Parfois, pas souvent, j'arrive à boire mon thé quand il est encore chaud. Et encore plus rarement, j'arrive à le boire assise. Ce matin-là, un mercredi, le bébé dort, la maison est (presque) rangée. Je suis encore en pyjama, A. joue dans le jardin, tandis que mon chien dans son panier rêve qu'il mange un chat. C'est un moment de paix comme je n'en ai pas souvent ces derniers temps. Je me risque vers ma bibliothèque et je pose une main tremblante sur un livre... J'ai une maison à faire tourner, mais je n'ai pas ouvert un bouquin depuis deux mois.

Avec précaution je tire le livre et le serre contre moi, jetant un regard coupable vers la cuisine. J'attends quelques secondes dans cette position, persuadée que quelqu'un ou quelque chose viendra couper court à ma rébellion, mais non. Le grand est toujours dans le jardin, le bébé toujours dans son lit, le chien toujours dans son panier. La vaisselle est toujours dans l'évier aussi, mais je l'ignore superbement.

Un sourire triomphant illumine mon visage et je m'assieds dans mon fauteuil confortable, ma tasse dans une main, mon livre dans l'autre. J'ouvre mon précieux trésor ; n'importe quelle page, c'est L'écume des jours, je le connais par cœur.

Je lis.

Je lis !

Puis la porte du jardin claque. Mon chien prend peur et jappe. Une tornade me fonce dessus en hurlant :

— Maman ! Une tortue géante a écrasé le chef de la France ! Donne-moi ton téléphone, je vais filmer le sang !

Donc je récapitule : un chien qui aboie, un livre arrosé de thé, un pyjama trempé, un bébé qui pleure, un futur reporter de terrain et notre pays au bord de la guerre civile à cause d'un reptile.

Heureusement, j'ai tous les livres de Boris Vian en plusieurs exemplaires...