Chapitre 13 - 28 novembre 2027

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- Aaah, ma chérie ! Je suis contente de te voir. Tu as grandi !

- Salut, Mamie, a répondu Anouk en lui faisant la bise.

- Bonjour Sébastien !

- Bonjour Maman. Tu vas bien ?

- Oui ! Je suis très contente de vous avoir à déjeuner, aujourd’hui. Et toi, comment tu vas ?

- Ça va, merci !

- Aaah, ma petite-fille préférée ! A surgi mon père du salon.

- N’importe quoi, Papy ! Il a rigolé d’un air espiègle.

- Allez, venez vous asseoir dans le salon… nous a invités ma mère en nous encadrant de son bras et en tendant l’autre face à nous, vers le canapé.

Elle rangeait nos manteaux sur le porte-manteaux et a demandé, d’une voix forte :

- Qu’est-ce que vous voulez boire ?

- Moi, un jus, s’il te plaît ! Ai-je répondu.

- Pareil, a renchérit Anouk.

- Sinon y’a de la bière… a ajouté mon père. Et un excellent vin que je suis allé chercher directement au chai.

- Non, merci ! Un jus, je préfère. Il a tourné son regard interrogateur vers Anouk.

- Non, ça va, merci Papy ! A répondu Anouk en rigolant d’un air gêné.

- Ça va pas ! Elle a 14 ans !

- Je t’ai déjà dit que tu étais coincé, mon fils ? Du vin, c’est rien ! C’est le sang de la Terre !

- N’importe quoi ! Ai-je répondu en fronçant les sourcils et en secouant la tête.

- Anouk, tu as réfléchi à ce que tu voulais à Noël ? S’est tourné mon père vers elle.

- Non, c’est bon, on a vu ensemble ! Pas vrai, ma chérie ? A lancé ma mère, qui n’en ratait pas une miette de la cuisine.

- Oui, Mamie, mais il faudra que j’en parle avec Maman, d’abord… - De quoi ? Ai-je demandé.

- Papy et Mamie vont m’offrir un smartphone.

- OK… c’est quand qu’on me prévient, à moi ?

- Pour quelle raison ? On te prévient jamais de ce qu’on va lui offrir, s’est offusqué mon père.

- Mais là, il s’agit d’un téléphone, quand même. Elle en a jamais eu. Et puis pas n’importe lequel, j’imagine ?

Je commençais à avoir la moutarde qui me piquait le nez.

- J’ai vu que le dernier iPhone était sorti… le 21, c’est ça? a lancé ma mère, toute fière, en amenant les boissons.

- Pardon ? Ça coûte plus de 1000€, Maman ! Elle a 14 ans, je répète. C’est beaucoup trop cher, pour une adolescente.

- On la voit jamais, on peut bien lui faire plaisir, a sorti mon père. Toi t’en as bien un qui coûte ce prix-là, non ?

- Moi, je suis adulte...

- C’est que deux fois dans l’année où on lui offre des cadeaux, a ajouté ma mère.

Pour ce genre de choses, ils se sont toujours très bien entendus, je trouve.

- Des cadeaux ? Si vous lui offrez ça, elle aura rien d’autre ni à son anniversaire, ni au Noël prochain, j’espère !

- Non, mais il a raison, Mamie, l’iPhone 21 c’est beaucoup trop cher, a renchéri Anouk, qui paraissait un peu coincée dans cette dispute où tout le monde s’arrachait son amour.

Je fais le père bienveillant et attentionné, mais cette remarque, je me la suis faite bien plus tard, en me repassant la scène.

- Mais, non, pas tant que ça. C’est du beau matériel. Et tu vas y faire attention ? A-t’elle répondu sans même la regarder.

Je commençais à être vraiment énervé ! Mes parents devenaient complètement cons, ma parole !

- Stop ! Maman, viens dans la cuisine, faut que je te parle.

- Oh là là, ça va ! Pas la peine de monter dans les tours. C’est qu’un téléphone...

- Viens, dépêche toi ! Lui ai-je ordonné de la cuisine. Non c’est pas qu’un téléphone, ai-je repris une fois ma mère entrée et la porte fermée. Je ne suis pas d’accord pour qu’elle en ait un de cette valeur. Et Norah a du mal à accepter l’idée qu’elle ait un téléphone tout court. Alors tu penses bien qu’on va pas...

