Chapitre 78 - 17 mars 2028
- Asseyez-vous, a ordonné le CPE.
- Bonjour Messieurs, Dames, a lancé le principal, qui entrait dans la salle audiovisuelle.
- Bonjour, ont répondu Albane, et ses parents, qui l’encadrait chacun d’un côté.
- Prenons tous place, a-t’il continué en attrapant une chaise face à eux, à côté du CPE.
- Bon, ont entamé le CPE et le principal, en même temps.
- Vous voulez commencer ? A demandé le principal au CPE.
- Oui, je veux bien… Je vais me présenter : Benjamin Riou. Je suis le conseiller principal d’éducation.
- Je suis quant à moi M. Briand, le principal de cet établissement. Je vous prie d’excuser Mme Martin, la principale adjointe. Elle a un… empêchement d’ordre familial, expliquait-il en ouvrant ses deux mains comme pour tenir un ballon de foot fictif, pour encadrer ses propos.
Les autres hochaient la tête. Le père d’Albane avait l’air très nerveux, énervé même. Il serrait la mâchoire. Sa mère, elle, était de marbre, mais on sentait bien que si elle pouvait tuer tout le monde du regard, elle le ferait. Albane, elle, avait l’air de ne pas avoir peur. Elle se rendait à peine compte de la raison pour laquelle elle était là. Elle prenait le principal et le CPE pour des idiots. L’un était un peu dans son monde. Était-il vraiment efficace ? Rien n’est moins sûr. Quant à l’autre, tout ce petit monde n’avait pas l’air d’avoir compris sur qui ils étaient tombés. Il ne laisserait certainement pas une chose pareille arriver sans sourciller.
- Pour reprendre brièvement les choses, nous sommes là aujourd’hui pour parler d’un fait grave qui s’est passé ici.
- Non, rien ne s’est passé ici ! A interrompu le père d’Albane.
- Je vous demande pardon ? A demandé le principal. Une jeune fille a tenté de mettre fin à ses jours suite à des posts violents sur les réseaux sociaux. C’est votre fille qui en était l’auteure.
- Elle a tenté de mettre fin à ses jours, oui, mais chez elle, a repris le père.
- Ne jouons pas sur les mots, Monsieur.
- Qu’est-ce que vous en savez que c’est elle qui a posté ça, en plus ? Albane, c’est toi qui l’a fait, oui ou non?
- Non, Papa, je te jure, a-t’elle répondu.
- Arrête ça tout-de-suite, Albane, nous savons que tu as utilisé un faux profil. J’ai observé et j’ai noté quelques erreurs que tu as fait et qui t’ont trahie, a poursuivi le CPE.
- Quoi ? Vous traitez ma fille de menteuse ? Est intervenue la mère.
- Je vous avertis que si vous vous trompez, vous allez le payer cher, a confirmé le père.
- Nous avons des preuves que c’était bien Albane qui était l’auteure des faits. Nous ne sommes pas là pour discuter de sa culpabilité ou non, mais pour vous convoquer à un conseil de discipline…
- Quoi ?
- Vous la prenez pour une criminelle ? Ont dit de manière ébahie ses parents.
- Laissez-moi terminer, je vous prie. Voici la convocation. Je vous prie d’en prendre connaissance sur-le-champ et de signer ici, pour confirmer que vous l’avez lue et que vous vous présenterez donc tous les trois la semaine prochaine ici-même le jour indiqué, à l’heure indiquée. M. Riou, Mme Martin et moi-même seront présents, ainsi que tous les membres du conseil d’administration. En attendant, Albane, tu es renvoyée temporairement de l’établissement, a récité le principal.
- Encore mieux ! A lancé le père d’Albane.
- Elle passe le brevet à la fin de l’année, je vous signale ! A pesté la mère d’Albane.
- Madame, je vous assure que vos problèmes, et ceux d’Albane en l’occurrence, sont bien plus graves que de rater quelques jours d’école l’année du brevet. Tes camarades te feront passer les cours que tu as manqués, et vu ton dossier et tes notes, cela ne devrait pas être trop ennuyeux.
- Moi, les « preuves » que c’est bien Albane l’auteure des posts, je voudrais bien les voir, a insisté le père, en position d’attaque.
- Ah, vous voulez voir ça ? A répondu le CPE. Et bien, peut-être que tu as de bonnes notes en classe, Albane, mais tu as négligé certains détails avant de t’engager sur une piste aussi périlleuse. Tout d’abord, ton profil est évidemment un faux profil vu que tu as très peu d’abonnés. Et que tu n’as rien partagé à part des posts violents parlant de Sandra. Des profils avec peu d’abonnés, ça existe, mais venant de toi, ce doit être hyper déstabilisant, non ?
- Je vois pas de quoi vous parlez, a répondu Albane.
