Heidegger, le Nazi ?

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Quand j’ai fait mes études de philosophie, il y a, hélas, fort longtemps, personne n’ignorait le passé nazi de Martin Heidegger.

Seulement beaucoup de philosophes relativisaient ce passé et ne voyaient dans l’engagement national–socialiste de ce philosophe qu’une triste et courte parenthèse.

Notre époque est différente, nous savons que son engagement fut bien plus long, bien plus profond et sincère que nous le pensions

Un courant important va jusqu’à voir dans l’ensemble de la philosophie de Heidegger, et surtout dans sa longue période de quête de l’Être, un simple avatar du nazisme.

Quand on s’intéresse au vocabulaire de Martin Heidegger (et aucun philosophe n’est plus attentif au vocabulaire que lui), on retrouve le vocabulaire nazi du sang et de la Terre, Blut und Boden, dans le corpus heideggerien.

On peut même, et certains franchissent le pas, ne voir dans sa philosophie qu’une défense et illustration du nazisme.

Ils en tirent une conclusion radicale, il faut bannir Heidegger de la philosophie et censurer ses œuvres.

Je n’ai aucune sympathie pour le nazisme et ses concepts, mais je refuse totalement cette censure pour trois raisons.

1) La censure intégrale n’a pas sa place en philosophie.

Même si nous n’acceptions de voir en lui un pur et simple nazi (ce qui est fort discutable), il n’en demeure pas moins que l’authentique philosophie ne censure pas.

Un philosophe argumente et répond, point par point, et oui, chez Heidegger, il ne faut rien prendre pour argent comptant.

2) On peut difficilement réduire l’œuvre de Martin Heidegger au nazisme.

Son ouvrage principal, Être et Temps, est antérieur à l’arrivée d’Hitler au pouvoir.

Il se situe dans le courant phénoménologique et se veut une réponse philosophique à la pensée d’Husserl (philosophe juif, jamais renié par Heidegger).

Je suis désolé, quand je lis les Chemins qui ne mènent nulle part, je ne vois pas de nazisme.

3) Enfin expulser Heidegger de la philosophie aurait des conséquences absurdes.

De nombreux philosophes Français, sincèrement antinazis, se réclament de lui : Sartre, Derrida ou Ricœur.

On étudierait ces philosophes, on les reprendrait, sans aucune référence à leur racine ?

Ou pire, on dirait : Sartre, Derrida ou Ricœur ne sont, eux aussi, que des nazis et on brûle leurs livres ?

Pitié, épargnez-moi ces dérives délirantes de la cancel culture !

Pour conclure, oui je citerai Heidegger, tout en étant lucide, il a été nazi et certains aspects de son œuvre le montrent, mais pas toute sa philosophie.

Revenons à la question de l’identité.

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