L'entretien
Une semaine après sa victoire, Maximilien ne parvenait toujours pas à réaliser sa chance. Il avait beau se repasser la soirée dans sa tête, écouter ses amis s’extasier, recevoir de grandes tapes dans le dos… Il allait enfin la revoir. Il vérifia une dernière fois le col de sa chemise dans le miroir, attrapa ses clés et quitta son appartement. Il traversa son modeste quartier et attrapa un bus autonome. Le regard perdu par la fenêtre, il regardait le paysage défiler. Plus il s’approchait du centre-ville, plus les bâtiments se faisaient modernes. Après une vingtaine de minutes, il arriva au plein cœur de la ville et descendit du bus. Il marcha jusqu’au grand gratte-ciel qui abritait l’Agence des Rêves, se présenta à l’accueil, passa un contrôle d’identité et fut dirigé vers le bureau 46 situé au treizième étage du building. Là, il fut reçu par un homme souriant au costume impeccable assis derrière un bureau encombré par des tas de paperasse.
— Maximilien Clair, je présume. L’heureux gagnant du Grand Loto des Rêves ! Bienvenue, l’accueillit son hôte d’une voix chaleureuse, je suis monsieur Barnier.
Il lui désigna un fauteuil qui lui faisait face avant de reprendre :
— Pour commencer, il vous faut signer un accord avec l’Agence des Rêves stipulant, entre autres, qu’elle n’est pas en mesure de réaliser n’importe quel rêve. Le vôtre sera soumis à un examen consciencieux de la part de notre agence avant d’être validé ou non. Dans le second cas, nous vous inviterons à faire une nouvelle demande. Je vous laisse lire par vous-même.
Le désespoir envahit Maximilien. Il pensa à son rêve. Quel idiot il avait été de penser que l’Agence pourrait ressusciter Eva ! Il se maudit intérieurement, la mine défaite, avant de parcourir des yeux le texte écrit sur la tablette que lui tendait son interlocuteur et de signer le formulaire.
Ils continuèrent en remplissant une longue fiche regroupant les informations personnelles nécessaires à l’agence.
— Bien, parlons maintenant de votre rêve, monsieur Clair, puisque c’est bien là le cœur du sujet, déclara-t-il avec un air entendu. Que souhaitez-vous que l’Agence fasse pour vous ?
— Je voudrais retrouver ma fiancée Eva, murmura Maximilien.
— Comment ça, « retrouver » ?
— Elle est morte.
— Oh je comprends mieux. Mes condoléances, dit-il, l’air sincèrement désolé.
Il tapa quelques mots sur son clavier, puis brisa le silence :
— Je suis navré de devoir remuer le couteau dans la plaie mais il me faudrait davantage de détails sur mademoiselle Eva afin de présenter un dossier le plus complet possible au comité qui jugera de sa réalisation ou non.
Maximilien s’y attela avec un mélange d’excitation et de tristesse. Il donna tous les détails de son identité à son physique en passant par ses habitudes et ses manies, allant même jusqu’à montrer quelques vieilles vidéos gardées dans son téléphone pour lui faire écouter sa voix et son rire. Au bout d’une quarantaine de minutes, son hôte l’interrompit poliment et le remercia en lui affirmant que ces informations étaient suffisantes. Il lui demanda néanmoins de mettre trois photos ainsi qu’un enregistrement de la voix d’Eva dans le dossier puis conclut l’entretien :
— Nous en avons terminé pour aujourd’hui, monsieur Clair. Nous nous reverrons dans deux semaines, après l’examen de votre rêve.
Maximilien acquiesça et remercia tristement son hôte.
— Allons monsieur, vous allez voir un de vos rêves exaucé, vous ne devriez pas afficher un tel désarroi, lança ce dernier d’une vois enjouée. Portez-vous bien et à bientôt !
Les quinze jours qui suivirent l’entretien passèrent avec une lenteur exaspérante. Tantôt rempli de doutes, tantôt plein d’espoir, Maximilien oscillait entre ces deux opposés sans entre-deux et changeait d’humeur en un clin d’œil. Il avait beau être le plus chanceux, il savait qu’il perdrait pied si son rêve lui était refusé. Ce fut donc avec la plus grande appréhension qu'il se présenta de nouveau à l'Agence des Rêves pour son deuxième rendez-vous.
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