— Ho, c'est vrai ? Il doit être super fort en math alors ?

— Il est bon, mais pas au sens où tu l'entends non...

— Alors il doit tout connaître sur les trains ?

— Non, il n'aime pas particulièrement ça, c'est bruyant et...

— Ha ! Il est sensible c'est ça ?

— Oui c'est ça...

— Ha ! J'imagine bien, je supporte mal le bruit moi aussi !

— Ok... c'est un peu plus complexe que ça tu sais.

— Alors, c'est quoi sa passion ?

— Les dinosaures et les insectes.

— Ha ! Ça doit être si intéressant de vivre avec lui ! Tu as de la chance !

— Je ne l'aurais pas présenté comme ça, mais oui, il est intéressant, comme tous les enfants quand tu prends la peine de les connaître. Ce n'est pas à cause de son handicap.

— Ce n'est pas vraiment un handicap quand même, tu exagères !

— Ça y est, nous y voilà...

— Non parce que moi j'en connais de vrais autistes, c'est pas du tout pareil.

— C'est à dire ?

— Un autiste qui ne parle pas, qui fait des crises dès que tu lui prends son téléphone des mains (tu te rends compte, il a huit ans et déjà un téléphone... je te jure, les parents ne l'aident vraiment pas). Il ne sait pas lire, ne sait pas écrire, il doit aller dans un centre spécialisé et il sera toujours un poids pour la société. Ses parents sont obligés de lui mettre une laisse quand ils sortent...

— Ok, donc tu connais un autiste non verbal avec retard intellectuel. C'est large tu sais le spectre de l'autisme, il y a de nombreuses formes.

— Oui, mais quand même, tu ne peux pas comparer ton fils à cet enfant là...

— Ha bon ? Et pourquoi pas ? Tu crois que sa vie est facile ? Elle est différente, c'est sûr, et les parents de cet enfant font face à des défis que je n'aimerais jamais avoir à relever. Mais tu crois quoi exactement ? Que mon fils va bien ? Que ses passions l'aident à s'ouvrir aux autres ? Tu crois que tout est amusant parce qu'il connaît toutes les familles de dinosaures, leurs habitudes de vie et la période à laquelle ils ont vécu ? Que parce qu'il sait parler il comprend tout ? Que le langage implicite lui est ouvert ? Tu crois que parce qu'il se contient de son mieux devant toi il ne fait jamais de crises ? Que parce qu'il ne se balance pas d'avant en arrière il n'est pas vraiment autiste ? Tu crois qu'il n'est pas perdu dès que je décale ses routines et ses habitudes ? Tu crois qu'il a envie d'être une bête de foire que tout le monde regarde ? Tu crois que je ne me suis jamais posé la question d'acheter un lien de sécurité pour l'empêcher de se jeter sur la route et de traverser sans regarder ? Non, ça ne s’appelle pas une laisse ! Tu crois que j'ai mis ma vie en pause pour le plaisir ? Que gagner un salaire deux fois moins important est un choix confortable ? Tu crois qu'il est heureux ?

— Mais ça va, arrête de gueuler, j'ai rien dit... t'es vraiment à fleur de peau, c'est pas possible de discuter avec toi.