II. Le vieux pacha
En 1877 , après que les ministres qui déposèrent Abdul-Aziz eurent porté sur le trône son neveu, le timide prince Abdul-Hamid ; le sandjak de Kars avait pour gouverneur Ali Vehib Pacha, en poste depuis seize ans. En cette année, il approchait les soixante-dix ans, du moins c’est ce qu’il estimait, la date exacte de sa naissance lui étant inconnue. Il savait juste qu’il était né quelque part en Abkhazie durant la guerre russo-turque de 1806-1812. Entré au service de la Sublime Porte en temps qu’esclave, il faisait partie des dernières générations à bénéficier de ce système méritocratique tant vanté par Machiavel qu’était l’Ancien Régime ottoman. Enrôlé dès sa fondation dans la nouvelle armée ottomane, réglée sur le modèle européen et sous la houlette de Kodja Husrev Pacha, il en gravit les échelons un à un, se battant sur tous les fronts, dans les Balkans, dans le Caucase, en Crimée, recevant tous les honneurs et ayant servi cinq sultans durant sa longue carrière.
En 1861, alors qu’il était aide-de-camp du général Omer Pacha Latas, Vehib Pacha fut convié aux côtés de son supérieur à la cérémonie d’intronisation d’Abdul-Aziz. Alors que tous les dignitaires prêtaient un à un serment de fidélité au nouveau sultan, Vehib Pacha, vieil homme espiègle, se tourna vers la sultane validé Pertevniyal et lui destina son serment. L’acte effronté bien qu’ayant arraché un sourire à la validé, choqua toute l’assistance, y compris Abdul-Aziz lui-même, mais personne n’osa dire mot en présence de la toute puissante mère impériale. Pertevniyal, le soir-même, demanda à Omer Pacha le nom de cet audacieux officier. Quelques temps après, Vehib Pacha fut tout surpris d’apprendre qu’il était nommé sandjakbey du sandjak de Kars.
Né lui-même dans le Caucase, il s’était familiarisé avec toutes les langues de son gouvernorat. Il parlait le turc avec l’accent guttural typique du piémont caucasien et d’Azerbaïdjan, marchandait en arménien, chantonnait en kurde et jurait en géorgien. Vieil officier formé sur le tas à l’ancienne et peu lettré, un fossé le séparait des jeunes officiers diplômés des écoles militaires et instruits à la française. Pourtant sa bonhommie et sa simplicité plaisait énormément au peuple. Le vendredi on pouvait le voir au premier rang de la mosquée égrenant son chapelet et le lendemain au fond d’un meyhané fumant le narguilé et sirotant un raki. Si, contrairement à ses jeunes subalternes, il ne parlait pas le français, il s’avait dire les choses les plus grandes dans les idiomes les plus vulgaires, s’il n’avait pas lu les derniers romans en vogue à la capitale, il avait toujours une sourate du coran à citer, et s’il était mal à l’aise dans les théâtres alafranga qui faisait fureur dans la haute société, il était dans la chaumière et à la montagne comme chez lui. Comprenant tant les complaintes des bergers que celles des paysans et des marchands, ils venaient le solliciter directement. Parlant toutes les langues, Vehib Pacha entrait dans tous les cœurs. Du reste, n’ayant aucuns secrets, il était honnête même dans sa malhonnêteté. Ses vices comme ses vertus étaient connus de tous. S’il ne refusait jamais un bakchiche, il ne ratait jamais une occasion de faire œuvre charitable.
En ce jour d'hiver particulièrement venteux, Vehib Pacha, s’était laissé perdre dans ses pensées. Tout en caressant sa barbe grisâtre, il admirait la ville recouverte d’un linceul de neige. Ses quartiers, situés dans la haute ville, correspondant à sa partie fortifiée, lui permettaient d’avoir un splendide panorama sur la campagne alentour. Derrière lui se dressait l’antique citadelle de Kars et devant lui les bourgade animés ainsi que les nouveaux faubourgs. Le vieux pacha affectionnait tout particulièrement ces quelques rares moments de calme durant lesquelles il prenait grand plaisir à se délecter bruyamment de son café depuis le rebord de sa fenêtre que faisait vibrer la bise.
