, que notre ami t’a faite au sujet du physique d’Élisior pertinente. Tu connais ta mission concernant les Néotolc… Va, je dois m’entretenir avec Ishtar ;
— Et la vision de ma mè…
— Ne t’en fais pas, l’interrompit la déité, tout prendra son sens sous peu.
Un vortex d’or, dont la puissance fit s’envoler les pans de la soutane kaki de la Mère, apparut. D’un geste, elle invita l’Humelfe à la suivre.
Sous l’œil attentif de la Créatrice, Ishtar, dont le cœur battait la chamade, observa longuement la forêt de Rosarbre. Son regard, empli d’incompréhension, se fixa sur la divinité.
— Pourquoi me conduire en ce lieu réveillant tant de souffrances ? Osa-t-elle.
Énigmatiquement silencieuse, la déesse se mit en marche et l’Humelfe dut lui emboîter le pas.
À mesure de son avancée, l’anxiété ressentie se dissipa. Bercée par le chant des oiseaux, accueillie par le souffle du vent printanier et les vibrations de ces terres percevant sa suprématie, Ishtar réalisa que ses frayeurs d’antan n’avaient plus de sens. Sa mentor en avait fait une sorcière plus que redoutable ; passé ou futur, peu importait, personne ne pourrait la traquer comme le gibier qu’elle avait été.
Une fois la contrariété estompée de ses traits, elle comprit où la Créatrice voulait en venir lorsqu’elles arrivèrent face au seigneur de ces bois, l’Arbre blanc. L’entrée aboutissant au refuge souterrain se dévoila. La descente des escaliers en colimaçon remonta moult souvenirs, agréables ou non. L’ultime marche franchie, une surprise de taille l’attendait : son amour disparu au combat, supposément emporté par les Gogs, se tenait devant elle :
— Naps ? Comment est-ce possible ? lança-t-elle en courant pour lui sauter dans les bras.
— La Créatrice m’a sauvé d’une horde de Gogs m’acculant pour me dévorer.
— Pourquoi ne pas être revenu au Palais ?
Oubliant toute pudeur, l’Humelfe heureuse, embrassa ardemment son amant. Malgré l’insistance d’Ennigaldi, Ishtar s’était refusée à tout autre partenaire et, en cet instant, elle se félicita de son choix.
— Hum ! Hum ! lâcha la Créatrice.
— Excusez-nous, s’autorisa Naps, passion et frustration nous ont dominés.
— Je connais, merci ! Maintenant, Sieur du clan Bonaparte, parlons de ce pour quoi nous sommes là !
L’air grave de la Mère en disait long. Comme si elle n’avait jamais quitté le foyer, Ishtar les guida jusqu’au salon. Sur l’accoudoir d’une chaise épargnée par le temps se trouvait l’écharpe préférée de son père, dont elle huma le parfum, ressurgi du passé. Voyant l’état de confusion de sa moitié, Naps l’enlaça tendrement et l’invita à s’installer sur le douillet canapé.
Les manières de Kelly Darck ancrées au plus profond de son être, d’instinct, elle invoqua champagne et petits fours, accessoires cruciaux à ce genre de réunion. Les plateaux en lévitation ayant servi les boissons fraîches, la divinité entama ses confidences :
— Une tout autre destinée liée à la Création t’attend, ma chère Ishtar, mais avant cela, une vie de bonheur t’est accordée. Par ton sang, le Clan Siriki survivra. Kelly ne t’a pas menti lorsque par télépathie, elle t’a révélée être ta lointaine descendante.
— La fondatrice de l’Ordre dissimule bien des secrets. Sans pour autant comprendre quand et comment cela arriverait, je l’ai toujours soupçonnée. La Gardienne du Continuum vient d’une planète baptisée Terre. Par quel prodige nos clans ont-ils rallié un monde si isolé du nôtre ? demanda Ishtar confuse.
Un silence pesant s’installa : la Mère ne pouvait dévoiler sciemment les Écrits, mais elle comptait sur l’intelligence supérieure de Naps, qui, après mûre réflexion, le brisa :
— Un fait sur Paramisse va sûrement contraindre les nôtres à s’exiler. Événement que nous ne devrons pas empêcher, au risque de perturber la Création qui, selon la légende, trouve sa source dans l’avenir.
Sur ces paroles, laissant le couple songeur, la Créatrice s’estompa.
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