Introspection du jeudi.
Introspection du jeudi.
Regarder ce monde me plonge dans un profond désespoir : je ne vois, partout, que pure haine et médiocrité.
Je regarde, sans doute, par la mauvaise fenêtre : internet. Ici, je parle d’Internet et non de sa face la plus répugnante : les réseaux sociaux.
Ces derniers ne semblent avoir été créés que pour tendre à l’humanité le plus hideux des miroirs : celui de l’acharnement contre un coupable désigné à la vindicte publique ou la défense de tous les préjugés les plus stupides.
Même en se tournant vers les informations sérieuses, on ne trouve que médiocrité et haine.
Mais je n’ai pas besoin d’aller si loin : regarder en moi suffit. Je ne suis guère différent de ce monde.
Disons que pour moi haine et ressentiment n’ont aucune valeur : je les abandonne !
Mais que ma vie est médiocre.
Tout se répète et je vis, au jour le jour, dans un petit, tout petit, monde. Je finis par aimer cette médiocrité !
Médiocrité
Douce médiocrité
Suave médiocrité
Adorable médiocrité
Tu es là ma médiocrité
Jamais tu ne vas me quitter
Notre complicité je ne vais ébruiter
Car j’aime bien trop ta saveur fruitée
Avec toi je peux me calfeutrer
Et toute angoisse meurt
Grâce à toi lentement
Tu égalises l’humeur
Mon médicament
Médiocrité
Je pourrais hurler
Je pourrais crier
Je pourrais réfléchir
Je pourrais infléchir
Mes choix bien arrêtés
Mais non je vais végéter
Mais non je ne ferai rien
Absolument rien
Et je me sentirai bien
Moi le médiocre citoyen
Ta sœur l’adorable et séduisante procrastination
M’aidera à liquider l’exigeante volonté
La trop lourde responsabilité
Et la résignation
Sera ta parure
Sera ta luxure
Ta seule aventure
Serre-moi médiocrité
Prends-moi médiocrité
Fais-moi l’amour médiocrité
J’ai tant besoin de toi
Tu es ma seule joie
Ne pars pas
Sinon je vais penser
Sinon mon repas
Va ensemencer
Tristesse
Espoirs de caresses
Profond désespoir
Peur de tout ce noir
Qui détruit ma vie
Je te dois ma survie
Médiocrité
Douce médiocrité
Suave médiocrité
Adorable médiocrité
Et je suis trop vieux pour croire dans mes propres mensonges. J’ai choisi, entretenu, caressé cette médiocrité.
Mais, maintenant, j’étouffe. Pour autant, je sais que bouger frénétiquement, ou croire dans les pouvoirs de la volonté, tout cela ne changera rien.
Pour sortir de cette ornière, il faut enrichir cette vie, en s’appuyant sur le conscient et l’inconscient.
Oui la Raison ne peut tout expliquer, ni tout comprendre. Mais cette fleur tardive a sa beauté, et lui rendre hommage peut faire reculer haine et médiocrité.
Le premier chemin est Spinoza, il a tendu à la Raison le plus beau et le plus mensonger des miroirs.
Spinoza ô Spinoza
Peu d’hommes sur terre
Hélas furent plus haïs que toi
Pourtant tu ne fus guère propriétaire
Pensées et lentilles tu polissais solitaire
Et tu fuyais haine passions tristes et émois
Paisible loin de toute gloire
Tu ne caressais pas l’espoir
De diriger les folles foules
Tu as toujours fui le moule
De la religion
Et dès ton enfance
Du mensonge l’avocaillon
Tu ne voulus point être de mécréance
Tu fus accusé et fort lâchement poignardé
Par un coreligionnaire car tu étais excommunié
Et pourtant c’est Dieu Dieu seul
Qui occupait toutes tes pensées
Pas de fascination pour le linceul
Du Christ ni par la Thora influencé
Tu vis l’importance
De l’unique substance
Qui est infiniment infinie
Ainsi Dieu est par toi défini
Il échappe à toute transcendance
Et tout s’enchaîne pure immanence
Ton monde ignore culpabilité
Finalité en dépit de ta judéité
Nulle création tu n’as proposé
Ni de Jéhovah vengeur imposé
Mais Spinoza est le soleil, le yin de la philosophie, enrichir le monde c’est aussi voir la source de toutes les haines, le yang.
Ce nouveau monstre a pour nom : identité.
Pour moi ce n’était qu’un simple concept logique. Mais il a échappé à son créateur et s’est multiplié.
Il a tous les visages, il parle toutes les langues.
Mais, paradoxalement, il ne veut pas le reconnaître : chacun de ses avatars veut être l’Identité et pour cela, il est prêt à détruire toutes les autres identités.
Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? La créature peut détruire l’humanité entière.
Vous avez aimé les guerres de la religion, les combats pour la Patrie ou la Liberté ?
Vous allez adorer les ravages des créatures identitaires, et le sang va couler.
Cependant, il y a un espoir. Freud disait : "La voix de la raison est basse, mais elle ne cesse que d'être entendue."
Se pose donc la question de l’Inconscient.
En lisant Jung, je change ma perspective sur l’Inconscient. Il devient le double invisible de cette vie, ce qui lui donne toute sa saveur.
Sans aucun doute, c’est lui que je rencontre quand je laisse venir ce monde.
Car c’est mon chemin, abandonner la volonté, la technique, le profit et enrichir cette vie.
Il suffit d’être réceptif, disponible pour enrichir cette vie, et certainement ne pas chercher la gloire et l’argent !
Laisser venir, accueillir l’arbre, la musique, le nuage, l’oiseau, la peinture, la poésie, le ruisseau, la vague, le vent.
Mais aussi laisser venir les désirs, les pensées, les sensations, les souvenirs.
Il faut être disponible pour cette partie féminine : l’anima.
Anima ma douce Anima
Que fais-tu là-bas
Que cherches tu dans les nuages
Et les verts feuillages
Je cherche le sens
Oui c’est cela le sens
Je cherche le sens d’une présence
Pour qui comprend cette quête, l’erreur fondamentale du féminisme saute aux yeux.
Tout être humain est double, fondamentalement double et le but ultime du féminisme
est de libérer hommes et femmes, en découvrant cette anima.
Mais que faire de tout cela ?
Le partager bien sûr !
Je peux le partager, en écrivant des poèmes, des haïkus, des histoires.
Et c’est ce partage qui enrichit : qu’importe l’argent !
Enrichir cette vie, grâce à la raison, au laisser venir à la création : voilà le chemin qui permet
De sortir de la haine et de la médiocrité : le chemin du jeudi.
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