Le Chuchoteur du Placard

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"CLAC !"

La porte en bois du placard se referma durement sur Tom, cinglant ses oreilles et privant ses yeux de lumière pour les trois prochaines heures. Sans attendre, le bruit hâtif d'une clé qui cherche une serrure résonna de l'autre côté.

"Crrrrrac" fit la clé en trouvant la faille.

"Clac clac clac" cingla-t-elle en tournant sur elle-même.

"Crrrric" grinça-t-elle en se retirant.

La porte était désormais bel et bien fermée à triple tour. Quelqu'un vérifia quand même en secouant le battant par la poignée, mais elle demeura parfaitement close.

Tom colla ses frêles épaules au mur de ciment granuleux derrière lui.

— Tu es vilain ! Tonna une voix étouffée, derrière le bois de sa prison. Très vilain !

Un soupir presque gémissant vint étreindre la femme qui pérorait.

— Sainte Marie, qu'ai-je fait au Ciel pour écoper d'un enfant pareil, se lamenta-t-elle avec des trémolos aigus dans la voix. Tu m'entends, Tom ? Tu vas rester là et réfléchir à ton comportement de vaurien !

Le petit garçon posa ses deux mains potelées sur ses yeux, et attendit qu'elle partît, sans répondre ; déjà, des prémices de tremblements agitaient ses petites jambes recroquevillées ...

Sa mère marmonna encore quelques insanités dans sa barbe, puis glissa les clés dans sa poche. Ses pas s'éloignèrent, au rythme de ses talons tonitruants. Soudain, une autre porte, beaucoup plus lourde et plus épaisse, se referma avec rudesse.

Un silence de plomb retomba alors dans l'entrée.

Sous l'escalier, au fond de son placard, le jeune Tom gardait toujours ses mains sur ses paupières closes, refusant de croiser cette noirceur qui n'était pas la sienne. Sa lèvre inférieure s'agitait convulsivement.

Il savait qu'il n'était pas seul dans cette obscurité dense et drue.

Si désormais le silence lui répondait lorsqu'il respirait, le garçonnet ne put empêcher la peur de libérer ses larmes. Ces dernières roulèrent comme des perles sur ses joues sales, leur chatouillement faisant frissonner l'enfant davantage.

Tout tremblotant comme un animal acculé, il étouffa ses gémissements dans ses paumes et entama un balancement rassurant. D'avant en arrière. Comme un cheval à bascule.

Tout à coup, une puanteur envahit l'habitacle. Pas sournoisement comme une flatulence, mais brusquement. Comme une bombe de pestilence explosant dans un endroit confiné.

L'odeur âcre et immonde monta inévitablement aux minuscules narines de Tom. Le gamin, terrifié, lâcha une exclamation sourde, puis abaissa légèrement ses mains pour complètement obstruer sa bouche et son petit nez en trompette. Ses yeux, à présent écarquillés comme ceux d'un veau nouveau-né, ne reflétaient qu'une mince lueur provenant de la serrure ; la puanteur environnante les attaqua immédiatement, avec ses millions d'aiguilles acérées et piquantes.

Les larmes coulèrent de plus belle, chaudes et innocentes.

C'est alors que surgit une douce voix profonde, venue de nulle part.

— Petit Homme ... dit-elle simplement, d'un timbre rutilant de tendresse.

Ou bien était-ce "Petit Tom" ?

Le garçonnet ne prêta pas attention à ce détail verbal, tant la terreur glacée qui l'envahissait le foudroyait sur place.

Pourtant, la voix était ronde et chaude, envoûtante.

— Je peux te sentir, Petit Homme, et ... mmmmmh ... le parfum des larmes.

La puanteur se condensa au niveau des joues de l'enfant.

— Elles sont sssssssi ... onctueuses, tes larmes, Petit Homme.

Tom crispa son visage avec affolement et enfouit sa tête dans ses genoux. Son balancement n'avait pas cessé, et l'humidité de ses yeux se déversait désormais avec zèle sur le sol.

— Aaaaaaah, chuchota la voix comme si elle avait ouvert une immense bouche. On a probablement fait une petite sottise, n'est-ce pas ? Oui ...

D'invisibles lèvres se posèrent contre l'oreille du garçon, qui tressaillit.

— Ta mère chérie est une croyante, murmurèrent les lèvres fraîches. Une vraie croyante comme j'en ai rarement vues ... C'est pour cela qu'elle m'est autant détestable.

Le murmure s'était transformé en un grondement caverneux à cette dernière phrase.

— Par contre toi ... susurra la voix qui redevint subitement douce et passionnée. Toi, Petit Tom. Tu es d'une transparence si touchante, un véritable petit miroir de vérité ... L'hôte parfait pour l'un de mes fils ... Le rejeton d'une sainte, ce serait MAGNIFIQUE !

À cette exclamation pleine d'orgueil, l'enfant tressaillit et un mot s'échappa furtivement de sa bouche baveuse :

— Non !

On eût dit la plainte d'un agneau, tout juste privé de sa mère. Son mouvement de recul le décolla des lèvres glaciales et le poussa un peu plus près des marches, qui descendaient au-dessus de lui. La voix gloussa un moment, résonnant entre les parois rapprochées.

— Non ? Tu sais que nous avons cette discussion chaque fois que ta putain de mère t'enferme dans ce cagibi, mignonne petite chose. Tu ne diras pas non éternellement ... Je connais tes faiblesses, petit ange.

Tom déglutit, en entendant ces mots cruels et durs ; il savait que la voix ne plaisantait pas.

— Oh, mais alors cela signifie que, peut-être, tu n'as pas assez peur ? Il fallait le dire tout de suite !

La voix semblait provenir d'une immense bouche pleine de dents, qui souriait de tout son soûle. Un ricanement envahit l'habitacle et la puanteur s'accentua.

Tom ne tint plus.

Il se jeta de toutes ses forces contre la porte du placard et se mit à hurler au secours.

L'écho des cris et des tambourinements du petit garçon résonnait dans l'entrée du manoir ; ses hurlements de terreur appelant à l'aide traversèrent les murs - ils rencontrèrent même l'ignorance d'une mère, sûre de son éducation.

— Maman ! s'égosillait l'enfant en pleurant, son désespoir coulant sur ses joues.

— Ta mère te déteste, petit ange, marmotta la voix rauque en glissant sur son épaule. À quoi bon crier ? Si tu m'offres ton joli cœur, je te promets que nous irons lui faire du mal ensemble. Tous les deux. Comme des amis. N'est-ce pas ce que tu veux, au plus profond de toi ? Tututut ... Je peux voir les cicatrices qui te parcourent, Petit Homme.

Une brise infâme souleva la chemise de l'enfant dans son dos.

— Oui ... Oh oui ... souffla la voix en prenant un ton désapprobateur. Ce n'est pas très beau, tous ces coups de fouet fantaisistes ... Moins catholique que ce que je pensais.

Tom n'écoutait rien, n'entendait rien. Sa gorge vomissait des hurlements qu'il ne maîtrisait plus.

La puanteur enfla avec agacement, elle n'aimait pas vraiment les cris des marmots. Ceux-ci braillaient et pleuraient à tout-va : tout cela était ennuyeux.

Mais elle était patiente : ce moment arriverait.

Bientôt, cette petite chose bruyante lui tomberait dans les bras, implorant son aide et ses pouvoirs. La voix le savait, elle connaissait le cœur des Hommes. Surtout ceux des désespérés.

Alors, elle enlaça le petit garçon avec la tendresse que l'on réserve à ses pires desseins, et lui murmura une dernière fois au creux de l'oreille :

— Je t'attends, mon ange.

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