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Vous voulez savoir ce qu’il advint après ? C’est sans intérêt aucun. Pourquoi ? Parce que c’est toujours la même rengaine : l’injustice totale qui s’acharne contre ma personne.

J’étais une victime, je devins la bête à abattre dans le lanterneau de la jet-set. Oui, il ne fait pas bon être une victime de tous temps : vae victis !

Mais reprenons dans l’ordre madame le juge.

Ainsi, dans la salle de bain, après la fatale explosion, Béa me trouvant cul nu, pantalon sur les chevilles en compagnie de Lucille piqua une colère noire. C’était pourtant simple, j’étais, l’instant d’avant sur le trône ! Mais allez faire comprendre ça à une femme jalouse ! Bonne chance !

Laissant les deux femmes se crêper le chignon, je fis un tour sous la douche pour tenter de me débarrasser d’effluves nauséabondes. Je m’aspergeai abondamment du parfum de Béa, au nom prédestiné : l’interdit de GivenCHY (ses notes de tête fraîches et pétillantes, son cœur floral et ses fragrances de fond plus charnelles)… Ça sent bon, c’est l’essentiel.

En sortant, pomponné et fleurant la rose, je trouvai toujours les deux femmes s’invectivant et tentant de se baffer tout en restant à distance respectueuse. Il y avait des fortunes en chirurgie esthétique sur chaque visage ! Des chefs-d’œuvre en périls. Misère de la condition féminine.

Tout en passant entre-elles, nu comme un nourrisson sortant du bain, à leur stupéfaction devant ma totale décontraction, j’allai m’habiller d’un t-shirt Green Lantern, jean slim pour mettre en valeur mon fessier adorable, Converses blanches.

— Tu comptes te tirer comme ça ? gronda Béa, pointant un doigt menaçant.

— J’ai une petite faim. Je vais manger un truc.

— Viens ici, espèce de… commença Lucille.

— Pas un pas de plus ! menaça Béa.

— Je n’ai rien fait de mal ! Je suis une victime ! C’est ce fou de James !

— Tu vois, je me tue à te le dire ! clama Lucille.

— Je n’en crois rien ! C’est une queue ! C’est une queue ! Je ne sais pas comment il se débrouille pour être tout le temps à poil avec une pouffe !

— Heu, je sors de la douche ! Vous êtes dans ma salle de bain ! tentai-je d’expliquer.

Devant cette évidence, Béa fut bien forcée de dodeliner du chef. J’abattis mon atout :

— La preuve ! Ce fou m’a envoyé une lettre sous la porte pendant que je déféquai mes tripes, empoisonné au Chimax !

D’un mouvement victorieux, je brandis la lettre chiffonnée. Béa fut confondue.

— Mais c’est… C’est dingue ! C’est quand même ta faute aussi ! Tu pousses les gens à bout avec ton insolence permanente et ton irrespect total des convenances. Tu es un fouteur de merde !

— C’est ma faute ? Il m’a collé une bombe au cul et c’est ma faute ? Je rêve, j’hallucine…

— Ça n’explique pas la présence de Lucille dans la salle de bains !

— Elle m’a aidé !

— Mais à quoi, bon sang ?

— C’est personnel !

— C’est ignoble, compléta Lucille avec une moue dégoûtée. Totalement… Mon Dieu quel dégueulasse !

— J’exige de le savoir !

— Tu ne le croiras pas. Même moi, j’en suis choquée ! Jamais un homme… Ce n’est pas un humain, c’est une bête !

— Laurent !

— J’allais crever ! J’avais besoin d’aide pour pousser ! Tu veux un dessin. Mais regarde la cuvette, bordel !

La curiosité des femmes dépasse toute mesure. Béa ne put s’empêcher de jeter un œil. Elle fut submergée d’une nausée furieuse, dévastée, elle tituba et s’adossa à la paroi.

— Laurent, si quelqu’un apprend ce qu’il s’est passé ici, ma réputation est détruite ! prévint sévèrement Lucille.

— Pff !

— Ta promesse que tu resteras discret !

— Ouais, of course ! Tu me connais ! Je suis un gentleman !

— Tu es une anomalie !

Je fis un bisou de réconfort à la pauvre Lucille. Elle s’étonna :

— Mais tu cocottes un parfum de femme ! s’étonna la belle.

— C’est le parfum de Béa. Tu aimes ?

— Tu en as mis dix fois trop !

— Mais il a vidé le flacon, l’animal ! s’indigna Béa, constatant l’infraction. Laurent, c’est un parfum de femme !

