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Une pluie diaphane l’accueille dans une clairière brumeuse. Ainsi qu’un hérisson géant, aux épines orange et bleues, qui fait mine de le bénir.
— Architexte… Ça mène à rien, tout ça.
— Ah ! Tu as remarqué !
— Bien sûr que j’ai remarqué ! J’ai couru partout faire je sais pas quoi pour je sais pas quoi !
L’épineux rayonne ; peut-être de l’uranium.
— Je saaaiiis ! Merveilleux, non ?
— Mais… Pourquoi ?
— Aucuuune raison ! Pas. La. Moindre !
— Bordel de merde.
L’Architexte secoue un nez devenu trompe.
— Hé ! J’essaie de rester tooouuus publics, ici !
— Euh... Je pense que tu pouvais faire une croix dessus au moment où ma Terre a explosé.
Le tentatruculent secoue un pseudactyle flageolant.
— Naaan. Tant que des membres amputés ne flottent pas partout, les parents s'en fiiichent.
— Même des tripes du moi du passé dans le cockpit ?
— Ah meeerde ! J'avais oublié ça ! Oh nooon ! J'ai dit « merde » ! Oh non, j'ai encore dit « merde » ! Oh meeerde, plus rien ne m'arrête !
Devant le chimérisson en train de tournoyer, Milo se pince l'arête du nez et se permet un court soupir saturé.
— Archi, est-ce que tu peux... me laisser tranquille ? Un tout petit peu...?
La tornade hérissée d'ocre et de lapis-lazuli se calme derechef.
— D'accord. Mais seeuulement parce que j'ai besoin d'une paauuse.
— Ah bon ? Toi aussi ?
— Bien sûûûr ! Tu crois que c'est facile d'improviser des abracadaventuuures ?
— Quelles abracadavrentures ? Tu veux dire ma vie ?
— Pff !
La boule de piques se dandine suavement.
— « Ta viiie » ! Un siii grand mot pour une siii petite chose !
Il claque une patoune orange contre une papatte bleue.
— Breeef : Milo vécut heureux jusqu'à la fin des temps. Content ?
Milo fait des calots à faire baver d'envie les champions de jeux de billes de la récré.
— Sé... Sérieux ? Eh ben...! Tu... Tu vois que c'était pas si difficile !
Le mammifère changé en fouine plisse des yeux chafouins,
— Ne me cherche pas.
quand une tierce voix émane de la grêle averse.
— Tu ne lui fais pas une pluie chagrine, à lui aussi ?
Le mustélidé marbré hausse les épaules ; Milo fronce du nez :
— Oh non... La pluie, c’est... c'est bof, un peu.
Un sourire croit sur la créature chamarrée.
— Allooons dooonc ! Il vécut heureux mais pluvieux, alors !
— Plus vieux que qui ?
— Pluvieux ! Comme moi ! précise la bruine.
— Oh, mais non...
Un enfant d'un blanc luisant, le même qu'au chapitre 4, s'extirpe de son nuage humide et toise son frangin dissipé.
— Tu le laisses décider du scénario ?
La fouine s'arme de tentacules, qu'elle serre en poings :
— Puiiisque tu chouiiines, Milo-Pilo : Il vécut sous la pluie jusqu'à la fiiin des teeemps.
Sur le visage de notre héros, derrière la rivière de morve triste, un masque de peine à faire pleurer le Sahara.
Un œil orange et bleu s'apitoie, en croise un lactescent. L'enfant acquiesce, l'air indifférent.
— Alors il vécuuut... plutôt heureux !
L'Architexte paraît fier de lui, et Milo se réjouit. L'enfant blanc, lui, se tord la bouche : c'est contraire aux conventions narratives. Il ne dit mot, mais, soucieux de satisfaire, le Bigarré édite son dénouement :
— Il vécut plutôt heureux... saauuf les mardis et jeudis.
— Noooooooooooon !
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