La mort d'un spahi
A l’abri de la chaleur tropicale, cloîtré dans ma chambre à air conditionné, j’entends le bruit des pales d’un ventilateur au plafond. Le bruit n’a rien d’éolien. Ce n’est pas un souffle lourd qui meut dans le silence les ailes d’un moulin, mais un bruit grinçant et métallique, soutenu par un vrombissement continu insupportable. Il m’emplit l’esprit et m’envoie par vagues successives des brassées d’air chargé de fragrances orientales. L’encens qui se disperse dans la pièce, masque avec peine l’odeur épaisse de mes plaies infectées. Mes yeux ne voient plus, mais à ses pas, je reconnais la démarche chaloupée de la jeune infirmière sénégalaise. Je me souviens de son allure distinguée et je l’imagine penchée sur moi, en déshabillé vaporeux. Je perçois son souffle chaud, doux foehn qui balaye ma joue.
J’entends hurler « Ils ne pensent qu’à buller ces troufions ! Allons, la Patrie a besoin de vous ! J’vais vous faire décoller du lit, moi ! » Ces cris poussés d’un ton martial et voulant nous insuffler un sursaut patriotique et un sentiment d’orgueil, me glacent d’effroi. Dès cet instant, mon esprit se libère et s'envole pour un monde meilleur.
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