Connemara
Je me réveille après Galway. Le bus avale les kilomètres de bitume sans discontinuer. J’ai un peu mal au dos mais moins que je ne le craignais.
Dans le ciel, les nuages vagabondent comme ces moutons écervelés qui parsèment la campagne et surgissent sans prévenir sur les bas-côtés des chemins.
De chaque côté de la route, les prés cernés de murets grimpent sur le flanc des montagnes. L’herbe rousse des champs est veinée de tranchées noires et profondes. La tourbe, l’or du Connemara. Des moutons marqués de rouge et de bleu sont éparpillés sur la lande. Un chien de berger somnole sur une charrette tirée par un tracteur antédiluvien. Entre les lacs ridés par le vent d’ouest, la route serpente comme un lacet de soie.
Bientôt Clifden. Sur ma droite, les Twelve Bens dressent leurs sommets farouches. Autrefois, ma sœur et moi avons parcouru ces sentiers, vingt pas derrière mon père. « On va sortir le fusil », disait-il en souriant. Nous n’étions pas dupes ; les bécasses ne risquaient pas grand-chose. Dixon, le lévrier préféré de papa, s’en donnait à cœur joie. Je me rappelle nos hurlements quand il levait un oiseau. « Papa, papa, là, devant toi ! » Mon père observait l’animal fuyant à tire d’aile et écartait les bras, fataliste et bonhomme : « Encore un qui a eu de la chance. »
Le bus entre dans Clifden. Mon dieu, que la ville a changé ! Les maisons roses, vertes et bleues s’égrènent l’une après l’autre. Il y a toujours autant de pubs. Le bus ralentit dans Westport road.
Le véhicule s’arrête dans un grincement le long d’un immeuble que je ne reconnais pas. Le chauffeur descend le premier et me tend son bras pour monter sur le trottoir.
Je suis de retour.
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