Patience
Une heure avant l’aube, Azur rejoignit sa chambre, portant fièrement sa couronne d’argent, et retira l’anneau à son annulaire gauche.
Dans la solitude et le noir, il alluma une chandelle et illumina le miroir plus éclatant d’année en année.
— Frizure, appela le nouveau roi. Réveille-toi et regarde ce qui trône sur ma tête.
Une fine lumière verdâtre s’anima et la femme apparut, aussi fraîche que la rosée du matin.
— Que voilà un beau cadeau, maître. Vous êtes splendide et cette couronne vous sied à merveille. Approchez, que je vous admire de plus prêt.
Un sourire ravageur s’étendit sur ses lèvres charnues, pendant qu’Azur se penchait sur le miroir.
— Vous êtes roi ! s’exclama-t-elle à voix basse.
— Pourquoi baisse-tu le ton si soudainement ? Tu peux le crier, le hurler, s’excita-t-il, un éclat d’extase plaqué sur le visage.
— Chut ! Je préfère murmurer parce que vous avez un invité. Regardez sous vos draps.
Azur obliqua vers sa couche, agita la flamme en sa direction et observa le prince endormi.
— Ce gamin est à peine croyable. Même étant roi, il vient encore m’importuner, grommela-t-il. Enfin, maintenant qu’il dort, laissons-le.
— C’est à se demander qui vous avez épousé. La mère ou le fils ?
— Sans aucun doute, les deux… Demain, je ferais en sorte d’être occupé, et les jours suivants aussi. Afin qu’il me lâche. Je dois ruser. Elestac m’a donné carte blanche pour diriger la capitale. Ce sera l’occasion de régner et de faire disparaître Rouge de mes yeux... Sais-tu ce qu’elle m’a dit, avant que je ne la quitte ?
— Je ne vous ai pas épié pour cette fois. Dites-moi ?
— J’aurais assez de temps, désormais, pour prêter mains fortes à mes chasseurs. Cette folle n’en a toujours pas assez. Parfois, j’ai espoir qu’elle ne revienne pas.
— Eh bien, souhaitons qu’elle réapparaisse avant que l’année se termine. N’oubliez pas que si elle meurt trop vite, on vous soupçonnera le premier.
— Oui, je sais. Arrêtons d’en parler. Nous serons bien mal, si Rouge se réveille et nous entend. Bonne nuit, Frizure.
— Bonne nuit, mon roi.
L’entité vogua dans le fond de sa prison, tout en gardant un œil sur la chambre, puis, lorsqu'Azur quitta ses attributs royaux et se glissa sous les draps, elle s'éclipsa dans une salle invisible, composée de colonnes sombres. Elle contempla l'eau translucide d'un réceptacle fait de morceaux de verre et de vermines. Sa main plongée à l’intérieur, elle en appela à ses enfants et visualisa sept tours de glace.
— Mes chers amours, laissons la reine sanguinaire anéantir les descendants de mon ennemi, mon détestable Vent-de-pluie. Elle tue si bien. Bientôt, plus personne ne gravira Andersouffle. Restons patient. Qu’est-ce que quelques années d’attente comparaient à des siècles souffrances ?
*
Dans son lit, Azur reposa sa tête sur l’un de ses bras et contempla le visage du prince. Un rayon de clarté filtrait entre les rideaux tirés, et baignait, d’une lumière sombre, le faciès de Rouge.
En détaillant son visage, Azur remarqua que le garçon avait perdu son aspect juvénile de l’an passé. Il ressemblait de plus en plus à un adolescent. Ne serait-ce que ses doigts étaient plus longs que ceux du roi. Et il n’arrêterait pas de grandir.
— Tu es vraiment surprenant. Me voilà en train de te regarder comme si un jour, tu pourrais me faire de l’ombre.
Lentement, il avança sa main et remonta les draps sur le corps du garçon.
— Demain, j’espère que tu ne viendras plus… J’imagine que ce soir est une exception. Tu as cru que je resterai avec ta mère ? C’est mignon.
Azur se tourna, le regard plongé vers le plafond, pendant que Rouge s’enfonça encore sous les couvertures. Le prince, comme à son habitude, chercha la chaleur du favori et colla son front sur son flanc.
— Bonne nuit, Rouge.
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