- Elle, on lui demande pas son avis.

- Moi, je te le donne ! Et je vais en tenir compte. C’est pour le bien d’Anouk !

- Le téléphone ou que tu dises « Amen » à tout ce que cette femme te demande ?

- N’importe quoi, c’est quoi ces histoires ? Je la trouve aussi un peu jeune pour avoir un téléphone. Mais je suis prêt à accepter, si elle en a un à un prix normal…

- C’est quoi un prix normal ? Tous les smartphones coûtent chers, maintenant !

- Non, mais Maman, entre 300 et 1000€, y’a un monde. Elle va le faire tomber, le rayer… Les autres élèves à l’école vont le vouloir et essayer de le lui voler… Tu te rends pas compte, toi ! D’ailleurs, quand est-ce que vous en avez parlé, avec Anouk ?

- La dernière fois, j’appelais pour avoir des nouvelles et je suis tombée sur elle.

- Elle m’en a pas parlé.

- Elle devait savoir que tu allais mal réagir.

- Je réagis pas mal, je trouve que c’est trop, c’est tout. Et la prochaine fois, tu lui promets pas un cadeau avant de m’en avoir parlé, s’il te plaît. Ça se fait pas.

Je retournais dans le salon.

- Anouk, tu prends tes affaires, s’il te plaît ! On s’en va.

- Quoi ? On vient d’arriver !

- C’est pas pour un téléphone qu’on va se disputer, quand même ? A demandé mon père. Vous venez jamais, et au bout d’une demi-heure à peine, vous partez déjà !

Ma mère pleurait presque.

- Maman, arrête, s’il te plaît. Et toi, c’est bon… ai-je répondu à mon père en plissant les yeux et en tendant ma main paume face à lui. Je supporte plus que vous vous comportiez comme ça.

- C’est bon, je lui donnerai une enveloppe, elle fera ce qu’elle veut avec. D’accord ? Ma chérie, ça te va ? A fini par céder ma mère.

- Oui, mais j’ai pas besoin de cadeau, de toute façon, Mamie. Je suis grande, maintenant. On reste, Papa ?

J’ai soupiré bruyamment en serrant l’arête de mon nez entre mon pouce et mon index. Finalement, on a reposé nos manteaux et on est restés manger avec eux. Mais j’avais une boule dans la gorge qui avait du mal à partir.    

                     ***

Dans la voiture, sur le chemin du retour, j’interrogeais Anouk.

- Pourquoi tu m’as pas dit que t’avais eu Mamie au téléphone ?

- J’ai oublié.

Elle regardait par la fenêtre. Non, elle regardait la fenêtre, plutôt. Elle était en train de mentir. Et je comprenais pas bien pourquoi.

- Elle a mal parlé de Maman ? Elle a eu des propos déplacés ? Ai-je demandé au bout d’une minute.

- Oui, un peu. Elle dit que je dois revenir vivre avec toi.

- OK. Elle t’achètes avec des cadeaux hors de prix, en plus. Tout va bien !

- C’est vrai que Maman t’a trompé ?

- Alors, ça, ça te regarde pas du tout, déjà !

- Tu réponds pas du tout à la question, non plus !

- Anouk, ce sont pas tes affaires ! Je suis ton père, pas ton copain. Ce qui s’est passé avec Maman, tu n’as pas à le savoir.

- OK, c’est bien ce qui me semblait. Maman a eu un réaction de panique, aussi. Moi qui croyait qu’on était une famille, tous les quatre. Que tout le monde s’entendait bien. Qu’il y avait pas de problèmes… En fait, j’apprends que c’est tout pourri.

- Je te permets pas. Ça suffit, maintenant. Pas de sorties pendant une semaine ! Et je te veux au lit à 22h, dernier carat !

- Ramène-moi chez Norah.

- Ouais, ouais, ça aussi, va falloir que ça s’arrête. C’est pas à la carte. Un week-end sur deux chez moi. Et les punitions, que ce soit chez Maman, ou chez moi, tu les termines peu importe où tu te trouves !