Il était presque quatre heures. Alors que les muezzins lançaient l’appel à la prière de l’après-midi, la longue avenue toute en pente qui longeait le siège du moutassarifat semblait vide, seulement troublée par quelques rares passants. Vehib Pacha attendait le commandant de la zaptié, Riza Bey, qui devait lui remettre son rapport. Le gouverneur commençait à perdre patience. D’autant plus qu’il ne le portait absolument pas dans son cœur. En effet, tout séparait les deux hommes. Si Vehib Pacha, fidèle au portrait que nous en avons dressé plus tôt, était un vieux de la vieille, Riza Bey s’en trouvait aux antipodes.
Issu de la petite bourgeoisie provinciale, originaire de Monastir, Mehmed Riza Bey était un officier instruit selon ses propres dires. En effet, contrairement à Vehib Pacha, Riza Bey était diplômé d’une école militaire et se targuait de connaître quelques mots de français. Mais c’était à peu près tout. Du reste, il maudissait chaque jour passé dans cette province arriérée. Pourtant ce poste était une grâce accordée par le grand vizir Midhat Pacha en personne. En effet, ce dernier ayant connu Riza Bey jeune officier subalterne dans le vilayet du Danube alors qu’il y était lui-même gouverneur, l’avait fort apprécié. Ainsi, le sadrazam crut lui faire une faveur en lui dégotant une place de commandant en chef de la zaptié. Hélas, ce fut à Kars…
Vehib Pacha contrarié et fidèle à son caractère aigri, commençait à grommeler quelques injures à l’encontre de Riza bey dans sa barbe lorsque l’on frappa à la porte. Se ressaisissant, le sandjakbey se débarrassa de sa tasse de café qui, depuis plusieurs dizaines de minutes déjà, n’avait plus que pour seul contenu qu’un fond de marc desséché. Les mains désormais libres, il put les joindre dans son dos avant d’ordonner, de sa voix rauque, d’entrer.
La lourde porte aux charnières rouillées s’ouvrit dans un long grincement strident sur un jeune homme en stambouline coiffé d’un fez à la Abdul-Aziz duquel dépassaient quelques boucles de cheveux noirs. C’était le secrétaire de Vehib Pacha, un jeune fonctionnaire fraîchement diplômé.
« Mon pacha, un courrier russe vient d’arriver, annonça le fonctionnaire.
— Russe ? Que diable nous veulent ces giaours de Moscovie encore ? grogna le vieil officier.
— Je l’ignore mon pacha, il insiste pour vous remettre sa lettre en mains propres. Dois-je le faire entrer ?
— Où est-il ?
— En bas, dans l’antichambre, les gardes étaient en train de le fouiller. Aussi, il a attaché son cheval devant l’entrée. Dois-je le lui faire enlever ?
— Devant l’entrée ? Tiens… Je ne l’ai pas vu arriver… se dit Vehib Pacha comme pour lui-même en jetant un bref regard à la fenêtre qu’il fixait tantôt, Soit, soit ! Fais-le donc monter Alexandros. »
À ces mots, le secrétaire quitta la pièce non sans avoir respectueusement salué son supérieur. Une fois seul, le pacha soupira tout en passant sa grosse main rugueuse sur son visage fatigué aux contours sculptés par les rides. Ses petits yeux sombres et tombants croisèrent le tughra accroché sur le mur derrière son bureau. C’était encore celui du sultan Mourad V, qui pourtant, avait été remplacé par son frère Abdul-Hamid deuxième du nom depuis presque cinq mois déjà. Le gouverneur se dit qu’il serait peut-être temps de commander le nouveau monogramme impérial à l’effigie du souverain régnant. Puis, haussant les épaules comme s’il interagissait avec ses propres pensées, il se convainquit que cet argent alloué au budget du sandjak serait mieux dépensé pour sa consommation personnelle de tabac.
