Mignonnerie (⁠◕⁠ᴗ⁠◕⁠✿⁠)

5 minutes de lecture

Assise sur la terrasse, face à elle le monde semblait être en pause. Dans le cerisier, les tourterelles roucoulaient, accompagnées du doux refrain des moineaux. Les rosiers en fleurs tatoués sur la façade, embaumaient l'air de leur fragrance d'été. Le moment venu, elle récolterait leurs pétales pour en distiller les arômes sensuels de son parfum "Mignoreries". Ce nom, elle l'avait choisi avec soin en souvenir de Ronsard, poète qui avait bercé son adolescence. Perdue dans ses pensées, Capucine jouait avec son stylo. Il roulait entre ses doigts. Elle souriait. Les idées se bousculaient, plus fantasques les unes que les autres.

Dans le lointain, des voix se répondaient, les petites mains s'affairaient avec expertise dans les champs sous un soleil de plomb. À chacune de ses promenades, elle admirait le courage de ces hommes et de ces femmes. Par tous les temps, les agriculteurs ne rechignaient pas face à l'ampleur de la tâche. Les ouvriers ne se plaignaient pas, jamais ils ne faisaient de reproche à la nature. Cette capricieuse n'en faisait qu'à sa tête. Malgré les deboires dont elle était sujette, ils la vénéraient.

Le soleil caressait la peau des travailleurs, chaque rayon mordoré donnait une jolie teinte à leur corps. Avec le temps, le bronzage caramel de certains devenait chocolat. Capucine avait la couleur opaline, et prenait grand soin de son grain rosé. Une fois, une seule, elle avait oublié sa crème. Le rouge écrevisse avait recouvert son duvet soyeux, la brûlure serait incrustée à jamais sur son épaule. La marque de son imprudence avait pris la forme d'un papillon.

Pour s'encourager, les ouvriers reprenaient un refrain envoûtant. Les paroles entonnées par les chœurs des champs, accompagnaient la chanson du merle. Était-ce là une recette magique ? Ou la mélodie du bonheur ? Ce doux ronron berça la jeune femme, ses paupières devinrent lourdes. Elle voulut résister et finit par lâcher prise. Sa tête trouva refuge dans ses bras, un charmant nid douillet.

- Excusez-moi belle dame, serait-ce à vous ?

Que se passait-il ? Comment le beau garçon aux yeux verts et cheveux longs avait-il pu trouver la clé de ses rêves ? Hier, son regard avait-il été trop insistant quand elle s'était arrêtée pour l'observer oeuvrer ? L'avait-il tout simplement remarquée ? Où était-ce le pur hasard ?

- Vous ai-je fais peur ? Nul n'était mon intention.

Elle entendait clairement le son de sa voix, la même chaleur dans ses intonations, le même "r" qu'il faisait rouler à chaque fois qu'il croisait sa route. Dans cette chorale au milieu des blés, il était le ténor du groupe. Pourtant dans ses songes, il devenait le chef d'orchestre de son fantasme.

- Me permettez-vous que je prenne place face à vous ?

Il n'avait pas froid aux yeux, il se montrait entreprenant sans être lourd et envahissant. Ses mots coulaient de sa bouche avec subtilité et grâce. Elle admirait ses lèvres, envieuse de venir s'y abreuver. Combien de fois aurait-elle voulu prendre la place de cette gourde ? Quand le liquide s'échappait sur la langue, la sienne ne résistait pas à l'envie d'en faire autant.

- Vous devriez boire ce verre pour vous rafraîchir.

La scène était déroutante. Dans un rêve, était-ce finalement choquant ? Une chose restait surprenante et même déstabilisante. Tout semblait réel. Avait-elle pris un coup de chaud, le début d'une insolation ? Apercevait-elle un mirage ? Cette oasis, où elle voulait se réhydrater, était-elle concrète ? Ou une simple vue de son esprit ? Confusion, délire ou envie, où se trouvait la limite ?

- Le soleil à son zénith pourrait brûler votre cou si vous restez ainsi. Permettez-moi de vous faire de l'ombre.

