Monde obscur
J'entends l'aiguille d'une pendule. L'eau qui coule dans un récipient creux. J'entends sa voix maternelle qui me rassure. La respiration irrégulière de mon voisin malade. J'entends le rire innocent du garçon, jouant près de moi.
Je perçois l'odeur médicale de la salle d'attente. Les murmures des patients, impatients de savoir. Je perçois le bruit du néon allumé, surchauffant dans la pièce cloisonnée, et le vent qui s'acharne sur la fenêtre derrière moi.
Je sens la tendresse du coussin de ma chaise. L'irrégularité du vieux mur de la salle. Je sens la fraîcheur du carrelage, où résonne le choc du jouet qui tombe. Les pleurs du petit garçon, se jetant la faute de l'avoir cassé.
À l'entente de mon nom, je sens ses mains protectrices sur mes bras, qui me guident dans ce monde obscur. Son étreinte qui se resserre, lorsque la voix rauque annonce que mes derniers pansements vont pouvoir être retirés. Que je vais enfin pouvoir voir.
Des formes moins sombres se dessinent sous mes paupières. La lumière se montre, doucement. Des formes nouvelles se présentent à mes yeux. Les traits fatigués de ma mère. Ses cheveux longs, grisonnant me chatouillent lorsqu'elle m'embrasse le front. Des cernes se dessinent sous ses yeux, et sa maigreur me choque. Je ne l'imaginais pas comme cela. En fait, je ne l'imaginais pas du tout. Je n'avais aucune notion des formes. Je n'avais aucune notion des couleurs. Mais j'imaginais en percevant les choses.
Je réalise alors que sa douce voix n'est en fait qu'une voix fatiguée, que la douceur de ses mains n'est autre que sa fragilité, et que ma mère a essayé, tant bien que mal, de me guider dans un monde hostile, où les gens préfèrent fermer les yeux sur ce qu'ils découvrent.
C'est cela que je vois...
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