Ces dernières élucubrations l’ayant fort satisfaites, il porta sa main au tiroir de son bureau. Or, le meuble d’une autre époque aux boiseries toute patinées, refusait de donner accès à son contenu. Mi-ouvert, il était ainsi resté bloqué, faisant pleuvoir sur lui les jurons du vieillard. Dans un élan de colère, le pacha tira d’un coup sec sur le tiroir récalcitrant qui finit par céder dans un claquement sourd. Enfin, il pouvait savourer sa victoire durement acquise. Il avait finalement accès à l’objet de ses convoitises, sa chère pipe en écume de mer. Mais à peine put-il l’allumer que l’on toqua à la porte.
« Mon pacha, le courrier est là, annonça Alexandros.
— Fais-le entrer ! Nom de Dieu ! grogna Vehib Pacha en grommelant une suite de railleries indiscernables. »
Alexandros rentra, cette fois-ci accompagné d’un homme d’une vingtaine ou d’une jeune trentaine d’années, c’était le courrier russe. Coiffé d’un kalpak conique qui couvrait sa chevelure mi-longue à la persane, il était vêtu d’une tcherkeska sombre. De stature élancée, il s’avança à grandes enjambées vers le pacha en faisant claquer les semelles de ses hautes bottes encore dégoulinantes de neige sur le parquet grinçant.
« Səlamun əleykum paşam, lança le courrier la main sur le cœur en inclinant la tête.
— Əleykum əs-Səlam, répondit le gouverneur. »
Puis après avoir examiné le messager de long en large :
« Mais tu n’es pas un Russe ! Que fait un musulman au service des Russes ? Tu es du pays d’Adjam ?
— Non mon pacha, je suis du Karabagh. Et si je fais le courrier pour les Russes, c’est que… je dois avouer qu’ils payent bien ! Cela dit votre Excellence, je ne m’attendais pas à ce qu’un officiel ottoman maîtrisât si bien le parler de notre pays. Maintenant, permettez-vous que je vous remette la lettre ?
— Soit.
— Bien, elle vous vient du grand-duc Michel Nikolaïevtich, vice-roi du Caucase au nom de Sa Majesté Impériale le czar Alexandre II. », annonça le courrier en sortant de sa besace une lettre estampillé de l’aigle bicéphale russe.
Le pacha se saisit de la lettre avant d’en défaire le cachet de cire. Puis, après l’avoir brièvement balayée des yeux d’un air ennuyé, il la tendit à son secrétaire.
« Alexandros, veux-tu bien jeter un œil à ce que nous dit ce giaour ? »
Le vieux Vehib Pacha n’était que très peu lettré et de ce fait il ne pouvait lire le message rédigé en français. Alexandros, phanariote de bonne famille, avait étudié au prestigieux lycée impérial de Galatasaray et ce faisant, comprenait le français. Aussi, les lacunes de son supérieur n’étants pas un secret pour lui, il devina sa demande. Alexandros lu la lettre une première fois, puis une seconde fois en jetant tour à tour des regards au pacha et au messager. Il remonta ses lunettes qui couvraient ses yeux fuyants avant de se lancer.
« Mon pacha, les Russes nous demandent l’autorisation de pouvoir envoyer leurs troupes sur notre territoire et plus précisément dans notre sandjak dans le cadre d’une opération de répression d’une bande de rebelles caucasiens ou plutôt une sorte de secte qu’ils nomment les Assassins qui sévirait dans tout le Caucase…
— Les Assassins ? Comme les Nizârites d’autrefois ? La bonne blague ! J’ignorais que le Grand-duc avait de l’humour, coupa le pacha perplexe.
— Non mon pacha, les Russes disent vrai, assura le courrier, Depuis quelques années déjà il y a une sorte de secte qui agit de l’autre côté de la frontière dans les territoires russes et en Iran. On les appelle les Assassins parce qu’ils sont très violents et extrêmement fanatisés comme jadis les Nizârites de Hassan Sabbah. D’ailleurs leur chef est tout aussi mystérieux. Certains voient en lui le messie car on dit qu’il serait capable de nombreux miracles.
— Oh ! Lui ? Maintenant que tu le dis, je crois en avoir entendu parler de la bouche de quelques caravaniers… Encore un pseudo prophète ! Je ne lui donne pas plus de quelques mois avant de finir comme le Bāb et ses illuminés ! se moqua Vehib Pacha.
