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De nuit – parce qu'il fait plutôt nuit sur la Lune – l'équipage clamidien alunit, ainsi qu'un passager clandestin dont Milo se serait volontiers passé.
— Gigolion... Comme on se retrouve.
Il reconnaîtrait ses coups de coccyx entre tous. Tels les siècles qui nous contemplent du haut des pyramides, il étend son regard sphinxial sur le paysage sélénite et... Parfait ! Une forêt !
Oui, une forêt. Pourquoi vous étonner ? Comptez-vous parmi ceux qui prennent encore l'astre nocturne pour un vaste bidonville ? Sachez, cher irréductible chauvin, que leur économie égale celle de Walabie et des Nations Unies des Wapities ! D'attaques de raptors, en outre, on n'en déplore plus depuis le mois dernier ! Alors, hein ! Ça vous cloue le clapet !
— Copernicity n'est pas très loin, mais il n'y aura pas de parking libre à cette heure. Il vaut mieux camper ici.
Daöndine endosse les toilettes portatives, Qidoärdine monte la tente, Saördine se charge du repas et Groänadine de la boisson.
Milo, lui, attire son affreux Némésis à renfort de « petit, petiiiit » jusque dans les bois et s'adonne à un cache-cache pittoresque afin d'égarer le gêneur, nullement conscient qu'il s'agit justement du sport local.
— Avez-vous terminé de promener votre serviteur, monsieur Milo ?
— Oui !
— Merveilleux ! J'espère toutefois qu'il sait se repérer, car vous semblez l'avoir égaré.
— Bon déba... Je veux dire : pas d'inquiétude, mon amie ! Gigolion saurait me retrouver jusqu'en Enfer.
Il frissonne. Non à cause de la brise, mais par crainte de n'avoir point menti.
Un fumet fameux titille les papilles de nos joyeux drilles, qui s'asseyent goûter la potée, bravant son aspect ma foi fort laid.
— Du möashqebbon ! Comme me faisait ma maman !
— Ouf ! J'ai hésité à faire du boöqehdegheu, mais mon estomac n'en raffole pas.
— Ni le mien.
— Ni le mien.
— Le boöqehdegheu, c'est bien pour impressionner des convives qu'on souhaite voir partir. Le möashqebbon, ça, c'est pour dorloter ceux qui acceptent nos petits défauts.
— De même. Ma maman disait toujours qu'il vaut mieux du möashqebbon que du boöqehdegheu.
Qidoärdine tournoie sa cuillère dans son bol en fer.
— Vous connaissez l'expérience du möashqebbon ?
— Non ?
— On propose du maöshqebbon et du boöqehdegheu à des participants pour les placer sur l'échelle de la pensée à long terme.
— Évidemment !
— On pourrait faire du saöpumesseppamöoveh, demain ?
— Jamais mangé.
— Ah bon ? Pourquoi ?
— Bah, les œufs qui sentent mauvais, il paraît que ça pue.
— Alors ça pue, oui. Mais ça pue tellement bon !
Daöndine se penche vers leur hôte oublié.
— Le menu vous convient, monsieur Milo ?
Il sursaute.
— Ah oui ! Oui, oui ! Excellent. Et quelle esthétique, euh... fauviste.
— Attention, chuchote Daöndine. N'allez pas vexer Saördine.
— Je...
— C'est laid à souhait, mon Saördine. Pas d'inquiétude.
Notre spationaute interloqué fait du bilboquet avec neurones bugués, le temps pour le ciboulot de redémarrer. Groänadine sort une bouteille d'un pli de son armure et l'avale cul sec.
— Aaaah ! C'est quand même chouette, ces petites vacances impromptues ! Ça me rappelle notre Lune de miel.
— Ah oui ! Vous avez visité la Mer de la Tranquillité ?
Les yeux frits de Saördine se rivent sur sa bien-aimée Groänadine.
— Oui, mais c'est pas si tranquille que ça avec tous les touristes.
— Et le Golfe de l'Amour ?
— Bien sûr. Passage obligé, voyons.
Un bruit dans les fourrés fait trembler leur carcasse. Les têtes se vissent de concert sur l'extraterrestre qui court vers eux, presque masqué derrière l'épaisse police IMPACT de son hurlement tonitruAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAANT.
— Mais quoi ? s'interroge Milo à propos, tandis que ses alliés s'éparpillent.
Il s'élance à son tour – après tout, il sait que quand la foule détale, mieux vaut suivre son mouvement plutôt que de chercher ce qui l'emballe –, mais jette un œil sur son poursuivant – il sait aussi que l'humain est à peu près capable d'à peu près accomplir deux tâches à peu près simultanées –, et un spasme lui échappe :
— Gigolion !!
Pas le temps de ralentir que la raison du délire de la mono-foule se précise : peut-être s'agit-il du T-Rex qui la course ?
À la suite de ses hôtes, Milo se glisse dans un tunnel étroit, collé de près par l'acro-bot, collé de près par le terreur-opode. Une œillade confirme que des débris encombrent la sortie ; de même qu'un tyranno l'entrée.
Groänadine et Saördine appliquent les conseils de l'école primaire : en cas d'attaque mortifère, déconcentrer l'adversaire avec vos fournitures scolaires. Ici, point de livre de vocabulaire, mais de maracas, une paire, que le couple agite avec un nerf d'experts.
Le Roi des dinosaures, pas plus ému qu'impressionné, file un coup de dents, mais n'attrape qu'un bras robotisé et du vent.
Daöndine pose alors ses toilettes portatives et décide de s'y enfermer. Là, le plus grave qui puisse lui arriver serait de manquer de papier.
À moins que...
… Les toilettes explosent, et répandent émoi et désarroi sur les parois et notre convoi pantois ; ainsi, espérons, que de la grenadi... Oh, pardon, Groänadine : je veux dire de la sauce tomate.
C'est là que Milo tape du pied : il se souvient que ces dinosaures ont l'air de figurines datées, et qu'il garde un pistolet.
La bête en joue, notre preux aventurier signale à ses coéquipiers de se diriger vers la fusée. Ils hésitent. Le T-Rex recule, apparemment sensibilisé aux risques des armes à neutrifeu. Milo pousse Gigolion sur son sillon, et profite de la diversion pour rejoindre la fusée vermillon. La bande – qui l'a enfin rattrapé – s'active aux commandes, et omet de prévenir notre voyageur interdimensionnel et son PEZ toujours pointé sur le carnassier de bien s'accrocher parce que ça va démarrer.
Milo garde l'emprise de l'engin, mais pas de son honneur. Giflé par des branches auxquelles il n'a pourtant rien fait, il se retient tant mal que bien à la rambarde comme à ses jurons.
Mais le pis se produit, et le bolide s'arrache à la gravité comme aux mains du héros, lequel choit sur un toit, au travers d'une vitre, en plein dans une...
*soupir*
… porte.
Et Gigolion, fidèle à sa programmation, l'y suit sans hésitation. Le T-Rex se contorsionne pour entrer – ou alors (mais ce serait insensé) sont-ce les gonds qui se disloquent pour le laisser passer ?
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