8
Milo trempe sa main cloquée dans l’eau froide, détournant les yeux des plaques tectoniques qui y dérivent à la manière des galaxies par-delà les hublots.
— On n’a pas l’équipement nécessaire ici. Tu risques d’avoir des rougeurs, désolée.
— Dommage que ce soit la main qui tient le balai, répond-il avec un demi sourire.
Spara secoue la tête.
— Va te falloir plus de cran. Tu peux pas laisser les autres te marcher dessus comme ça.
— Ils me marchent pas dessus.
Elle arque un sourcil si haut qu'il risque de s'envoler.
— J’ai vu des paillassons moins aplatis que toi.
La mâchoire de Milo se décroche, prête à racler le sol pour rejoindre son propriétaire. Il balbutie quelques phrases malhabiles. Pas facile quand sa mandibule se défile.
— … J’ai une trop mauvaise mémoire pour être rancunier…
— Et moi qui croyais avoir recruté un omniglotte expert en trajectoire et armement.
Milo ramasse son râtelier et lève des yeux de cocker découragé.
— C’est censé être moi, ça ?
— Pas encore, et pas si tu te ressaisis pas. T’es leur supérieur : ils sont pas obligés de t’apprécier, seulement de t’obéir.
Le regard du vice-capitaine regagne le magma épidermique. Un soupir s’échappe d’un orifice avoisinant, tandis qu’une main ni noyée ni trémulante détache l’insigne de sa chemise.
— Je… Je devrais sans doute vous rendre ça. Le mieux serait de commencer en bas de l’échelle, non ?
Spara souffle du nez, non sans rappeler un cheval capricieux.
— C’est pas absurde, je suppose. Mais Bardan lorgnait ton poste depuis un moment, il le rendra pas de si tôt.
Tel le prix des croissants, les épaules de l’ex-vice-capitaine se haussent ; à la différence de la qualité desdits croissants.
— Ça me laisse le temps de me « ressaisir ».
Une pause. Il s’endort presque, et se souvient d’un détail capital. Crucial. Vital, même !
— Est-ce que je peux boire un café, au moins ?
— Corduvac… T’aimes pas le café.
— Ah bon ?
— Pas dans l’espace. Ça te rend tout nauséeux. Et flatulent.
— Ah…
Il égare un regard hagard parmi les phares braillards des pulsars épars.
— Pas de café pour moi, alors ?
Spara secoue sa tête de girouette par temps tornadeux. Milo, lui, arbore une imitation de chaton triste des plus saisissantes.
— Tiens, puisque t’as refait de la place sur ton genre de veston…
— C’est un sweat.
— C’est surtout non-réglementaire, mais...
Elle accroche un pin’s Bouncy Banana Beach qui fait loucher notre héros.
— … on a d’autres chats, aujourd’hui.
— À fouetter ?
— Pourquoi tu veux fouetter des chats ? Ils sont déjà en voie de disparition, ils ont pas besoin de ça.
— C’est juste une expression.
— Ouais, ben expression ou pas, ils méritent pas ça. Encore de la propagande de la Coalition Contre les Chats.
Les neurones déconfis, dépourvu de répartie, Milo sent ses paupières bâiller et s’assoupir.
— Si personne n’a plus besoin de moi, je vais essayer de finir ma sieste. Aujourd’hui est un jour trèèèèès long.
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