Isolement
À l’intérieur d’une tente un peu éloignée du campement, deux voix chuchotaient dans la clarté d’une aube nouvelle.
— Il est temps de partir, Azur, annonça Frizure sur un ton maternel.
— Partir ? Maintenant ? Tu ne m’as encore rien appris de concret. Tu as promis de me donner les clés pour tuer mon oncle.
— Cela, viendra plus tard. Je t’ai enseigné à endurer ce que cet homme te fait subir. Cela t’a été utile pour t’endurcir. Tout est différent à présent, il te faut apprendre à accepter la solitude. Pour tuer, il faut renforcer ton cœur. Et de toi à moi, tu n’as pas encore la force suffisante pour le faire sans revoir encore et encore les images du meurtre.
— Alors que dois-je faire ?
Azur tenait le miroir entre ses mains fermes et observait les yeux verts de son instructrice. Seule partie qu’il pouvait voir, désormais. Frizure avait remarqué que la curiosité de son jeune apprenti, dépassait la raison. Azure aimait savoir, apprendre. Ainsi, depuis leur rencontre, remontant à deux mois, l’entité le tenait par les sentiments : « si tu fais cela, je te parle de moi. » Et cela fonctionnait terriblement bien.
— Nous devons quitter la tribu et s’éloigner le plus possible des humains.
— Dois-je faire un pèlerinage ? Devenir un ermite ?
— D’une certaine façon. Je veux t’enseigner à ne pas craindre la solitude.
— Je connais mieux que quiconque l’isolement, pourquoi m’amener à faire cela ?
— Pour consolider cet acquis, Azur. T’apprendre à ne plus pleurer quand le manque de ta mère apparaît. Te mettre devant la vie que tu as choisie en m’emportant avec toi. La solitude marquera chacun de tes pas. Laisse-là te submerger. Ainsi, le pouvoir que je te conférerais, aura une place de choix en toi. Tu seras capable de mieux le diriger.
— Si tu penses que cela est bon pour notre futur projet, alors j’accepte.
Le jeune homme attrapa une besace et commença à la remplir d’effets personnels ainsi que d’aliments. S’il devait ployer le genou face à la solitude et entreprendre un chemin vers les terres isolées pour anéantir ses ennemis, alors il ne s’y refuserait pas. Il se résignait, pour devenir plus fort, plus puissant.
— Où allons-nous ?
— Je te l’ai déjà confié. Là où aucun humain ne vie. Fuis-les le plus possible. Arpente bois, vallées, chutes d’eaux, sois seul. Accepte de l’être pour la fin des temps. Devient dur, oublie les sentiments, les émotions.
— D’accord. Mais combien de temps cela durera ?
Frizure lut l’impatience sur le visage du jeune homme. Elle en était à moitié satisfaite. Car Azur n’était pas si sûr de ce qu’elle avançait. Le temps fera son travail, songea-t-elle, tandis qu’il l’enfouissait sous son manteau de peau.
— Je ne sais pas. Tout repose sur ton envie.
— Je vois… Partons à la recherche d’un cœur plus dur alors.
Avant de quitter la tente où il vivait avec Mazatouhara. Azur observa le campement d’un œil à la fois nostalgique et plein d’animosité.
— Je n’ai rien à perdre, tout à gagner. N’est-ce pas, Frizure ?
— Te voilà sur la bonne voie. J’apprécie lorsque tu parles ainsi. Tu me prouves qu’au fond de toi, il y a un revanchard. Un homme qui désire s’améliorer.
— Est-ce cela ? Est-ce que je veux m’améliorer ou juste me venger ?
Le visage d’Azur gela sous ses propres paroles. Il y avait toujours le petit garçon de sept ans, jurant la mort d’une reine et l’adolescent de treize ans se promettant de tuer son oncle. Pouvait-on s’améliorer en devenant pire ? Il secoua sa tête, la natte derrière son dos s’agita, alors qu’il prenait le pas vers une forêt enneigée.
Les jours suivant, il marcha à en perdre le souffle en direction de hauteur. Dès qu’il entendait le bruissement d’une voix humaine, il bifurquait. Frizure était la seule avec qui il échangerait, désormais.
Les semaines se succédèrent, tandis qu’Azur devint plus familier à la solitude et au silence régnant dans les vallées infertiles. Celles qui s’allongeaient entre le royaume de Verdoyon et celui de Flammèche.
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