Chapitre 8 - 1 er novembre 2013

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J’entendais mes pas résonner sur le bitume alors que je me promenais sur la petite route de campagne à l’orée du bois derrière chez moi. Plus ça allait et plus le bruit de mes pas s’accentuait, comme pour inciter quiconque aurait envie de le savoir que j’étais là. Mais il n’y avait personne, le néant. J’ai pivoté tout mon corps d’avant en arrière pour en être sûre : j’étais seule au monde...

J’entendais bien un bruit, en fait, sourd, qui ronronnait au loin. Un bruit pas naturel, produit par la création d’un humain. Il s’approchait tout doucement et devenait de plus en plus fort, et de plus en plus net. Il devait s’agir d’un tracteur. Le son qu’il faisait ne laissait pas beaucoup de doutes sur l’âge et la forme qu’il avait… mais la citadine que j’étais n’en savait presque rien, à l’époque, sur le sujet! Le suspense n’a plus été long à soutenir. Il s’approchait de moi, allant quasiment à la même allure qu’un piéton. Il arrivait de derrière moi, et allait bientôt franchir le virage, me révélant enfin toute la vérité. Je me serrais sur le bas côté afin de montrer que j’avais bien vu et entendu le véhicule arriver. Il n’y avait pas de trottoir, même pas une petite bande cyclable. D’ailleurs, si un autre véhicule arrivait en face, les deux ne passeraient pas en même temps. Je ne savais pas trop comment faire pour me mettre plus en sécurité. Puis, j’ai attendu pour le regarder passer. J’étais en pleine adaptation de ma vie à la campagne.

Je m’arrêtais net en croisant son regard. Elle s’approchait de moi. Elle a fixé quelques secondes mon regard, puis en passant devant moi, a regardé à nouveau devant elle, froide et mystérieuse. Je frôlais quant à moi l’indécence en la dévisageant, ne parvenant pas à détacher mon regard d’elle.. J’avais chaud dans tout mon corps.

Je ne saurais dire combien de temps je suis restée plantée là à ne rien faire, ensuite. C’est le voisin - qui a klaxonné à mon encontre afin de me saluer - qui m’a fait sursauter et remarquer que je n’avais plus bougé depuis un moment. Je rentrais chez moi sans me rendre compte du chemin que j’empruntais pour y parvenir, du temps que cela m’a pris ni même de la pluie qui commençait à sévèrement me tomber dessus. Sébastien était là et me sermonnait presque d’être sortie par ce temps. Par inquiétude, bien-sûr. Je ne l’écoutais pas, car je l’entendais à peine. Mon esprit était resté vissé sur ce qui s’était passé un peu plus tôt.

- Allô? Norah ? Je tournais la tête vivement vers Sébastien en levant les sourcils et en clignant longuement des yeux.

Je me rendais compte que le bruit de fond que j’entendais depuis quelques minutes était en fait de vaines tentatives de sa part pour capter mon attention.

- Oui ?!

- Alors?

Je suis restée sans bouger, sans rien dire puis j’ai secoué la tête lentement en fronçant les sourcils. Je ne voyais pas où il voulait en venir, et j’avais un peu honte d’admettre que je ne l’avais pas du tout écouté.

- Quoi? Ai-je fini par demander.

- Des pâtes au saumon, pour le repas, ça te va? A-t-il répété, certainement pour la énième fois.

- Oui, voilà, parfait... lui ai-je répondu avec un petit sourire de soulagement.

En espérant qu’il ne me pose pas de questions.

- Ça va? Tu as mal au ventre? Les bébés vont bien?

- Oui, ça va! Tout va très bien! Ne t’inquiète pas!

C’était le pompon. Lui qui n’était pas spécialement prévenant d’habitude, s’inquiétait quand je n’avais au contraire pas envie qu’il le fasse. Je me suis sentie honteuse de penser à quelqu’un d’autre pendant qu’il était en train de me parler. Le soir-même, Sébastien était aux petits soins. Le fait que je sois enceinte et qu’on vienne de déménager a du lui donner l’envie d’être plus attentionné avec moi. Peut-être l’instinct paternel ?

- Comment est-ce que tu voudrais qu’on les appelle si ce sont des garçons ? M’a-t’il questionnée.

- J’avais pensé à Raphaël, et Gabriel... lançais-je, pleine d’espoir.

Ces deux prénoms me plaisaient plus que tout.

- J’adore Raphaël ! Par contre, Gabriel était mon ennemi juré au collège !

- Ah… ai-je répondu, à mi-chemin entre la déception et l’empathie. Peut-être que ce seront deux filles ? Ou une fille et un garçon !

- Peut-être, oui. Je n’avais jamais réalisé ça ! J’adore Anouk, comme prénom de filles. Et Opaline...

- Opaline ? C’est un vrai prénom, ça? Ai-je rétorqué en faisant la moue, plus dégoûtée que surprise, en réalité. Je préfère Mérida.

- Oui, c’est un vrai prénom !! a-t’il répondu en rigolant devant mon air incrédule. Mérida, j’aime pas trop...

- Anouk, c’est vraiment un beau prénom !

- Bon, j’avoue, c’est pas très romantique, mais j’ai regardé quel Saint était fêté sur le calendrier le jour où tu es probablement tombée enceinte… Voilà.

J’ai hurlé de rire.

- Anouk, je valide, ai-je dit en levant l’index vers lui. Peu importe comment l’idée de ce prénom nous est venue.

Et en priant pour qu’on ait une fille et un garçon, auquel cas nous n’aurions pas besoin de nous battre pour choisir les prénoms. Séb souriait.

- D’accord… En même temps, on a encore beaucoup de temps pour se décider, a poliment dit Sébastien. Bon, je vais aller me coucher, je suis claqué.

- Ah, d’accord, ai-je répondu, un peu déçue.

Pour une fois qu’on parlait, et d’un sujet qui me faisait plaisir... Mais je n’ai rien dit de plus pour ne pas casser l’ambiance. Sébastien détestait les conflits et moi encore plus. Je continuais de regarder les prénoms féminins et masculins, et j’en notais plusieurs sur une feuille de papier. Il y avait quand même beaucoup d’avantages à attendre des jumeaux : on pouvait se permettre le luxe de fantasmer sur le fait d’avoir éventuellement un garçon et une fille en même temps. Et d’avoir deux fois plus de choix dans les prénoms. Parfait. Des pensées parasites commençaient à s’inviter dans mon esprit. Dès que je voyais un prénom féminin qui me plaisait, j’essayais d’imaginer quel visage pouvait avoir une personne portant ce prénom. Et je me suis tout-à-coup demandé comment la femme que j’ai aperçu tout à l’heure pouvait bien s’appeler.

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