Chapitre 23 : Terre Bleue

7 minutes de lecture

Le vent fouettait ses cheveux roux. Ces derniers commençaient à se faire long, il devrait bientôt les couper.

Contre son flanc battait son sac rempli des informations qu’il avait récoltées à Ors. Il était parti si vite, il voyait encore l’immense bibliothèque, les rangées de livres poussiéreux. Et les gens paniqués.

— Ne te retourne pas, nous avons besoin de toutes les informations nécessaires pour mettre fin à cette guerre, lui avait dit Merla lorsque l’alerte avait sonné.

Il avait alors sauté sur son cheval et traversé la ville en coup de vent. Qu’est-ce qui attaquait la ville ? Il l’ignorait, mais savait que Merla défendrait Ors au péril de sa vie. Il espérait qu’elle survivrait à cette guerre, car il comptait bien la revoir. Après tout, elle ne lui avait pas encore montré comment faire pousser des tournesols sans soleil.

L’elfe approchait de la frontière entre la Terre Noire et la Terre Bleue, ligne lumineuse sur l’horizon. Comme un phare, elle lui évitait de dévier de sa route.

Bientôt, entre les bruits de sabots, le garçon distingua le gargouillis d’un ruisseau. La Terre Bleue n’était plus très loin.

Il sentait que son cheval fatiguait, cela faisait bien trop longtemps qu’il le poussait à bout. Pourtant, le magicien ne voulait pas s’arrêter avant d’avoir traversé la frontière, avant d’avoir retrouvé le soleil.

Il le poussa encore avec son esprit en serrant les dents.

Lorsque les rayons du soleil lui caressèrent enfin le visage, il l’arrêta. La bête semblait à bout, elle respirait très fort tandis que ses yeux roulaient dans leurs orbites. Sa bouche était écumeuse. Sévrar l’amena doucement vers le ruisseau en lui caressant l’encolure. L’animal se calma doucement et l’elfe s’assoyait sur un gros rocher pour plonger ses pieds dans l’eau.

Avec la plus grande précaution, le roux sortit plusieurs parchemins de son sac.

— Je te les donne, tu les liras plus tard, lui avait dit Merla lorsqu’il était parti.

Il déroula le premier, perplexe. De nombreux symboles qui lui étaient inconnus défilaient devant ses yeux. Les sourcils froncés, il regarda les deux autres. Toujours ces runes écrites par une main pressée, mais sûre d’elle. Merla avait-elle oublié de lui donner la clé pour les déchiffrer ?

Il les rangea et s'allongea sur la roche froide. Les yeux perdus dans les nuages, il souriait, heureux de les retrouver après autant de temps dans le noir.

Dans combien de temps arriverait-il à Osimiri, la capitale de la Terre Bleue ? Il ne pouvait plus autant pousser sa monture, sinon elle ne survivrait pas longtemps. Il ne se voyait pas annoncer à Zalénia qu’il avait tué son cheval.

Sans s’en rendre compte, le magicien finit par s’endormir. Il rêva de Merla, des symboles mystérieux et de tournesols. Lorsqu’il se réveilla, il était apaisé et convaincu que la magicienne ne lui avait pas donné ces parchemins sans raison.

Son cheval avait bien récupéré et il décida de se remettre en route. L’elfe ne fit toutefois avancer qu’au pas pour le ménager. Une fois la nuit tombée, ils n’avaient pas couvert une grande distance, mais l’animal allait bien mieux. Le lendemain, ils pourraient reprendre un rythme normal.

§

L’air iodé de la mer lui caressa les narines bien avant qu’il n’aperçoive les premières vagues. Osimiri se trouvait être la ville la plus éloignée de Liodas. Située sur un bras de terre, la capitale de la Terre Bleue pouvait être encerclée par la mer lors des grandes marées.

Heureusement pour Sévrar, la prochaine n’était prévue que pour le début de l'hiver, soit dans un peu plus de trois mois. Il put donc atteindre la ville portuaire sans problème.

L’ambiance était bien différente qu’à Ors. Les grandes portes de la muraille étaient grandes ouvertes sans la moindre surveillance. La guerre était loin.

Tout semblait bien plus bruyant au magicien et cette odeur de poisson qui couvrait la bonne odeur de la mer. Les gens paraissaient aussi moins hospitaliers, ils le regardaient passer avec méfiance. Leur visage buriné par le sel rendait sa peau lisse et claire bien trop étrangère. Et ne parlons même pas de ses cheveux roux ainsi que ses oreilles en pointes.

Mal à l’aise, le jeune homme rabattit son capuchon sur sa tête.

Alors qu’il grimpait de plus en plus haut dans la ville, guidant sa monture le long des routes pavées de pierres glissantes par l’humidité, le vent se faisait de plus en plus fort, le forçant à marcher penché. Il finissait pourtant par atteindre une esplanade dont la vue donnait sur le port. L’elfe n’avait jamais vu d’aussi gros navires. Ses yeux passaient de bateau en bateau, lorsqu’ils rencontrèrent l’horizon.

Il resta longuement émerveillé devant cette ligne qui séparait le ciel et la mer. Ce furent les mouettes qui le ramenèrent à la réalité.

Sévrar s’arracha à l’immensité de l’océan et continua sa route, à la recherche d’une auberge.

Il déambula longuement entre les bâtisses de grosses pierres couvertes de mousse avant d’enfin tomber sur “le poisson volant”. Il guida son cheval dans la petite écurie avant de rentrer dans la salle commune. Enfumé par les différents clients qui fumaient la pipe, il devait zigzaguer presque à l’aveugle avant d’atteindre le comptoir.

