Chapitre 5
Au crépuscule, Harmonia était de retour à Pompéi et comptait rejoindre ses hommes à l'amphithéâtre.
De sa villa, elle passa par la rue Consulaire, pris la rue de la Fortune, puis au carrefour la route de Nola pour arriver à l'entrée de la géante salle à gradins où elle s'aperçut que quelque chose clochait et tout particulièrement à l'intérieur : il y avait une rixe.
Ses soldats se battaient avec des Pompéiens et des gens de la ville voisine Nuceria, alors que les habitants de la cité se querellaient violemment avec des menaces sérieuses et des coups sanglants contre les Nucériens.
Les anges chahutaient uniquement parce que leur gladiateur préféré avait perdu et était mort, tandis que le conflit entre les deux villes était plus profonde et politique.
Les blessés s'accumulaient, tout autant que les morts, ce qui en dénombrait plus du côté de la cité voisine.
La jeune femme essayait de s'infiltrer parmi la foule, voyant les autorités impériales intervenir.
De loin dans une tribune privée, Harmonia aperçut le sénateur Livineius Regulus et les deux magistrats du moment Gnaeus Pompeius Grophus et Gnaeus Pompeius Grophus Gavianus fils, discutés avec vigueur de la situation ; mais peu loin d'eux, l'homme le plus aimé de Pompéi souriait, celui-ci adopté par la puissante famille Alleii se nommait Cneus Alleius Nigidius Maius.
Cet homme proche de l'Empereur Néron pourrait être à l'origine de cette guerre entre les deux plèbes.
La jeune femme se rapprocha de lui.
— Bonjour magistrat Alleius Maius.
— Harmonia, content de vous revoir.
— Vous savez que vous n'êtes pas censé sourire pendant que des cadavres traînent dans l'arène et entre les gradins ?
— Je le sais, chère femme, mais j'adore les spectacles, vous le savez bien.
— Seriez-vous le germe de ses combats de rue, cher ami ?
— Est-ce que vous auriez aimé que ce soit le cas ?
— Est-ce que vous me le diriez si c'était vraiment le cas ?
— Voyons, ma chère guerrière, avoueriez-vous vos crimes ? Et qu'est-ce qui vous dit que j'en suis responsable ?
— Mon instinct me dit que vous êtes l'épice qui donne du goût au plat du jour.
— Ha, j'adore la tournure de votre phrase, mais si j'étais vous, je récupérerais mes hommes avant qu'ils se fassent arrêter.
— À la prochaine fois, Maius.
— Au banquet Harmonia, n'oubliez pas.
La nephilim se dirigea vers ses guerriers et siffla afin de leur attirer leur attention, ainsi, ils stoppèrent net leur petite bagarre individuelle en terminant avec leurs adversaires.
Les gens fuyaient et hurlaient alors que les jeunes vampires habitant Pompéi avaient suivi l'odeur du sang et profitaient de la cohue pour saigner les vivants ou boire le liquide rouge des morts.
La jeune femme sortit son épée attachée dans son dos et ordonna à ses hommes de faire de même et de poursuivre les créatures et de leur couper la tête, peu importe qui ils servaient. À la fin de la mission, elle réunit son armée et leur dit :
— On rentre, tout le monde en vole, immédiatement !
Avant de suivre ses soldats, Harmonia se retourna vers le centre de l'amphithéâtre où se trouvait la famille Spuriana. Celle-ci venait chaque été à Pompéi. Cette famille de vampires est celle dont la jeune femme se méfiait le plus ; ils étaient ceux qui dirigeaient les petits jeunes. Arrivés à certains âges, les Nosferatus sont capables de manger n'importe quelle nourriture, du moment qu'ils boivent du sang pour survivre. Ils ne craignent pas la lumière du soleil, mais porte toujours quelque chose de noir sur la tête afin d'éviter d'êtres moins affaiblie ; ils sont également capables de se transformer en une chauve-souris d'une taille d'un mètre.
De retour dans les demeures, Harmonia examina ses hommes et leur ordonna de ne pas bouger des maisons, en attendant d'être revenue de la pharmacie.
Cette fois-ci, la chef prit la charrette pour se déplacer et stoppa à l'entrée des portes où se tenaient les gardiens, puis la laissa passer.
La maison du pharmacien qui était la plus proche se trouvait dans le quartier publique. Harmonia prit le nécessaire pour les soins et repartit aussitôt dans les villas se situant à la porte d'Herculanum et toute l'armée n'y bougea pas durant une semaine.