De l'ombre à la lumière il n'y avait qu'un pas. S'il voulait utiliser son corps hâlé pour la protéger, pourquoi y verrait-elle un inconvénient ? Allait-il se positionner dans son dos, parant la morsure de l'astre incandescent ? Pourquoi serait-il prêt à un tel sacrifice ? Attendait-il un dédommagement en retour ? Elle voulait se laisser tenter, après tout le risque en valait la chandelle.

- Puis-je vous étaler cette crème qui semble attendre d'envelopper votre peau avec finesse ?

Mais comment pourrait-elle refuser ? Il se proposait de badigeonner cet onguent sur chaque partie nue de son corps, ceux à la merci des rayons brûlant. Imaginer la paume de ses mains l'effleurer. Était-ce un péché ? Après tout se protéger était capital. Envieuse de connaître la douce sensation de ses doigts sur son épiderne, elle frissonna. Serait-il trop orgueilleux de paresser sous les caresses voluptueuses ? Devrait-elle apprécier toutes ses attentions avec gourmandise. Avare de découvrir ses émotions, lâcher prise à chaque assaut, un luxe des plus précieux qu'elle voulait approfondir. Elle était pressée de laisser la colère du ciel en feu s'évanouir sous ce tendre massage.

- Vous voilà prête pour voyager dans un univers de fantasmes.

Que connaissait-il de ses rêves érotiques ? Il semblait lire dans ses pensées charnelles. Ils ne s'étaient jamais adressés la parole, seul leur regard s'était croisé. Un clin d'oeil échangé était-il la clé du bonheur ? Cet échange irréel apportait des touches sensuelles. Peindraient-ils un tableau au teinte impressionniste de leur effusion sensuell ?

- Es-tu prête à me suivre ?

À l'autre bout du monde s'il le fallait. C'était si tentant de suivre le chemin qui le mènerait au cœur de l'éruption. Il avait dans les yeux cette étincelle prête à raviver le volcan endormi. Elle entrerait en fusion au contact de sa peau, des gémissements jalliraient à chacun de ses assauts. Elle se consumerait à chacun de ses baisers. Son corps crépiterait, prêt à exploser à chaque va-et-vient qu'il prodiguerait. Dans son antre, il serait le maître des lieux, le gardien bienveillant de son orgasme naissant. Il puiserait à la source ce nectar savoureux, dont il se nourrirait avec gourmandise.

- Abandonne toi dans mes bras.

Bien sûr, elle n'attendait que ce moment où leur âme ne ferrait plus qu'une. Il lui offrait en quelques mots tendres, quelques caresses subtiles, quelques baisers torrides. Tant de promesses. Pourquoi devrait-elle résister ? Même s'il ne s'agissait peut être bien que d'un rêve, elle s'imaginait libre d'expérimenter de voluptueuses sensations, d'exprimer librement ses pulsions, de s'épanouir avec passion dans les bras de ce bel Apollon. Chaque parole se posait avec délicatesse, chaque attention s'accompagnait d'une douce ivresse. Le fantasme grandissait, l'envie se multipliait et les désirs s'étalaient.

Enfin à ce moment précis, il n'y avait pas que les désirs qui prenaient leurs aises. Un liquide glacé dévala entre ses seins, un frisson en écho descendit jusqu'à ses reins. L'eau se faufila sous sa robe de soie pour terminer sa course le long de sa culotte de dentelle. Elle prit une grande inspiration, ouvrit ses yeux et le vit. Il posa le verre sur la table et tenait entre ses lèvres un cube givré. Elle n'en revint pas, il approcha sa bouche et l'embrassa, échappant le glaçon qui a son tour se perdit dans son décolleté. Quand sa main vint pour le saisir, elle ressentit des picottements l'envahir. Ses seins dressés étaient les prémices de leur communion. Elle était prête à s'offrir à son fantasme devenu réel.

Attrape rêve

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 4 versions.

Vous aimez lire Attrape rêve ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0