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Une plage, pas si différente de celle qu'il vient de quitter, s'étend à perte de vue. Des algues violacées s'y dessèchent, foulées par des inconnus. Ils semblent attendre ; attendre quelque chose, sans savoir quoi.
De temps à autre, des prismes lumineux sourdent, d'où émergent de nouveaux étrangers. Certains se jettent dans la mer, poursuivis par des monstres éthérés, gigantesques, phosphorescents. Nul besoin pour les créatures de les pourchasser, pourtant, car les visiteurs, très vite, se désagrègent dans les flots corrosifs.
Sur le sable, un portail persistant promet la mort à ses visiteurs : des carcasses s'entassent par-delà son seuil cristallin, immatériel. Des oiseaux difformes, ou juste différents, picorent les corps de voyageurs vaincus par l'errance des années. Leur plumage carminé se mêle aux viscères des égarés aux senteurs d'algues iodées.
Milo étudie sa vaste prison, entre falaises et raz de marée. Les portails qui surgissent sans ordre ni raison. Les nouveaux arrivants, tantôt trébuchants, tantôt assurés, toujours étonnés.
L'une d'entre eux se fige à mi-pas, tourne les talons au milieu de l'embrasure et rejoint son univers d'origine.
Ah. On ne revient pas de là d'où on est partis, mais on peut avorter son premier pas vers l'inconnu.
Le portail de Milo s'est volatilisé, mais il lui reste une idée.
Plutôt que de vaguer avec les vagabonds, il patiente ; attend l'ouverture d'un passage à proximité. Alors, enfin, une lumière perce le vide, et Milo emprunte l'entrée d'un autre.
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