Une éthique dans un multivers cosmologique glacial ?

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En partant de Dieu, Spinoza nous conduit vers le bonheur.

Paradoxalement, ce chemin éthique est bien plus proche de nous que l’atomisme d’Épicure.

Pourquoi ?

Parce que, dès le départ, Spinoza plonge dans l’infini, et plus précisément l’infiniment infini, et aussi parce que Dieu n’est rien d’autre que la Nature.

Ce qui rend le penseur hollandais si proche c’est son refus du finalisme.

Cette nature n’est jamais faite, ni pensée pour l’homme.

Toute son œuvre est écrite pour détruire cette illusion : le monde n’a pas du tout été créé pour moi ! Spinoza refuse tout finalisme :

« Cette doctrine relative à la fin renverse totalement la nature. Car, ce qui, en vérité, est cause, elle le considère comme un effet, et vice versa. Ensuite, ce qui, par nature, est avant, elle le met après ».

Oui, il existe un ordre naturel, mais dans cet ordre l’homme n’est rien d’autre que ce que feu Hubert Reeves appelait une poussière d’étoiles, sans aucun privilège particulier.

La perspective de Spinoza est bien la nôtre, celle d’un multivers froid et profondément désespérant.

Cette vision du monde se rapproche de son contemporain Pascal, qui laissait percer sa profonde angoisse : « Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie ».

Le finalisme est profondément absurde, car il va nier l’évidence : rien dans le monde n’est favorable à l’homme :

« Parmi tant de commodités qu’offre la nature, il fallut bien qu’ils découvrissent bon nombre d’incommodités, telles que tempêtes, tremblements de terre, maladies, etc., et ils posèrent que cela avait lieu parce que les Dieux avaient été irrités par les offenses commises envers eux par les hommes, autrement dit par les péchés commis contre leur culte; et, quoique l’expérience se récriât chaque jour, et montrât par une infinité d’exemples que commodités et incommodités arrivent indistinctement aux pieux et aux impies, ils n’en renoncèrent pas pour autant à l’invétéré préjugé : il leur fut en effet plus facile de ranger cela parmi les autres choses inconnues dont ils ignoraient l’usage, et demeurer ainsi dans leur présent et inné état d’ignorance, que de détruire toute cette construction pour en rebâtir une neuve. »

Ce refus spinoziste du finalisme a une conséquence désagréable, que nous avons déjà envisagée : l’homme n’est pas du tout libre, il n’est qu’une infime partie de la Nature, tous nos actes, toutes nos pensées sont déterminés.

Le monde de Spinoza est bien le nôtre et s’accorde bien à notre multivers cosmologique.

Mais ce monde est froid, inhumain : comment pourrions-nous y trouver le bonheur ?

Comment créer une éthique dans un multivers cosmologique glacial ?

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