- Et ben super l’ambiance…

Je ne relevais pas. C’était qu’une gamine. Je voulais pas qu’elle soit mal élevée, mais, ces réflexions provocatrices, elle allait arrêter toute seule de les faire. Fallait laisser pisser. De toute façon j’étais trop énervé pour répondre correctement.

                     ***

- Ouais, je te ramène Anouk, qui veut rentrer.

- Ah bon ? Y’a un problème ?

- Rien, je t’en parlerai tout à l’heure.

- OK… bises, à tout.

Je fermais le clapet de mon téléphone en le claquant assez fort et le posais sur le tableau de bord assez bruyamment. Y’a pire que des ados, c’est d’avoir des parents comme les miens, moi, je vous dis.

                     ***

Norah était au bout du couloir, quand on est rentrés. Elle ne disait rien, elle attendait. - Je peux te parler ?

- Oui…

- T’es toute seule ?

- Oui…

On se dirigeait dans la cuisine quand on a entendu la porte d’entrée claquer à ce moment-là. J’ai passé la tête par l’entrebâillement.

- Coucou, tu peux venir, s’il te plaît? Ai-je chuchoté en faisant signe d’approcher pendant qu’Anouk montait bruyamment les escaliers avant de faire claquer la porte de sa chambre.

- Coucou. Oui, j’arrive.

On est allés se mettre tous les trois au calme dans la cuisine, des fois qu’elle écouterait aux portes. On s’est tous adossés contre un des rebords du plan de travail de la cuisine et de l’îlot central, en position de réunion.

- Ça s’est mal passé? A questionné Norah.

- Non, non, tout va bien ! Ai-je répondu avec un sourire de clown.

- Haha, très drôle... Je la refais : qu’est-ce qui s’est passé ?

- Je vous la fais courte : ma mère a parlé d’offrir un smartphone dernier cri à Anouk pour Noël !

- C’est tout ? A hurlé Norah en arquant ses sourcils et en gardant la bouche grande ouverte.

Elle a plaqué sa main contre sa bouche.

- Pardon…

- Moi, pardon. Je crois que je dois me calmer un peu, là.

Je soufflais un grand coup.

- La petite avait l’air au courant, en plus.

- Ah bon ?

- Oui...

- Quelle fouille-merde, a-t’elle marmonné en serrant les dents. Je haussais les sourcils, en signe d’approbation.

- Pardon, Séb. J’aurais pas du dire ça…

- T’as raison, pour le coup. Elle me gonfle depuis longtemps, mais là, faut dire qu’elle se surpasse. Et mon père, qui est là à côté…

- Et qui réagit pas…

- Et même, paraît-il que je serais coincé.

Je soupirais avant d’ajouter.

- Il a voulu servir du vin à Anouk…

- Hein ? Ils sont pas bien...

- On a failli partir pendant l’apéro. Finalement, après leurs supplications, on est restés. Mais j’ai fait ça pour Anouk, pour qu’elle ait un lien avec eux. Et dans la voiture, je l’ai questionnée, et elle m’a dit qu’elle avait eu ma mère au téléphone la dernière fois et qu’elle lui avait déjà promis un smartphone.

Norah fronçait les sourcils en regardant Shannah qui a émis une hypothèse :

- Elle veut qu’elle s’en aille d’ici, et qu’elle revienne vivre avec toi, non ?

- C’est ce que je me suis dit aussi, ai-je dit.

- Elle me déteste, c’est pas étonnant.

- Ah mais non, elle peut pas te détester, elle te connaît pas !

- Oui, mais, pour elle, je suis dangereuse. Elle veut pas qu’Anouk soit comme moi.

- C’est à peu près ça, vu comment elle parle de vous deux à chaque fois que je l’ai au téléphone.

- En tout cas, ça expliquerait son comportement de ces dernières semaines… en a conclu Norah.

- Le comportement d’Anouk ? Lui ai-je demandé.

- Oui. Tu sais, je t’en ai parlé, la dernière fois… a dit Norah.

- Elle a changé de comportement brutalement avec vous ?

- Avec moi, surtout, a avoué Shannah.

- Elle est sous influence, ai-je tenté d’expliquer.

- Oui, je vois ce que vous voulez dire, a admis Norah. Mais je pense qu’il y a quelque chose d’autre. Un truc qui la tourmente beaucoup.

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