Un homme, dont la barde devait très certainement renfermer des merveilles ou du moins les restes de son dernier repas, l'accueillit avec un ton bourru.

— Je voudrais une chambre pour une période indéterminée, s’il vous plaît.

Le vieillard le regarda d’un mauvais œil et le magicien s’empressa d’ajouter en sortant sa bourse :

— J’ai de quoi payer.

Son attitude à son égard changea immédiatement et il lui proposa même une soupe de poisson. Le roux acquiesça puis alla s'asseoir dans un coin de la salle.

La salle, comme la ville, était bruyante. Discrètement, Sévrar lança donc un sort pour atténuer le bruit des diverses conversations avant de sortir un parchemin de son sac. Il remarqua alors que la table en bois était imbibée d’alcool. Il grimaça et renonça à relire ses notes.

Lorsque sa soupe arriva, il questionna la serveuse :

— Avez-vous une bibliothèque dans cette ville ? Un endroit où je pourrais étudier ?

— Oui. Elle se trouve en haut de la ville juste en dessus du temple d’Adurnoss.

Le jeune homme la remercia d’une pièce avant d’avaler rapidement son repas. Il alla ensuite se coucher. La chambre que lui avait donné l’aubergiste était petite, mais en meilleur état que la salle commune. Il fut tout de même étonné de ne pas trouver un lit, mais un hamac au milieu de la pièce.

Il y grimpa plutôt facilement et s’endormit en quelques instants au rythme des balancements.

§

Sévrar grimpait difficilement les marches glissantes qui menaient au sommet de la ville. Les éléments étaient contre lui. Le vent le repoussait violemment, allié à la pluie, il lui fouettait le visage. La pierre sous ses pieds était d’autant plus glissante.

Il désespérait d’arriver jusqu’en haut lorsque ses pieds rencontrèrent un sol lisse. Il releva la tête, faisant retomber sa capuche. Devant lui se dressait le temple dont lui avait parlé la serveuse. L’elfe était monté trop haut.

Le monument fait en pierre grise aux reflets bleus, se dressait à près de quinze mètres de hauteur. Le fronton triangulaire, soutenu par des colonnes au diamètre impressionnant, était orné d’un bas-relief représentant le dieu des eaux. Intrigué, le magicien passa entre les colonnes avec respect pour pénétrer dans le lieu de culte.

L’intérieur était calme, seuls le flux et reflux des vagues contre la falaise semblaient arriver jusqu’au temple. Un bassin rond occupait le centre de la salle. Lisse comme un miroir, l’eau reflétait la statue qui sortait du plafond. Adurnoss, un homme dont le regard froid était encadré par de gros sourcils, dont les muscles saillants étaient soulignés par un filet de pêche. Des algues cachaient ses attributs masculins.

Concentré sur la profusion de détails de la statue, le roux sursauta quand une main se posa sur son épaule.

— Jeune homme…

C’était une vieille dame, elle semblait aveugle pourtant elle avait ses yeux plantés dans les siens. Ses doigts noueux tenaient encore son épaule avec force. Dans sa main droite tremblait une canne de bois sombre.

— Oui ? Madame ?

Elle l’ignora pour aller s’asseoir au bord du bassin. Il la suivit, son regard hypnotisé par son visage ridé. Une fois assis près d’elle, la vieille planta de nouveau son regard blanc dans ses yeux verts. La lumière se reflétant dans l’eau donnait l’impression que sa peau faisait des vagues, effet renforcé par ses rides. Elle prit alors la parole.

— Ils seront six. Humains, elfes et demi-dieux. Des auras précieuse, d'Obsidienne, d'Or, d'Argent, de Diamant, de Rubis et d'Émeraude, à détenir le pouvoir des dieux fondateurs. Ensemble, ils deviendront sauveurs ou destructeurs. Connais-tu la suite ?

— Une suite ?

— Cette prophétie à une suite que personne ne retient, car elle implique que les élus sombrent dans la destruction.

— Que dit-elle ? la pressa-t-il.

— Mais si la destruction l’emporte, les auras s'entre-déchireront. Le Diamant combattra l’Obsidienne. Et le monde sombrera dans le chaos.

Sévrar resta sans voix, ainsi la voie de la destruction était plus qu’une possibilité. S’il y avait une suite l’évoquant, cela impliquait que la balance pourrait facilement pencher de ce côté.

— Savez-vous ce qui pourrait faire pencher la balance ? la questionna-t-il.

La vieille pencha la tête dans plusieurs directions, tâtant autour d’elle comme à la recherche de quelque chose.

— Madame ?

Elle sursauta.

— Où suis-je ? demanda-t-elle paniquée.

— Vous êtes au temple d’Adurnoss, à Osimiri.

La dame attrapa sa canne, remercia Sévrar et se leva difficilement, prête à retourner chez elle où que cela puisse être. La personne qui lui avait parlé de la prophétie semblait avoir disparue.

Elle allait sortir lorsque le magicien accouru vers elle :

— Excusez-moi, pourriez-vous m’indiquer où se trouve la bibliothèque ? Je suis étranger ici et je me suis perdu.

La vieille se redressa et tourna sa tête vers lui.

— Tu ne trouveras rien d'intéressant dans cet endroit. Continue ta route, Sévrar.

Elle se plia de nouveau en deux et reprit sa route comme si de rien n'était, laissant le jeune homme perplexe entre les colonnes de pierre.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire O_rion ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0