Chapitre 18 - 15 novembre 2013

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Tout était dur en ce moment : se lever pour aller travailler, dormir, manger… même respirer, je devais réfléchir pour y parvenir correctement. J’avais l’impression d’étouffer. Ce qui était le plus dur à vivre, c’était le regard de Norah. Sa présence près de moi devenait compliquée à gérer. On aurait dit que tout lui glissait dessus et parfois j’avais envie de la secouer pour qu’elle ait la décence de paraître un peu triste, au moins.

La perte du bébé m’avait mis plus bas que terre. Je trouvais ça tellement injuste ! Comment on a pu passer d’une famille heureuse, qui attendait l’arrivée de deux bébés, à ça ? En quelques secondes, ma vie a basculé, et je n’étais pas sûr d’avoir envie de m’en remettre… En plus, je ne savais pas si c’était la grossesse, et donc que c’était normal et qu’il ne fallait pas que je m’en inquiète, mais Norah était vraiment bizarre en ce moment. Elle était dans la lune, absente. J’ai remarqué ça avant la fausse couche, donc ça ne peut pas être sa manière d’exprimer son traumatisme. J’espérais qu’elle se sentais bien ici, et qu’elle aimait notre nouvelle vie. À Paris, elle était vive, réactive. Mais peut-être qu’elle s’acclimatait simplement à ce nouveau train de vie ? La vie parisienne la stressait encore plus que moi, il me semblait, et ce n’était pas bon pour les bébés.

Parfois j’avais l’impression de ne pas tout comprendre. On aurait dit qu’elle me cachait quelque chose… Je l’ai vue sourire, la dernière fois. Elle ne souriait à personne, elle avait des pensées heureuses, simplement. Qu’elle soit contente comme ça, ça m’a mis hors de moi, ça m’a rendu… jaloux. Et ça m’a beaucoup énervé. Elle devrait être triste, non ? Je n’ai pas ressenti ce qu’elle ressentait, je ne pouvais donc pas comprendre vraiment ce qui s’était passé.

Il était certain que si ça avait été moi, je n’aurais jamais réagi comme ça. J’aurais culpabilisé, déjà. Et puis, j’aurais beaucoup pleuré, je n’aurais plus pu parler, je n’aurais plus eu envie de vivre… Ces événements et la manière dont Norah les gérait rendaient difficile notre vie ensemble. J’avais beaucoup de mal à entreprendre un avenir avec elle pour le moment. On ne se comprenait pas, et sur un sujet aussi important, cela mettait en péril notre relation. Je n’arrivais même plus à la regarder, à lui parler, à lui répondre lorsqu’elle s’adressait à moi. Tout ce qu’elle faisait m’énervait, et même de penser à elle ou à la réaction qu’elle a eue face à un événement donné m’écœurait.

Parfois, je sentais qu’elle me regardait du coin de l’œil, et qu’elle voulait me parler, sans savoir quels mots choisir. Ça avait le don de m’agacer prodigieusement. Je savais qu’elle faisait ce qu’elle pouvait mais je ne pouvais pas m’empêcher de lui en vouloir. Ça ne serait jamais arrivé si c’était moi qui avait porté les bébés. Maintenant, on va devoir vivre avec ça. Sans lui. Une chose était sûre, c’est que pour le moment, je devais serrer les dents. Au moins jusqu’à la naissance.

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