— Non mon pacha. Celui-ci est différent ! Ce n’est pas qu’un prédicateur illuminé. Il est aussi un chef de guerre habile dit-on. Il ne cesse de gagner en popularité, surtout depuis qu’il a défait les Russes dans le Moghan ! Personne n’avait tenu tête ainsi aux Russes depuis Hadji Qerandiqo Berzeg ! rectifia le courrier.
— Tu lui semble bien favorable pour un messager russe, dit le pacha suspicieux.
— C’est là que vous vous méprenez mon pacha. Je suis juste renseigné comme mes missions m’ont menées aux quatre coins du Caucase, d’Iekaterinodar à Tabriz et même jusqu’au Khorassan. Et je peux témoigner comme les Assassins deviennent de plus en plus populaires dans de nombreuses contrées. Des gens de tous les bords, de toutes les races et de toutes les confessions se joignent à lui. Mais si vous voulez mon avis, c’est un dangereux personnage que ce soi-disant messie. Dieu sait d’où il tire ses pouvoirs et depuis que lui et les siens sont apparus, les routes du Caucase sont devenues fort dangereuses, à tel point que rares sont ceux qui s’y risquent seuls désormais. D’où le fait que les Russes me paient fort bien pour ma besogne. »
Ces dernières paroles mirent un terme à la discussion. Le courrier balançait légèrement sa tête dont les yeux fixaient un point vide comme s’il acquiesçait à quelques questions imaginaires. Vehib Pacha quant à lui, caressait sa barbe grisâtre pensivement. Voyant que la parole s’était libérée, Alexandros se saisit de l’occasion pour reprendre l’énoncé de la lettre.
« Aussi, mon pacha, si vous me permettez de poursuivre ; selon les mots du vice-roi, les Assassins profiteraient de notre “inefficacité” et de notre “complaisance” pour semer le trouble dans les territoires russes. Ce faisant, il nous laisse jusqu’à la fin du mois julien de janvier pour leur donner une réponse. Si nous refusons ou si aucune réponse ne leur ait donnée d’ici là, il considèrerait cela comme un acte hostile et que si l’affaire venait à remonter à Pétersbourg, elle pourrait constituer un casus belli… »
D’un grand coup, Vehib Pacha écrasa son gros poing sur son bureau, faisant sursauter l’assemblée.
— Maudits soient ces giaours de Moscovie ! Engeances du Démon ! Cette lettre n’est qu’un ultimatum déguisé ! Je savais que toute cette affaire, tout ce baratin n’était qu’un prétexte pour nous déclarer la guerre ! Le Czar, ce fils de putain, n’a qu’un but en tête, nous prendre nos terres ! Cette histoire d’Assassins, de secte ou je ne sais quoi n’est qu’une vaste fumisterie comme lorsqu’en quarante-quatre [*1244 = 1828/1829 selon le calendrier musulman] ces chiens ont prétexté la protection des Roums pour nous envahir ! »
À la mention de la guerre d’indépendance grecque, Alexandros baissa la tête confusément en affichant un discret sourire embarrassé. Le courrier lui, observait le pacha d’un air très ennuyé.
« Certes, peut-être bien mon pacha, dit ce dernier en s’avançant, Je n’en sais rien et avec tout le respect que je vous dois, Votre Excellence, je ne veux rien en savoir. Je ne fais que vous remettre la lettre. D’ailleurs, si vous pourriez m’indiquer la réponse que je dois transmettre au grand-duc Michel… J’aurai bien aimé ne pas trop avoir à m’attarder ici. Il est quatre heures passées et j’aimerai trouver un endroit où passer la nuit avant le coucher de soleil voyez-vous ?
— Eh bien s’il en est ainsi, tu peux partir ! Alexandros, raccompagne donc notre ami vers la sortie, ordonna Vehib Pacha agacé par l’attitude du courrier.
— Mais ! Et ? Que dois-je donc répondre au Grand-Duc ? insista le messager.