- Deuxièmement, a repris le CPE, sur cette photo, on voit un scooter en fond. J’ai grossi la photo, et oh ! Comme par hasard, c’est ton scooter.
- Et donc ? Sandra et moi on est amies.
- Je trouve ça assez irrespectueux de ta part de parler d’elle comme ton amie, alors que nous sommes deux ici à savoir que tu l’as harcelée, humiliée, et poussée au suicide, a enchaîné le CPE, qui commençait à avoir sérieusement la moutarde qui lui montait au nez. En grossissant la photo, j’ai pu aussi très nettement voir où était garé ton scooter. Juste devant une maison. En reprenant ton adresse dans ton dossier et en regardant sur GoogleMap en street view, je vois exactement la même allée.
Il tendait à tout le monde la photo grossie avec le scooter, dans une main, et la photo en street view dans l’autre main.
- Troisièmement, a-t’il repris, électrisé, ta photo de profil a déjà été utilisée, et devinez où ? Sur ton compte Insta beauté. C’est une photo personnelle que tu as prise toi-même pour montrer une technique de maquillage que tu as utilisée sur Sandra ?
- …
- J’attendais pas spécialement de réponse, a-t’il marmonné. Connais-tu le droit à l’image ? Sais-tu que c’est un délit d’utiliser des photos, même et surtout si c’est toi qui les a prises, où d’autres personnes que toi apparaissent, sans leur accord ?
La mère d’Albane avait les larmes aux yeux.
- Quatrièmement, j’ai demandé la réinitialisation du mot de passe du compte, et, comme par hasard, il a été envoyé à ton adresse mail.
Il a montré une feuille avec une capture d’écran de la confirmation d’envoi du lien à l’adresse mail du compte.
- C’est pas mon adresse… a lancé Albane, décidée à ne pas se laisser intimider.
- Tu as à peine regardé, et tu es déjà sûre que ce n’est pas ton adresse ? a************ier@gmail.com, ça ressemble étrangement à albane.pelletier@gmail.com, vous trouvez pas ?
Les parents d’Albane ne disaient rien.
- Sandra vous a déjà dit qu’elle avait frappé Anouk Carrez ? A tenté de se dédouaner Albane.
- Albane, dans ton intérêt, et celui de Sandra, qui est la victime dans cette histoire, avoue. Cela nous permettra de pouvoir penser au mieux à ton avenir, dans cet établissement ou dans un autre. Et cela permettra à Sandra de se reconstruire, a conclus le CPE.
- Mais vous avez entendu ce que je viens de dire ? S’est agacée Albane.
- Ce que Sandra a fait à Anouk ou non ne te regarde en rien, Albane. Et tu as tout intérêt à ne pas te mêler de ça, tu aggraves ton cas, a repris le CPE. Car il me semble que tu étais présente lorsque les faits que tu cites se sont déroulés ? Or, tu ne nous en avais jamais parlé avant. Taire quelque chose d’aussi grave, quand on en est témoin, c’est être complice. Il y a fort à parier que tu as même participé. Alors, s’il te plaît, maintenant, tais-toi, sauf si tu as quelque chose de constructif à dire, comme des aveux.
- Albane, ce que tu as fait est grave. Nous te convoquons au conseil de discipline pour savoir si nous devons t’exclure de cet établissement, d’une part. Tu auras deux options qui s’offriront à toi : soit tu resteras dans ce collège et tu devras te plier aux décisions prises lors du conseil de discipline, soit tu seras exclue, et ton avenir sera différent. Cela sera inscrit sur ton dossier. Cela changera ta vie. Tu comprends ? A expliqué le principal.
Albane a dégluti avec difficulté. Elle n’a rien répondu. Elle semblait à moitié énervé, à moitié perdue. Elle avait peur. Le père d’Albane a expiré avec force. Sa mère ne disait plus rien ni ne bougeait depuis un moment.
Albane a été privée de sortie pendant plusieurs semaines après cet événement. Et contre toute attente, ses parents ont été plutôt d’accord sur la manière de faire à son égard. Cependant, son père a tenté de lui faire avouer qu’elle était bien à l’origine de ces posts avant le conseil de discipline mais elle n’en a pas démordu. Cela lui a valu une claque de sa part. Et sa mère lui a dit qu’elle allait foutre son avenir en l’air, et qu’elle n’aurait accès à aucune fac intéressante avec des faits pareils inscrits sur son dossier. Elle ne lui a quasiment pas adressé la parole pendant sa punition, à part pour la rabaisser. Elle avait presque honte de sa fille. Au fond d’elle, elle espérait que ce silence et toutes ces restrictions finiraient par lui faire prendre conscience qu’elle devait absolument dire la vérité afin que le conseil de discipline pense qu’elle regrettait son geste. Elle a tenté de lui expliquer que parfois il fallait courber l’échine pour obtenir ce qu’on veut. Ça n’a pas marché, alors sa mère l’a rabaissée, encore une fois.
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