Devant la jeune femme s'étendait un paysage luxuriant et accueillant. Soliss la guida le long d'un cours d'eau miroitant, s'élevant vers le ciel. Ce n'était pas le seul élément qui défiait les lois de la gravité, des îles flottaient au-dessus de leur tête, emplie de végétation aux couleurs chatoyantes. De nombreux animaux se prélassaient un peu partout, nullement apeurés par la présence de la déesse et de la dragonnière. Cette dernière observant tout ce qu'elle pouvait, impressionnée.

Elles finirent par arriver devant un immense escalier blanc menant à une rotonde tout aussi immaculée où se trouvaient quatorze sièges dont quatre plus haut que les autres, sûrement destiné à Pandara, Sathenass, Erzass et Soliss, les enfants des dieux fondateurs.

— Demain, nous nous réunirons ici. J'ai demandé à Pandara de convoquer tous les dieux, dont Sathenass, pour qu'il réponde de ses actes.

Reen acquiesça avec appréhension. Après tout, voulait-elle redevenir la personne qu'elle était alors même qu'elle ne s'en souvenait pas. Ils ne lui avaient pas demandé son avis. Pourquoi devrait-elle laisser la place à cette Sheireen ? Reen n'avait-elle pas le droit d'exister elle aussi ?

— Je comprends que tu doutes Reen. Mais ne t'inquiète pas, Reen ne mourra pas en laissant place à Sheireen. Vous ne ferez alors plus qu'une, ayant les souvenirs des deux. Tu te sentiras juste complète.

— Vous lisez dans mes pensées ?

— Non. Dans ce monde, les émotions sont décuplées, les rendant plus accessibles. C'est comme si ton doute flottait dans l'air autour de toi. J'ai juste deviné la raison de ce doute. Maintenant suis moi, ton voyage vers ce monde t'a coûté beaucoup d'énergie, allons nous restaurer.

Soliss guida la jeune elfe vers un verger plein d'arbres aux fruits colorés inconnus.

— Vas-y, choisis en un.

Reen tendit la main vers une grosse poire blanche. Elle changea alors de couleur a son contact devenant bleue. Là jeune femme regarda la déesse avec étonnement.

— Vas-y, goûte. l'encouragea-t-elle avec un sourire.

Lorsqu'elle croqua dedans, un goût de tarte à la myrtille se déversa dans sa bouche. Elle finit le fruit en quelques bouchées puis en prit un autre qui pris une couleur marron et un goût de gâteau au chocolat.

La nuit arriva bien vite. Soliss l'avait installée dans une petite maison en verre situé sur une des îles volantes. Le panorama était incroyable. Reen observa le coucher de soleil, l’esprit pourtant entièrement tourné vers la réunion des dieux le lendemain.

Les couleurs du coucher de soleil laissèrent rapidement place aux étoiles les plus brillantes qu'avait pu voir la jeune elfe de toute sa vie. Après tout, les dieux n'étaient-ils pas censés vivres dans les cieux ?

Elle s'allongea dans son lit en observant le ciel étoilé à travers le toit transparent. Elle se sentait bien seule. Oli et sa famille lui manquait beaucoup, même si tous ses souvenirs avec eux avaient sûrement été créés de toute pièce. Léarco aussi lui manquait, c'était son seul point d'attache depuis l'attaque des déserteurs sur le village. Elle se demandait aussi comment allaient Ulric et Joan.

Elle finit par s'endormir en tentant de se souvenir de qui elle était vraiment.

§

Reen fut réveillé par la lumière de l’aube qui passait par les murs transparents. Elle n’essaya même pas de rabattre sa couverture sur sa tête. Elle était trop impatiente pour dormir. La jeune femme repoussa vivement les draps et sortit de la maison pour respirer un peu.

Elle cueillit un fruit sur l'un des arbres de l'île et croqua dedans, savourant son goût sucré de café en observant le lever de soleil.

Bientôt, Soliss vient la chercher.

Elle la guida de nouveau jusqu’à la rotonde. Cette fois-ci, presque tous les sièges étaient occupés. Seuls deux des quatre plus hauts étaient vides, celui de Soliss et celui de Sathenass. Ce dernier n’était d’ailleurs pas encore présent du tout.

La déesse féline laissa Reen au centre du cercle créé par la présence des dieux pour rejoindre son propre siège. Tous les regards tournés vers elle, la jeune Wesi n’en menait pas large.

Elle commençait à se demander ce qu’ils attendaient, lorsque l’atmosphère devint plus lourde. Le ciel limpide quelques secondes plus tôt, se couvrait de nuages d’orage. Une ombre montait les marches menant à la rotonde.

C’était un homme brun aux yeux aussi bordeaux que les cheveux de Léarco. Une sorte de brume noire semblait sortir de sa peau. Il passa à côté d’elle sans même la regarder, pourtant l’aura de Reen réagit à sa proximité. Une brume identique s’enroula autour d’elle.

Cela confirma que la Wesi était belle et bien Sheireen.

Le dieu s’installa nonchalamment sur le seul siège vide.

— Sathenass, le salua Pandara.

Il ne répondait pas, le regard braqué vers la mortelle.

— Vous vous demandez sûrement pourquoi je vous ai rassemblé aujourd’hui, continua la cheffe des dieux. Et pourquoi une mortelle se trouve parmi nous.

Plusieurs dieux de l’assemblée acquiescèrent.

— L’un d’entre vous a interféré dans une prophétie.

Cette fois-ci, les immortels se mirent à lancer des regards vers leurs congénères, indignés. Qui avait pu oser ? Puis, chacun à leur tour, ils se tournèrent vers Sathenass. Dans la tête de chacun, cela ne faisait aucun doute qu’il était la cause de ce rassemblement.

— Ce dieu a lancé plusieurs sorts sur cette mortelle, voyez par vous-même.

La déesse leva une main et les symboles noirs apparurent sur sa peau. Tous reconnurent l’énergie qu’ils dégageaient.

— Sathenass, mon cher frère. Je t’ordonne de t’expliquer.

— Je n’y suis pour rien.

— Ne nous prends pas pour des idiots. Ton aura est tristement célèbre.

— Je ne sais pas ce qu’elle vous a raconté, mais je n’ai jamais vu cette fille, affirma le dieu.

— Elle n’a rien pu nous raconter car tu lui as effacé la mémoire, intervint Soliss.

— Ne te mêles pas de ce qu’il ne te regarde pas, minette, railla Sathenass.

— Sathenass, je t’ordonne de défaire ce que tu as fait.

Reen avait remarqué qu’une des quatre dieux siégeant sur les hauts sièges n’avait pas parlé. Cela n’avait pas échappé à Sathenass non plus.

— Erzass, qu’en penses-tu ?

— J’en pense que tu devrais écouter Pandara. Cette mortelle a du potentiel, je peux le sentir. Elle fera beaucoup que ce soit bon ou mauvais. Et je sais que cela pourrait grandement te divertir, mon frère.

Il lui sourit et sauta de son siège.

Après avoir atterri tout en douceur, il se dirigea à grands pas vers Reen. Cette dernière recula de quelques pas.

— N’ai pas peur petite, après tout, nous nous connaissons.

Elle obéit, presque contre son gré.

Tandis que Sathenass approchait, l’aura de la jeune femme grandissait. Les yeux du dieu semblaient pulser au rythme des battements de son cœur.

Elle s’éleva tout à coup dans les airs, les runes brûlant ses vêtements avant de disparaître, une à une.

Quand ses pieds touchèrent de nouveau le sol, Sheireen était de retour.