Non loin de cette pharmacie se trouvait le cadavre d'Azarias, un médecin qui devait vouloir aller dans le bâtiment. Il fut retrouvé à l'aube par le pharmacien Esculape Eliou. Il a apparemment reçu un coup sur le crâne avec une pierre ; mais il avait également une marque sur le corps.
Les autorités ne s'intéressaient pas à cette affaire criminelle, puisqu'il s'agissait d'un esclave grec. Il a été tout simplement envoyer à l'Ustrinum, Rue des Tombeaux afin de pratiquer à la crémation de la dépouille (mortelle) sous les prières des Libitinarii : les prêtres de la déesse de la mort et des funérailles.
Les nouvelles n'étaient pas bonnes : César avait donné l'ordre de déporter à plus de trois cents kilomètres de la cité toutes les familles concernant la rixe de l'amphithéâtre ; le sénateur Regulus et les magistrats Grophus père et fils furent exilés de Pompéi et ont été remplacés par N. Sandelius Balbus et P. Vedius Siricus ; mais aussi Néron envoya un délégué à la jurisprudence du nom de Sextus Pompeius Proclus.
Le pire pour tout le monde était la proclamation de l'interdiction de tout spectacle de gladiateurs pendant une dizaine d'années.
— Quoi ! Attend c'est juste une blague que tu veux faire n'est-ce pas ?
— Je crains que non messieurs, que cette querelle soit allée trop loin et l'Empereur a décidé de sévir ; il va donc falloir s'occuper autrement.
— Cette loi est minable, c'est une honte, les guerriers ont besoin de se défouler et d'avoir des sensations fortes.
Fatiguée des plaintes constantes de ses hommes, Harmonia rentra à son domicile au calme où ses serviteurs attendaient les ordres exceptés des instances de son frère qu'elle trouvait trop paisible en vue de la situation actuelle.
Le lendemain, dans le quartier aristocratique où vivent les Nephilims, un couple de personnes âgées fut retrouvé mort dans l'atrium de leur maison.
La demeure concernée était celle des Satria-Cassia, une villa immense de seize pièces. Des objets avaient été jetés à terre, sauf par miracle, une statue d'un faune dansant – un cambriolage qui aurait mal tourné – cela fit du bruit dans toute la ville. Ce qui interpella la tribu Nephilim fut le tatouage postmortem étrange identique.
Plus tard, elle retourna à la pharmacie pour interroger le pharmacien :
— Oui, il avait la même marque que les Satria.
— Le couple est déjà enterré ou pas ?
— Non, pas encore, ils sont chez le croque-mort, il va y avoir un repas funèbre au Triclinum ; c'est une famille riche comme vous le savez !
— Merci Eliou !
Elle quitta l'établissement avec son bras droit et se dirigea Rue des Tombeaux.
Arrivés dans l'enceinte immense de forme carrée, ils réclamèrent au gérant de la société « Pompéi Funus » de regarder la marque étrange sur les corps, de peur, il les laissa faire.
— C'est une Triquetra !
— Une quoi ? Demanda Cesarano Di Pompéi.
— L'oeuvre des Sethites ! Dis alors son adjoint.
— qui ?
— Aucune importance. Vous voyez les trois Vesicae piscis ?
— Oui !
— Eh bien, ils représentent Adam au sommet et ses épouses Lilith et Eve en bas : les aînés de l'Humanité et c'est souvent accompagné d'un cercle interne dont je suppose qu'il s'agit de l'Éden ; ce qu'on appelle également « le noeud de la Trinité », les trois créatures humaines d'origines. Expliqua la jeune femme. Donc si vous en voyez d'autres, vous me prévenez !
L'homme lui répondit oui d'un signe de tête.
Deux crimes du même acabit, il est grand temps pour les Nephilims d'aller rendre visite à Sextus Proclus, le chef de la jurisprudence et les sénateurs Sandelius Balbus et Vedius Siricus.
Harmonia fut accompagné de son frère cette fois-ci et les trois personnes autoritaires leur commentèrent au résumé des faits :
— Très bien, si vous pensez régler ses affaires de meurtres que vous classifiez « Phénomènes vampiriques », je vous laisse vous en occuper ; mais nous gardons un oeil sur vous et n'oubliez pas que la famille Satria réclame un coupable.
Pendant ce temps, à Jérusalem, Seth était en train de finir son premier travail de la longue liste qui l'attendait.
Judas Iscariote, devenu évangéliste éprouvait des remords de son crime aux yeux de certaines personnes et d'un simple péché pour d'autres ; il se balançait au bout d'une corde. Pas de sa propre volonté, bien sûr ; un traître en général ne se donne pas la mort lui-même.
Seth satisfait, s'esquiva le plus silencieusement et le plus rapidement possible de cette église primitive.
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