— M’en fous ! J’avais besoin de changer d’odeur !

Je laissai en plan les deux beautés et me précipitai dans le hall. Un attroupement s’y trouvait. On constatait les dégâts faits aux véhicules et on se lamentait.

À ma vue, la baronne eut un sursaut d’indignation :

— Monsieur Laurent ! Qu’avez-vous encore fait ? Ce désastre… Mais où sont les chiens ?

— C’est James ! Ce malade a voulu m’empoisonner et me faire sauter ! Il me l’a écrit ! Voyez !

Chaussant ses lunettes, la baronne prit connaissance, eut un spasme et tomba raide morte. On s’affola, on cria, on s’agita et comme d’habitude, un idiot appela :

— Un docteur ! Faites venir un médecin !

— Il est là ! Il est déjà là ! fis-je, consterné à la vue du boulot qui m’attendait.

— Vous ? s’éleva vigoureusement de l’assistance.

— Moi !

— Vous n’êtes pas docteur ! dit la foule unanime.

— Je suis !

— Menteur !

— Sur la vie de ta mère !

Faisant fi des protestations, je m’occupai sans plus tarder de la vieille bique… Heu, de cette chère baronne. Avec désolation, j’entrepris une réa, ventilant (beurk) et massant. Bientôt la vioque eut un râle : on n’imagine pas la solidité d’une vieille femme, c’est increvable. Elle revenait à la vie, me repoussant vigoureusement. Prenant conscience, elle m’observa froidement puis se mit en devoir de me coller une volée de bois vert.

— Je viens de vous sauver la vie, bordel !

— Espèce de salopard !

— Je suis une victime !

— Vous êtes… Vous êtes… Je ne sais pas ce que vous êtes !

C’est ainsi que Béa et moi, nous fûmes chassés du château. Elle était catastrophée.

— Laurent, comment faire ? La voiture est en cendre !

— On prend le train.

— Comme les « pauvres » ? C’est une plaisanterie ! Même pas en rêve !

— OK. OK. On va louer une caisse. No prob !

— Et pas une voiture pourrie !

— Mais non. On prendra ce qu’il y a de mieux, c’est toi qui payes.

— Pourquoi moi ?

— Je suis une VICTIME !

Malheureusement, il fallut en passer par la case police et raconter cette histoire à une femme flic qui n’y comprenait rien.

— Vous êtes médecin ?

— Oui. Enfin… des fois… En réalité ma vocation c’est d’écrire, je suis écrivain !

— Vous n’êtes pas médecin ! Vous n’en avez pas l’air !

— Voilà ma carte pro, madame le commissaire !

— Je suis capitaine ! À qui avez-vous volé cette carte ?

— Mais bordel !

— Ne jurez pas ! Il pourrait y avoir outrage ! Je vous ai à l’œil ! Vous êtes suspect ! Très suspect !

— C’est ce fou de James… Il s’appelle Zinedine en réalité ! C’est lui !

— Il est introuvable !

— Bah, cherchez mieux ! Police Française de...

— Nous faisons notre travail ! Et restez poli !

Fort heureusement, Lucille put confirmer mes dires, sinon, je finissais au cachot.

— Vous dites qu’il vous a demandé de l’aide pour… C’est…

— Dégueulasse ! J’en suis toutes retournée, si vous saviez !

— Mais bordel, j’étais empoisonné au Chimax ! Le plus puissant laxatif du monde !

— Taisez-vous ! J’en ai déjà pris et ce n’est pas si terrible, dit la fliquette.

— Vous êtes constipée à mort, comme toutes les Françaises, c’est pour ça.

— Qu’est-ce que vous dites ?

— Moi rien…

— Alors, je vous préviens, encore une sortie comme ça et je vous coffre !

— Nardinamouk, dis-je entre mes dents.

— Qu’est-ce que vous marmonnez ?

— Rien !

À contre-cœur, on finit par me laisser partir. Un taxi nous emmena. Béa était désespérée. Chez le loueur de voitures je pus avoir une Pigeot 3008. Avec une moue Béa s’installa :

— Ramène-moi vite ! Mais vite ! Je sens que je vais avoir ma migraine. Cette voiture est ridicule !

— Tu ne m’aimes plus ?

— En effet ! Je te déteste ! Je suis bannie du comité, de mon cercle d’amis… Ma vie est foutue par ta faute. Tu m’as détruite !

— Mais…

— Plus un mot !

Alors, la mort dans l’âme, je roulais. Je roulais. Silencieux, je n'en pensai pas moins. J’en avais gros. Mais je sentais bon.

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