22. L'Homme sans Mots

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Arthur vécut de longues années enveloppé dans un silence qu’il n’avait pas choisi, mais qui s’était peu à peu imposé comme une part essentielle de sa vie. Au début, les mots lui avaient manqué cruellement. Ils étaient des confidents perdus, emportant avec eux le pouvoir de nommer, d’expliquer, de partager. Mais avec le temps, ce vide s’était métamorphosé en un espace de calme, une respiration nouvelle où les pensées circulaient librement.

Ce qui avait d’abord été une privation devint une transformation profonde. Chaque matin, Arthur se réveillait avec le même sentiment : il n’était plus prisonnier de ses propres paroles. Les pensées, auparavant bruyantes et désordonnées, s’apaisaient. Les bruits de la nature, autrefois étouffés par le tumulte intérieur, résonnaient maintenant avec une intensité inattendue. Le vent dans les arbres, le craquement du bois, le rire lointain d’un enfant – tout cela devenait une musique simple et parfaite, une mélodie qui ne demandait aucune traduction.

Mathilde, toujours à ses côtés, l’observait changer dans cette nouvelle réalité. Leur amour avait changé, mais il n’en était que plus fort. Chaque sourire échangé, chaque frôlement de main était une conversation en soi, un échange profond, dépourvu de bruit mais chargé de sens.

Avec Mathilde, Arthur découvrit que parler n’était pas indispensable. Ils avaient appris à communiquer autrement, à lire dans les mouvements subtils, dans la lumière des yeux. Leur lien, libéré des limites du langage, s’était renforcé. Il était plus curieux mais infiniment plus vrai.

Arthur trouva la paix qu’il n’aurait jamais imaginée. Il pouvait simplement exister, se fondre dans l’instant présent. Ce silence s’était révélé être une fenêtre ouverte. Jour après jour, il se sentait plus léger.

Pourtant, cette sérénité n’était pas sans défis. Dans les moments de doute, Arthur se demandait s’il n’allait pas se couper du monde. Il se trouvait devant une perspective nouvelle. Ce n’était pas un retrait, mais une autre façon d’être, de ressentir et d’aimer.

Un soir, alors qu’ils étaient assis côte à côte, Mathilde brisa doucement le silence :

– Tu sais, je n’ai jamais eu besoin de tes mots pour savoir ce que tu ressens.

Arthur tourna la tête vers elle. Ses yeux brillaient, humides mais paisibles. Il lui prit la main, et ce simple geste suffit. Mathilde comprit alors tout ce qu’il aurait voulu lui dire.

Le silence d’Arthur n’était pas une absence ; il était plein de promesses. Il portait en lui une force douce mais irrépressible, une vérité qui dépassait le langage. Et dans ce silence, il trouva enfin ce qu’il cherchait depuis toujours : la liberté de vivre pleinement, sans peur, sans explication, dans l’abandon total à ce que la vie avait de plus beau.

Aux derniers instants de sa vie, alors que Mathilde se tenait près de lui, Arthur offrit son dernier sourire. Et dans ce sourire, il y avait tout : l’amour, la gratitude, et cette certitude silencieuse qu’il avait vécu non pas à travers les mots, mais dans la pureté des instants partagés sans un bruit.

Le silence ne l’avait pas réduit au néant. Il lui avait offert l’infini.

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