Mountain (Rheya 6.9) - Chapitre 04.3

5 minutes de lecture

Seize… Un bon chiffre qu’elle n’avait jamais imaginé atteindre, et un coup dur infligé à l’ennemi. Normal que celui-ci entende le lui faire payer.

En dehors de cela, elle se sentit soulagée qu’il n’ait pas été sur l’un de ces vaisseaux. Mais cela signifiait-il qu’il avait été envoyé soit dans l’une des Bauges, soit dans l’Arène ? Si les Bauges étaient de petits vaisseaux abritant des lieux de luxures, l’Arène était un gros vaisseau massif où les soldats s’entraînaient, en milieu virtuel, mais sur des cibles vivantes. C’était une version moderne des jeux du cirque, et une tradition que les terrannihilisateurs avaient volé aux Drægannes, ou plutôt conservée. Chaque session était retransmise en direct dans tous les vaisseaux de l’armada.

— Je te demande de me croire, Insigo.

— Pourquoi te croirais-je ? Tu ne te préoccupes que de toi-même. Tu m’as abandonné pour sauver ta peau, et tu m’as laissé avec ces… monstres… et si j’étais resté dans le vaisseau amiral, je serai mort…

Elle reçut son reproche comme un coup dans l’estomac.

— Je suis heureuse que cela n’ait pas été le cas.

Elle serra les poings pour ne pas céder aux remords qui menaçaient de l’assaillir.

— Je ne pouvais agir autrement… Ce que j’ai à faire, je dois le faire seule. C’est beaucoup trop risqué.

— Je suis capable de décider ce qui est dangereux, ou ne l’est pas, pour moi.

— Je vois. C’est pour cela qu’à la première occasion, tu t’es empressé de t’allier à aux Terrannihilisateurs que tu prétendais haïr. Tu as essayé de te rapprocher de moi pour m’espionner, mais cela n’a pas marché. Que t’ont-ils donné en échange ? Et toi, que leur as-tu permis de te prendre ?

Elle avait frappé fort. Les mots faisaient souvent plus de mal que les coups…

La colère, ou la honte, fit trembler ses doigts. Lentement, il leva ses mains et les regarda. Il lâcha le poignard, comme s’il prenait soudain conscience de son existence et du danger qu’il représentait.

Elle n’y accorda pas d’attention. Sa colère envers lui était remontée à la surface. Elle n’avait pas eu à la chercher bien loin.

— À cause de toi, elle est morte Je ne sais pas si j’arriverai à te le pardonner.

Le tremblement gagna tout le corps du gamin. Il ne parvenait pas à l’arrêter. Toutes ces émotions, il les avait contenues deux années entières. Une éternité de tortures physiques et psychologiques. Il n’avait jamais crié, ni pleuré devant eux. Et il ne le ferait pas plus devant elle.

Effondrement psychologique. Pas d’hésitation pour achever l’ennemi, songea-t-elle. Mais était-il vraiment un ennemi ? Elle commençait à en douter.

Il cherchait désespérément un moyen de reprendre pieds. Elle perçut les défaillances de l’entraînement des Terrannihilisateurs. Son esprit était plus fort qu’ils ne l’avaient supposé. Elle aussi, mais pouvait-elle croire qu’il serait de son côté ? Elle ne pouvait prendre ce risque.

Elle pensa à la porte… Il ne devait pas la suivre, et si elle le laissait en vie, même en lui ordonnant de ne pas l’accompagner, il refuserait de lui obéir. S’il n’était pas avec les Terrannihilisateurs, alors il serait prêt à tout pour s’éloigner d’eux, le plus loin possible, et aussi longtemps qu’il le pourrait. Elle ne pouvait pas lui en vouloir pour cela, ni le tuer.

Elle se rapprocha de lui jusqu’à pouvoir le toucher, presque le prendre dans ses bras.

— Laisse-moi partir… Il le faut… Et je dois le faire… seule.

— Je ne veux pas rester avec eux.

— Si tout se passe bien, tu n’auras jamais à vivre auprès d’eux.

Il sembla ne pas l’entendre.

— Je ne peux…

Évidemment.