— Rien pour l’instant ! fit le pacha en balayant l’air de la main droite, Ne nous a-t-il pas laissé jusqu’à la fin du mois de toutes manières ? »
Puis, se retournant vers son secrétaire.
« Alexandros, interpella-t-il en désignant la porte du menton.
— Bien mon pacha, répondit ce dernier en remontant ses lunettes sur son nez anguleux. »
Le jeune fonctionnaire s’exécuta et mena le courrier vers la sortie. Une fois seul, Vehib Pacha se mit à faire les cent pas dans son bureau. Une main retenait la poignée de son sabre qui se balançait de tous les côtés en suivant les mouvements fluides des basques de sa stambouline et l’autre grattait sa grosse barbe grise sans moustache. En plus de cinquante ans de carrière, jamais il n’avait été confronté à une telle situation. Un dilemme suprême se présentait à lui : devait-il accéder à la demande des Russes et laisser leurs troupes pénétrer en territoire ottoman au risque de se voir accolé l’étiquette de laquait des Russes tel l’ancien vizir Nedim Pacha ou devait-il refuser et ainsi assumer le lourd risque de déclencher une énième guerre russo-turque ?
À l’époque de feu le sultan Abdul-Aziz, Vehib Pacha aurait aussitôt fait remonter l’affaire au Palais. Mais en ces temps troublés, il ne faisait confiance à personne. Pour Vehib Pacha l’ancien, le nouveau sultan, Abdul-Hamid, était bien trop jeune et inexpérimenté pour pouvoir gérer une telle affaire et le grand vizir, ce sournois Midhat Pacha, représentait tout ce que le vieux loup abhorrait. Ce libéral occidentalisé et réformateur ne méritait pas une once de sa confiance, surtout depuis que des rumeurs disant qu’il aurait fomenté l’assassinat déguisé en suicide d’Abdul-Aziz circulaient.
Vehib Pacha, relique des temps anciens était seul... À l’instar de l’antique citadelle de Kars qui lui faisait miroir depuis sa croisée, il se dressait, encore debout, envers et contre tous, désuet mais entier, unique survivant au milieu des ruines de ses compères. Si l’Empire était éternel comme le clamait sa devise, Vehib Pacha le serait aussi. Il estimait qu’il ne pouvait plus faire confiance à personne. Le monde autour de lui avait changé et continuait à changer mais il continuerait à résister aux flots du changement, tel une digue tenant tête à des flots déchaînés.
Vehib Pacha n’était pas homme de convictions, loin de là, il se bornait simplement à mener les choses comme il les avait apprises à son époque. De la même façon qu’au fil du temps les simples habitudes se sacralisent et deviennent des rites, les idées s’enracinent et deviennent principes. Et ces principes sont à l’Homme ce que les racines sont aux plantes ; jeune, elles sont frêles et peu profondes, vieux elles sont solides et ancrées de telles sorte que tout déracinement s’avère fatal. Ainsi, si à l’aube de sa vie, l’Homme est fougueux et malléable, celui à son crépuscule est buté et opiniâtre.
Pendant que Vehib Pacha était tourmenté par ses doutes, Alexandros donnait congé au courrier. À la sortie, les gardes remirent ses armes au voyageur qui s’empressa de jeter son fusil, un Berdan de facture américaine, sur son épaule et de ceindre sa chachka avant d’enfourcher son étalon Karabakh à la somptueuse robe baie. Puis, prêt à partir, il se retourna une dernière fois vers le secrétaire qui se tenait sur le seuil du bâtiment.
« Hé le Roum ! Par hasard, tu ne connaîtrais pas une bonne auberge où passer la nuit dans les parages ? », lança-t-il.
Alexandros réfléchit un instant en soutenant son menton imberbe.
« Euh… Si… Il y a un Arménien qui tient un caravansérail à la sortie de la ville, après le Pont de pierre. Chez Achdjian je crois que ça s’appelle. Le pilaf y est très bon apparemment.
— Oh ! Je vois ! Merci l’ami et adieu ! dit le courrier avant de s’éloigner.
— Adieu ! Bonne route ! Que Dieu vous garde ! », cria Alexandros au cavalier qui était probablement trop loin pour l’entendre désormais.
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