Tic tac, tic tac

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 J’espère que ça t’amuse ? toi, si haute, si belle, si majestueuse, face à moi, petit bout d’homme rabougri par le temps que tu égraines, que tu laisses passer sans aucun regret, sans aucun remord. Te rends-tu au moins compte de ce que tu laisses dans ton sillage ? Tu laisse beaucoup de choses, à dire vrai : des bonnes, et des mauvaises. Tu laisses derrière tes ‘’tic’’ et tes ‘’tac’’, la chaleur des naissances, la joie des anniversaires, l’innocence de l’enfance, la folie de la jeunesse, les responsabilités de la vie, le détachement de l’âge, la solitude des vieilles années, la tristesse des deuils. Tant de choses pour toi, qui n’es pourtant qu’un vulgaire objet en bois au bruit si désagréable ! Ta mélodie ne me réjouit plus, elle ne me donne plus envie de danser. De toute façon, comment danser en déambulateur, hein ? Tu n’as pas ce problème-là, toi. Toi tu es toujours là, à observer les générations se succéder, les enfants devenirs adultes puis anciens. Tu as connue ma famille, mais moi, je ne connais pas la tienne. Tu as vu mes enfants grandire, et moi, la seule chose que je pourrais ramener à une éventuelle descendance seraient ces imbéciles de réveils, ces horreurs de téléphones portables. Tu te rends compte ? Tout comme moi, tu auras vu le bois se faire remplacer par l’électronique, dans un voile de douceur pour masquer l’inévitable.

Tu sais ce que c’est, l’inévitable ? C’est ma mort dans quelques années, et la tienne par la même occasion. Ne t’en fais pas que mes enfants ne voudront pas de toi dans leurs maisons ultra-moderne à la décoration minimaliste et à l’apparence impersonnelle. Tu iras mourir avec moi, vieille branche ! Quelle irronie du sort : quand j’étais petit, tu me cassais les oreilles durant mes siestes, et bientôt, tu n’existeras même plus. Pauvre de toi. Pauvre de nous.

Je suis persuadé que tu aimerais retenir ton temps, comme j’aimerais éterniser le mien.

— Papy, papy !

La main de ma petite-fille se referme autour de la mienne, tandis que mes yeux toujours rivés sur le cadran de l’horloge, je récite un monologue inutile dans ma tête. Quel horloge serait à même d’écouter mon long laïus ? Si le temps avait un visage, j’aurais tant de choses à lui dire. A commencer par ce gâteau d’anniversaire sur la table, où se dresse fièrement une bougie aux couleurs pastels : 100 ans, que le temps passe vite.

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