Avant qu’il ait pu terminer sa phrase, elle lui flanqua son poing dans la figure. Rapide et net. Assez pour l’estourbir et l’attraper par la gorge et exercer une légère pression…

Elle sentit le gamin sombrer dans l’inconscience et s’écrouler. Elle le rattrapa dans sa chute, et le traîna au pied d’un arbre où elle le cacha autant qu’elle le put, avec l’espérance vaine que personne ne l’y trouverait, ou qu’il déciderait d’y rester en attendant le départ des Terranihilisateurs.

Elle repartit au pas de course. Elle ne se berçait pas d’illusions. Il ne resterait inconscient que quelques minutes.

En attendant, elle devait creuser la distance au maximum entre lui et elle, et arriver à la Bouche avant qu’il ne puisse l’y suivre.

Circé était formelle sur ce point. C’était ainsi que cela devait se passer. Sa vision était claire. C’était leur dernière chance. La seule qui lui permettrait de sauver tout ce qui vivait dans cette galaxie.

— Mountain ! l’appela Circé.

Elle tenait entre ses mains une combinaison spatiale légère qui ressemblait beaucoup à celle que portaient les extracteurs de minéraux. Il fallait qu’elle soit légère et solide, même si elle restait encore un peu encombrante.

Mountain n’aimait pas que ses mouvements soient entravés par ces espèces d’armures.

Elle jeta un coup d’œil au vieil homme qui s’agitait sur une espèce grosse télécommande programmable. À n’en pas douter, il tentait de retarder l’entrée des soldats dans la pièce.

— Enfile cette combinaison, vite ! lui ordonna la Magicienne. Je t’aiderai à mettre le casque. Nous ignorons ce qui se trouve derrière.

Évitant de demander « derrière quoi » ? Tout en revêtant la combinaison, elle jeta un œil sur le local hermétique, le bocal aurait-elle pu dire, qui se trouvait juste derrière une seconde rangée de consoles.

Il y avait une vitre qui permettait de voir à l’intérieur. Il était vide. Pourtant, l’espace d’un instant, elle avait cru voir un filament blanc.

Elle repassa l’image dans son cerveau. Son œil augmenté avait bien capté quelque chose, mais son cerveau ne l’analysait pas. Elle remarqua les symboles qui s’affichaient sur certains écrans. Elle ne les reconnut pas. Pourtant, elle en connaissait plus que n’importe quelle recrue. Voire plus que la plupart des individus à bord de ce vaisseau, en dehors des Primaires.

C’était comme cela qu’elle avait surnommé ceux que l’on ne voyait jamais et qui pourtant étaient à la tête de toute cette force destructrice. Circé les appelait autrement. Mais quand elle prononçait leur nom, il y avait tellement de haine et de dégoût que Mountain en venait à se questionner sur le fait qu’ils ne se montrent jamais. Cachaient-ils le visage d’êtres d’une horreur inexprimable ?

Ce que Circé, avec ses sens d’aveugle, aurait pu percevoir.

Un grésillement la fit sursauter et l’odeur de tôle brûlée commença à envahir la pièce. Elle reporta son attention sur les moniteurs qui filmaient les ruges et les hastati.

Ce qu’elle y vit la fit s’activer encore plus. N’ayant pu craquer le code de la porte, ils entreprenaient maintenant de découper la tôle. Cela ne leur prendrait pas longtemps pour en arriver à bout. Heureusement, elle était habituée à enfiler des combinaisons à peu près similaires, quoique moins solides. Contrairement aux extracteurs, qui étaient des intellectuels autant que des manuels et dont les formations complexes prenaient du temps, les soldats, eux, étaient physiquement augmentés et boostés. Leurs armures n’avaient aucun besoin d’être d'une solidité à toute épreuve. Même à moitié mort, un soldat était programmé pour aller jusqu’au bout de sa mission. Elle avait déjà croisé de nombreux morts-vivants de retour de mission : des soldats décédés, mais qui tenaient encore debout et tournaient en rond comme des robots mal programmés, jusqu’à ce qu’on les dépare de leur armure et qu’on jette leur dépouille dans l’espace.

Annotations

Vous aimez lire Ihriae ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0